lundi 10 avril 2017

10 avril 2017 : un poème sur la Paix


...le fait essentiel, c’est la culture. La politique, ce n’est qu’une conséquence. Aucune politique ne vaut, si elle ne s’appuie sur une culture. Autrement dit, nous avons considéré, Senghor et moi, que la libération première, la libération essentielle, le combat fondamental qu’il fallait mener, c’était d’abord le combat contre l’aliénation culturelle.
(cité par David Alliot, Aimé Césaire, le nègre universel, Infolio, 2008)

Écoutons pour une fois les poètes !
J’ai admiré la manière dont Mélenchon, hier, a terminé son grand meeting de Marseille par la lecture d’un superbe poème de Yannis Ritsos, qui fut écouté dans un silence sacré. Je vous en livre ici une traduction, pas celle dont s’est servie le candidat. Où va-t-on si les candidats à la présidentielle se mettent à parler poésie ?

LA PAIX


Le rêve de l’enfant, c’est la paix.
Le rêve de la mère, c’est la paix.
Les paroles de l’amour sous les arbres
c’est la paix.
Quand les cicatrices des blessures se ferment sur le visage
du monde
et que nos morts peuvent se tourner sur le flanc et trouver
un sommeil sans grief
en sachant que leur sang n’a pas été répandu en vain,
c’est la paix.
La paix est l’odeur du repas, le soir,
lorsqu’on n’entend plus avec crainte la voiture faire halte
dans la rue,
lorsque le coup à la porte désigne l’ami
et qu’en l’ouvrant la fenêtre désigne à chaque heure le ciel
en fêtant nos yeux aux cloches lointaines des couleurs,
c’est la paix.
La paix est un verre de lait chaud et un livre posés devant
l’enfant qui s’éveille.
Lorsque les prisons sont réaménagées en bibliothèques,
lorsqu’un chant s’élève de seuil en seuil, la nuit,
à l’heure où la lune printanière sort du nuage
comme l’ouvrier rasé de frais sort de chez le coiffeur du quartier,
le samedi soir
c’est la paix.
Lorsque le jour qui est passé
n’est pas un jour qui est perdu
mais une racine qui hisse les feuilles de la joie dans le soir,
et qu’il s’agit d’un jour de gagné et d’un sommeil légitime,
c’est la paix.
Lorsque la mort tient peu de place dans le cœur
et que le poète et le prolétaire peuvent pareillement humer
le grand œillet du soir,
c’est la paix.
Sur les rails de mes vers,
le train qui s’en va vers l’avenir
chargé de blé et de roses,
c’est la paix.
Mes Frères,
au sein de la paix, le monde entier
avec tous ses rêves respire à pleins poumons.
Joignez vos mains, mes frères.
C’est cela, la paix.
Yannis Ritsos (1909-990) Texte traduit du grec par l'auteur

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