Quand
l’œuvre devient publique apparaissent d'autres personnes qui
participent à l'invention, l'agrémentent de détails, de nuances,
d'une légende. Le premier qui contribue à l'invention est le
lecteur : il invente son propre écrivain à partir du livre
qu'il lit.
(Carlos
Liscano, L'écrivain et l'autre, Belfond, 2009)
Aujourd'hui,
je n'écris pas moi-même, mais je vous invite à lire ce communiqué
du Syndicat de la Librairie Française (j'ai simplement supprimé les références, tableaux chiffrés et notes de bas de page pour ne pas alourdir ma page, mais tout ce qui est dit est vérifiable).
J'écrivais
le 14 juillet dernier : "Allons-nous,
sous prétexte de modernité, continuer à soutenir longtemps ce
genre de multinationale anonyme, cette sorte de commerce virtuel qui
pratique la concurrence déloyale (remise à tout le monde, pas de
frais de port), à grand renfort d'exploitation du personnel et
d'exemption d'impôts, en étant localisés dans des paradis fiscaux
? Non, non et non."
Battons-nous
contre ce e-commerce qui est en train de détruire notre société !
Voulons-nous un monde de concurrence déloyale, de chômeurs ou d'exploitation éhontée d'une
main-d’œuvre à bon marché ? Voulons-nous favoriser
l'évasion fiscale, nous qui payons des impôts ? Cessons donc
cette facilité d'achats inconsidérés sur le net !
Contre
le « dumping » d’Amazon, défendons une concurrence juste entre
les ventes en ligne et les ventes en magasin
En
cumulant la gratuité des frais de port, sans minimum d’achat, pour
l’achat des livres sur son site, et un rabais systématique de 5%,
Amazon finance, grâce à l’évasion fiscale qu’il pratique à
grande échelle, une politique de «dumping» visant à étrangler
ses concurrents, à contourner le prix unique du livre et à bâtir
un monopole qui lui permettra dans quelques années d’imposer ses
conditions aux éditeurs et de relever ses prix.
Face
à cette concurrence déloyale, les libraires soutiennent les
positions exprimées par la ministre de la Culture et de la
Communication et de nombreux députés de la majorité comme de
l’opposition afin de rééquilibrer la concurrence entre la vente
en ligne et la vente physique de livres. Ils souhaitent qu’une
mesure encadrant la facturation des frais de port sur Internet soit
rapidement adoptée par le Parlement.
1/
offrir les frais de port, c’est vendre à perte
pour
tuer la concurrence et détenir un monopole des ventes
En
2012, les frais de port ont représenté pour Amazon, au niveau
international et pour l’ensemble des produits un coût de 5,1
milliards de dollars. Sur ce coût global, les frais de port
refacturés aux clients n’ont représenté que 2,3 milliards de
dollars, soit une perte de plus de 2,8 milliards de dollars. Les
projections pour 2013 laissent supposer que cette perte dépassera
les 3 milliards de dollars. Quand l’on sait que le résultat global
dégagé par Amazon était négatif en 2012 (- 39 millions de
dollars), on mesure combien la gratuité des frais de port correspond
à une stratégie de «dumping» qui s’appuie sur les économies
réalisées grâce à l’évasion fiscale, d’une part, et sur une
capitalisation boursière sans égale, d’autre part. C’est une
position de domination absolue sur le marché de la distribution que
recherche Amazon à travers cette stratégie. Cette stratégie a déjà
fait des victimes : la chaîne Borders aux Etats-Unis, Virgin en
France.
À
l’exception de Fnac.com, challenger d’Amazon en France, aucun
libraire ni aucune chaîne ne pratique la gratuité des frais de port
dès le 1er euro, tout simplement parce que cette pratique est
financièrement intenable économiquement.
Le
« dumping » d’Amazon est aggravé par le cumul de la gratuité
des frais de port sans minimum d’achat et du rabais de 5% sur le
prix des livres que même la FNAC a supprimé dans ses magasins tant
son coût était rédhibitoire.
2/
Amazon finance ses pertes grâce à l’évasion fiscale, c’est-à-dire
sur le dos
des contribuables français
En
France, Amazon est sous le coup d’un redressement fiscal de 200
millions d’euros concernant la période 2006-2010, la
quasi-totalité de son chiffre d’affaires réalisé dans notre pays
étant déclaré au Luxembourg. En intégrant les années 2011, 2012
et 2013, l’impact financier de l’évasion fiscale mise en place
par Amazon est estimé à près d’un demi-milliard d’euros.
Amazon est également sous le coup de procédures fiscales au Japon,
aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Chine et même au
Luxembourg.
Au
final, ce sont les contribuables de France et d’ailleurs qui
financent la gratuité des frais de port. Ce que les clients d’Amazon
gagnent en frais de port, ils le perdent en impôts !
3/
gratuité des frais de port pour le livre mais pas pour les autres
produits ou pas dans les autres pays, cherchez l’erreur…
En
France, Amazon réserve au livre, ainsi qu’aux chaussures et aux
vêtements, la gratuité des frais de port sans minimum d’achat.
Pour les centaines d’autres catégories de produits, la gratuité
n’est offerte qu’à partir de 15 € d’achat ou en contrepartie
d’un forfait annuel de 49 €.
Au
niveau international et à l’exception du Royaume-Uni, Amazon
n’offre les frais de port sans minimum d’achat que dans les pays
dans lesquels s’applique un prix unique du livre (France,
Allemagne, Autriche, Espagne, Pays-Bas, Japon…). Dans des pays sans
prix unique du livre (États-Unis, Canada, Suède, Finlande,
Australie…), les frais de port pour les commandes de livres sont
payants jusqu’à un certain montant d’achat (25$ aux États-Unis).
Ces pratiques attestent que la gratuité des frais de port, telle que
pratiquée par Amazon en France, vise bien à contourner le prix
unique du livre en offrant un rabais supérieur aux 5% autorisés par
la loi.
4/
Amazon ne crée pas d’emplois, il en détruit
Amazon
dispose aujourd’hui de quatre plateformes logistiques en France et
prétend, à grand renfort de communication, créer des milliers
d’emplois. En réalité, ce sont uniquement quelques centaines
d’emplois permanents de manutentionnaires qui ont été créés,
les autres recrutements correspondant à des intérimaires embauchés
lors du pic d’activité de la fin de l’année. Les conditions
sociales au sein de ces entrepôts sont de plus en plus dénoncées
par les salariés, d’où plusieurs grèves récentes en Allemagne
et en France. Le livre En
Amazonie, infiltré dans le meilleur des mondes
(par Jean-Baptiste Malet, Fayard 2013) confirme le caractère
précaire et dégradant des conditions de travail imposées par
Amazon à son personnel.
En
comparaison, la vente de livres dans les commerces physiques génère
en France plus de 20 000 emplois qualifiés dont 14 000 dans les
seules librairies indépendantes. À proportions égales, la
librairie indépendante génère 18 fois plus d’emplois que la
vente en ligne ! En captant à son profit, par des pratiques
déloyales, la vente de livres sur Internet, seul le circuit de
diffusion du livre en expansion aujourd’hui, Amazon détruit des
emplois dans les librairies physiques et fragilise des entreprises
qui contribuent à la richesse de la création éditoriale ainsi qu’à
la vie culturelle et économique locale.
5/
les librairies indépendantes et Internet
Plus
de 500 librairies françaises ont investi pour offrir à leurs
clients la possibilité d’acheter et/ou de réserver leurs livres
sur Internet en complément des achats en magasin. Certains libraires
ont développé leur propre site (Mollat, Ombres blanches, Sauramps,
Gibert Joseph, Dialogues, Procure…), d’autres s’appuient sur
des plates-formes collectives (Leslibraires.fr, Placedeslibraires.fr,
Lalibrairie.com, Librest.com…) ou sur leur réseau de librairies
(Chapitre.com, Decitre.fr, Gibertjoseph.com…). Si les librairies ne
disposent pas des capacités logistiques et financières suffisantes
pour rivaliser avec Amazon, cette présence sur Internet leur permet
d’offrir un service supplémentaire à leurs clients. Cette
activité peut en outre représenter jusqu’à 6% du chiffre
d’affaires des librairies, ce qui leur permet de compenser
l’érosion de leurs ventes en magasin ou aux collectivités.
Néanmoins,
les pratiques prédatrices d’Amazon freinent considérablement le
développement de la vente en ligne dans les librairies et les
chaînes de librairies. Les librairies étant parmi les commerces de
détail les moins rentables, elles ne peuvent rivaliser avec les
pratiques de dumping d’Amazon. A titre d’exemple, les frais de
port représentent entre 15 % et 18 % du chiffre d’affaires réalisé
sur Internet par les libraires indépendants alors même que ceux-ci
n’offrent la gratuité des frais de port qu’à partir d’un
montant minimal d’achat (de 25 à 35 € en règle générale). En
cumulant ces coûts avec le rabais de 5%, c’est donc près d’un
quart de la marge du libraire qui est amputée, ce qui est
insupportable lorsque l’on sait que le résultat net moyen des
librairies est aujourd’hui inférieur à 1%.
(Source : Syndicat de la librairie française)