le droit était le droit de beaucoup à se faire écraser sous la semelle de quelques-uns.
(Eduardo Galeano, La chanson que nous chantons, trad. Régine Mellac et Annie Morvan, Albin Michel, 1977)
Notre cher Président a fait encore des siennes. Faisant fi de la parole donnée, il a choisi de livrer à l’Italie des membres de l’extrême-gauche italienne qui avaient trouvé asile en France et qui bénéficiaient de la doctrine Mitterand. La Ligue des droits de l’homme ne s’y trompe pas qui nous dit : "À l’inverse de ce que la présidence de la République soutient, la décision de François Mitterrand, exprimée lors du congrès de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) en 1985, de ne pas extrader les réfugiés italiens en France n’excluait aucun de ceux-ci. Il est regrettable qu’en violation de toute éthique le président de la République ait décidé de revenir sur les engagements de la République". Mais notre cher Président (je ne sais pas pourquoi je mets ici une majuscule qu’il ne mérite pas) ne pouvait faire moins bien que son homologue brésilien qui avait déjà livré Cesare Battisti à l’Italie en 2019, où il a dû se livrer à une auto-humiliation d'aveux extorqués comme aux plus beaux temps de l'Inquisition ou du stalinisme, dans ce qui ressemble beaucoup plus à une vengeance qu'à de la justice.
L’Europe a joué un rôle néfaste dans tout ceci, ce qui ne nous étonne pas et finira par rendre anti-européens les soutiens inconditionnels qu’elle avait à gauche jusqu’à présent. La droitisation de la politique est en cours, n’en doutons pas, et Marine Le Pen n’a qu’à ramasser les voix qui manqueront à Macron… Même Sarkozy n'avait pas osé.
Profitons-en pour écouter une chanson de Dominique Grange, la compagne de Jacques Tardi, le dessinateur de BD bien connu, intitulée Droit d’asile :
https://www.youtube.com/watch?v=ASHVsHd4nIk
Ils
sont venus de Florence
De Rome ou bien de Milan
Dans notre
beau pays de France
Après les années de plomb
Ils
portaient des noms d'ailleurs
Paolo*, Roberta, Oreste
Impénitents
voyageurs
Enrico ou Cesare
Donne, donne-moi
Donne-moi
le droit d'asile
Je voudrais accoster
Donne,
donne-moi
Donne-moi le droit d'asile
J'ai déjà jeté
l'ancre
Je n' veux plus bourlinguer
Sans boulot, sans
domicile
Sans repère et sans copain
Les débuts furent
difficiles
Dans les années quatre-vingt
Mais un jour le
Président
Leur offrit sa protection
Et pendant plus de
vingt ans
Rien n'altéra cette illusion
Donne,
donne-moi
Donne-moi le droit d'asile
Je voudrais
accoster
Donne, donne-moi
Donne-moi le droit d'asile
Y
a quelqu'un qui m'attend
Là-bas sur la jetée
Peu à
peu ils ont forgé
Avec des femmes, avec des hommes
Des
amours, des amitiés
Dont ils ne furent pas économes
Et
les petits qu'ils ont faits
Ne peuvent s'endormir le soir
Sans
recevoir leurs baisers
Ils ont bien trop peur dans le
noir
Donne, donne-moi
Donne-moi le droit d'asile
Je
voudrais accoster
Donne, donne-moi
Donne-moi le droit
d'asile
Si je reprends la mer
J'irai droit aux galères
Un
beau jour le Président
S'en est allé sans crier gare
Et
bientôt son remplaçant
A trahi ses engagements
Paolo
persécuté
Par l'Europe judiciaire
Fut conduit à la
frontière
Puis dans un cachot fut jeté
Donne,
donne-moi
Donne-moi le droit d'asile
Je voudrais
accoster
Donne, donne-moi
Donne-moi le droit d'asile
L'exil
interminable
M'empêche de rêver
Marina ou
Cesare
Nos camarades venus d'ailleurs
Les Italiens
réfugiés
Vivent à nouveau dans la peur
Car vingt-cinq
années plus tard
Il revient le cauchemar
Avec l'État qui
crie "Vengeance !"
Et veut briser leur
existence
Donne, donne-moi
(Donne)
Donne-moi le
droit d'asile
(Donne l'asile)
Je voudrais accoster
(Donne
le droit d'asile)
(Je veux rester ici)
Donne,
donne-moi
Donne-moi le droit d'asile
Je veux rester ici
Où
mon enfant grandit
Donne-moi, donne-moi
(Le droit
d'asile)
Donne-moi droit d'asile
Je voudrais
accoster
(Donne-nous l'asile)
Donne, donne-moi
(Je
veux rester ici)
Donne-moi le droit d'asile
Je veux rester
ici
Où mon enfant grandit
Si !
* Paolo Persichetti, déjà livré par le France en 2002, voir son livre fort édifiant Exil et châtiment : coulisses d'une extradition (Textuel, 2005).