Supprimer
la loi et le code, c’est rétablir quelque chose de bien plus
violent que la loi de la jungle, parce que dans la loi de la jungle
le prédateur s’arrête quand son besoin est satisfait. Dans la
répartition de la richesse, il n’y a pas de limite pour le
prédateur.
(Jean-Luc
Mélenchon, De
la vertu,
Éd. de l’Observatoire, 2017)
C’est
l’histoire d’un cheminot bulgare : Tsanko Petrov, la
cinquantaine, célibataire, un peu simplet, mais pas idiot (ou alors au sens du personnage de Dostoïevski), il vit
seul avec son petit jardin et ses lapins qu’il aime caresser (il
fait un peu penser au personnage de Lennie dans Des souris et des
hommes) ; il travaille sur les voies où, muni de sa grosse
clé de 6 kg, il resserre les écrous. C’est un silencieux, affligé
d’un bégaiement qui peut être terrible quand il est placé dans
des situations nouvelles. Il observe ses collègues qui siphonnent le
fuel des locomotrices pour augmenter leur maigre paye (versée
d’ailleurs avec deux mois de retard). Voilà qu’un jour, il
trouve des billets de banque sur la voie ferrée, une énorme somme, en fait des
millions de leva. Dans son honnêteté simpliste, il appelle la
police. Ce qui met en branle le Ministère des Transports qui décide
d’organiser une fête en son honneur (manière de redorer l’image
du Ministère ternie par des malversations) et de lui offrir, outre
un diplôme, une nouvelle montre-bracelet en récompense. Mais Julia
Staikova, la directrice des relations publiques du ministère des
transports, égare sa vieille montre, relique de famille, sur
laquelle était gravé : À mon fils Tsanko. Le
malheureux Tsanko se livre alors à un combat désespéré pour
récupérer, avec sa vieille montre, sa dignité bafouée.
Présenté
en 2016 au
Festival de Locarno, Glory
avait
fait sensation.
C’est
un apologue
d’une cruauté inouïe
sur la
corruption
des
milieux
politiques
et médiatiques,
où
l’innocent est d'abord manipulé pour finir par être broyé. Le personnage de Julia Staikova,
la femme forte, qui règne d’une main de fer au Ministère, rédige
les discours de son patron, est diabolique : elle n’hésite
pas à faire intervenir la mafia pour contrer le malheureux Tsanko
qui se rebiffe.
On
est dans le cauchemar pour Tsanko (ses
collègues de travail ne l’ont-ils pas appelé "l’imbécile
de la République", quand ils ont su qu’il n’avait pas gardé
l’argent ?), dans les méandres de la bureaucratie et du
cynisme des dirigeants carriéristes
et sans scrupules qui détournent des fonds publics (les politiques)
ou qui cherchent le scoop (les télévisions) en manipulant
l’opinion. Ainsi, Tsanko, l’homme simple, est plongé brutalement
dans le monde d’Ubu.
La
ciné-discussion (organisée par l'Association des Amis de l'Utopia 33) qui a suivi la projection du film nous a fait
prendre conscience (grâce à Stefania, une Bulgare installée à
Bordeaux depuis vingt ans) des difficultés de la société bulgare
actuelle, coincée entre l’héritage du communisme (la pauvreté
qui perdure, et la bureaucratie qui s’incruste) et le libéralisme
le plus féroce des nouvelles classes possédantes. Le film est
formidablement bien interprété, l’histoire est prenante, c’est
très bien filmé, ça mérite d’être vu deux fois, ce que j’ai
fait.
Et c'est mon premier film bulgare !
Et c'est mon premier film bulgare !
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