Je me promets au nom des fleurs
et de ma mère
de rester toujours
- même à cent ans
en pleine crise d’adolescence
(James Noël, Le pyromane incandescent, Points, 2015)
Je ne vois plus que très rarement des films américains, et souvent ce sont des classiques que je connais presque par cœur, mais dont je ne me lasse pas.
C’est pourquoi je prends comme film du mois un film qui vient de sortir, Winter break d’Alexander Payne, qui m’a beaucoup plu par ses qualités humaines, ses dialogues incisifs et la reconstitution d’époque : le film se passe en 1970 (en pleine guerre du Vietnam), pendant les vacances de Noël. Un professeur, Paul Human, enseigne les civilisations anciennes (grecque et latine surtout) à des lycéens peu intéressés, des fils de famille de l’aristocratie économique, financière et politique de la Nouvelle Angleterre ; ces jeunes vivent en internat dans un lycée privé huppé. Cet hiver-là, le proviseur confie à Paul Human la tâche de rester à l’internat pour garder les élèves qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pas pu rentrer chez eux. Il va être aidé dans sa tâche par la cuisinière noire Mary et un factotum, noir également.
Le professeur, célibataire guindé, est mal aimé des autres professeurs et de ses élèves aussi, à qui il ne passe rien. J’ai pensé au Merlusse du film (1935) de Pagnol ou au célèbre Mister Chips, de Good bye Mister Chips (roman de James Hilton, paru en 1934 et filmé par Sam Wood en 1939). Les internes restant, au nombre de cinq, sont bien décidés à en découdre avec le professeur détesté. Mais quatre sont miraculeusement libérés. Il ne reste plus qu’Angus Tully, que sa mère a abandonné pour filer le parfait amour avec un nouveau mari. Inutile de dire qu’Angus explose d’être livré aux soins de ce professeur austère, maladroit dans ses relations avec ces jeunes qui lui semblent privilégiés. Pourtant peu à peu, le courant passe et tous deux s’apprivoisent, avec l’aide de Mary.
Rien ne prédestinait à réunir ces trois personnes, mais le regard tendre du réalisateur réussit à créer un lien entre eux. Entre le professeur aigri, l’élève en plein désarroi, et la cuisinière endeuillée (elle a réussi à faire entre son fils dans lycée prestigieux, mais comme elle n’avait pas les moyens de lui payer les études supérieures, il a perdu son sursis et a été envoyé au Vietnam, où il a été tué), la tristesse et la solitude de chacun vont céder à une sorte de communauté solidaire et chaleureuse, grâce à des situations scénaristiques et des dialogues adroits, qui les élèvent et les font sortir des brisures de leur malheur intime personnel. Une humanité profonde nous entraîne dans le sillage de ces trois personnages joués par acteurs prodigieux. Une vraie surprise que ce film presque classique déjà.