Quand on est coureur, et que l’on est en méforme, on a vite tendance à se considérer mauvais en soi – au même titre que les gens, dans la vie de tous les jours, se rabaissent facilement après un échec.
(Guiillaume Martin, Socrate à vélo, Grasset, 2020)
Je m'excuse auprès de Thomas Hardy de pasticher le titre de son beau roman pour titrer cette nouvelle page de blog. Mais je suis obligé de constater, en regardant et en écoutant autour de moi combien nous sommes enchaînés de nos jours à tant de choses :
* enchaînés au canapé et à la télévision (avec les sports d'été, Tour de France, Eurofoot, tournois de tennis, J.O., séries de toutes sortes, infos en continu, etc.). Je ne nie pas l"intérêt de l'outil télé, mais quand ça devient un asservissement dont on ne peut plus se passer, je préfère mettre les voiles.
* enchaînés à internet (sur ordinateur, tablette, smartphone...) dont, personnellement, j'essaie d'user le moins possible, tant l'addiction arrive vite ! Il n'est que de se promener dans les rues, de regarder les terrasses de café, les rues piétonnes : plus d'un quidam sur deux se laisse promener en laisse par son doudou favori, l’œil rivé dessus...
* enchaînés à son automobile dont on peut presque plus se passer. Je suis personnellement content de ne plus en avoir. Tant pis pour moi, si je ne peux plus toujours aller où je le souhaiterais, ça ne m'empêche pas de me déplacer, de faire de belles rencontres dans les transports en commun (bus, tram, métro en ville, autocars et trains pour de plus longues distances). Je me sens plus libre que jamais.
* Et la société nous engage à être enchaîné à bien d'autres choses : la climatisation par exemple, qui n'est pas pour rien dans le réchauffement climatique, du moins en ville : encore aujourd'hui, alors que je circulais à vélo dans une rue très étroite, tout d'un coup, je reçois une bouffée d'air chaud venant de l'appareil de climatisation voisin. Comme à Basse-Terre en Guadeloupe où, en 2020, j'avais trouvé la rue commerçante suffocante de chaleur accumulée par les climatisations !
Et puis j'utilise surtout le vélo pour mes déplacements en ville (sauf les jours de pluie), ce qui me permet de joindre l'utile à l'agréable : le smartphone (quand je l'emporte) éteint, je baguenaude, je respire, mes jambes font de l'exercice, j'ai le corps et le cerveau en éveil (obligé, à 78 ans, mes réflexes ont bien diminué), et je vélosophe, comme dit dit si bien Guillaume Martin (lui-même coureur cycliste professionnel et titulaire d'un master en philosophie) dans le livre Socrate à bicyclette cité en exergue.
Et je suis allé au théâtre jeudi dernier, où j'ai pu admirer le comédien Pascal Abadie nous conter avec humour et émotion ses tentatives entre 15 et 25 ans pour devenir un coureur cycliste faisant les courses de fêtes de village en Gironde et dans l'Aquitaine. C'est que comme écrit Guillaume Martin, "On
ne naît pas cycliste ou philosophe, ou cycliste-philosophe, on le
devient". Et on écoute le jeune Abadie narrer ses premières course, où il était largué dès le début, peu à peu réussir à s'insérer dans le peloton et à y rester, puis tentant de s'échapper, et enfin de gagner une course. L'heure et quart de spectacle est aussi une performance pour le comédien qui raconte, qui mime, qui se remémore son lointain passé (il doit avoir environ 60 ans) et qui restitue tout ça avec un bonheur communicatif. Le tout seul en scène, et sans autre décor qu'une chaise.
Inutile de dire que j'étais aux anges !