vendredi 31 décembre 2021

31.12.2021 : Finir l'année

 

C’était la nouvelle religion, je pensais dans ma tête, la consommation, métaphore connue : les Produits comme dieux, la Publicité comme prophétie, les Hypermarchés comme temples. C’est pas la résurrection du Christ qui allait arrêter ce culte moderne…

(François Ruffin, Leur folie, nos vies :La bataille de l’après, Les liens qui libérent, 2021)


Nous voici au dernier jour de l’année : j’attendrai l’an prochain pour en dresser un bilan. Je ne veux pas assombrir cette fin d’année. Au fond, ce covid perturbant n’est pas si négatif que ça. Il permet en tout cas à plusieurs contaminés de se regrouper, même si c’est involontairement. C’est ainsi que notre petit groupe (peut-on parler de groupe à partir de deux personnes ?) s’est agrandi : un nouveau contaminé, Pierryl, le compagnon de Lucile, a rejoint notre cargo, il est positif lui aussi ! Et il va participer à la confection de plats, il va faire le gâteau du Nouvel an, par exemple.

Et, comme il n’a pas vu non plus Les enfants du paradis, je suis content de leur présenter ce film et ses fabuleux interprètes.  

De leur faire écouter les dialogues de Prévert et ses phrases étincelantes : "c’est tellement simple, l’amour" (Garance), que j’ai pris pour titre d’un recueil de mes nouvelles inédites ; "Ah, vous avez souri ! Ne dites pas non, vous avez souri" ou "Paris est tout petit pour ceux qui, comme nous, s'aiment d'un aussi grand amour" (Frédérick Lemaître) ; "non seulement vous êtes riche mais encore vous voulez qu’on vous aime comme si vous étiez pauvre" (Garance) ; "Les rêves, la vie, c'est pareil ! ou alors ça vaut pas la peine de vivre. Et puis qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse la vie, c'est pas la vie que j'aime, c'est vous ! (Baptiste) ; "Petit voleur par nécessité, assassin par vocation, ma route est toute tracée, mon chemin tout droit. Et je marcherai la tête haute. Jusqu’à ce qu’elle tombe. Dans le panier. Naturellement. D’ailleurs, mon père me l’a si souvent dit : Pierre-François, vous finirez sur l’échafaud (Lacenaire)" ; "Baptiste : la lumière de vos yeux. Garance : Oh la lumière ! (Elle sourit) Une petite lueur comme tout le monde".

On n’en finirait pas de citer des répliques, on peut lire le scénario chez Gallimard en 2012 (scénario original) et Balland en 1974 (ce qui s’entend dans le film).

 

jeudi 30 décembre 2021

30.12.2021 : la chanson du mois : Offenbach, le couplet des Rois (La Belle Hélène)


Un geste de bonté, cela demande deux personnes : une qui donne et l’autre qui reçoit.

(Eddy L. Harris, Mississippi solo, trad. Alain Bories, Sélection du Reader’s digest, 1996)

Cette fois, il fallait trouver pour approcher du Nouvel an un spectacle gai, et je me suis proposé de revoir La belle Hélène, d’Offenbach, cet opéra bouffe que je connais bien, parodie du grand opéra historico-mythologique du XIXème siècle, dont le livret est inspiré des prémices de l’Iliade. Plus précisément du jugement de Pâris et de l'enlèvement d'Hélène, qui sont à l’origine de l’épopée d’Homère narrant la guerre de Troie. J'en possède un dvd très réussi, même si dans cette production de 2000, Felicity Lott qui joue le rôle d'Hélène et chante très bien est un peu trop mûre (53 ans).

 

Donc, pour finir en fanfare comme chanson du mois de décembre, je vous propose un des fleurons de La belle Hélène : les couplets des rois, Voici les rois de la Grèce à écouter ici : https://www.youtube.com/watch?v=N5xUzgZHw0c


[Ajax & Chœur]
Ces rois remplis de vaillance,
plis de vaillance, plis de vaillance,

 C'est les deux Ajax...
Étalant avec jactance,
avec jactance, avec jactance

Leur double thorax...

Parmi le fracas immense
Des cuivres de Sax.

[Chœur]
Ces rois remplis de vaillance,
plis de vaillance, plis de vaillance,

C'est les deux Ajax, les deux, les deux Ajax !


[Achille & Chœur]
Je suis le bouillant Achille,
bouillant Achille, bouillant Achille,

Le grand Myrmidon,
Combattant un contre mille,
un contre mille, un contre mille,

Grâce à mon plongeon.
J'aurais l'esprit bien tranquille,
N'était mon talon...
Je suis le bouillant Achille,
bouillant Achille, bouillant Achille,

Le grand Myrmidon, le myr, le myrmidon !


[Chœur]

Voici le bouillant Achille,
Le grand Myrmidon !

[Ménélas & Chœur]
Je suis l’époux de la reine, poux de la reine
, poux de la reine,

Le roi Ménélas !
Je crains bien qu'un jour Hélène,
qu’un jour Hélène, qu’un jour Hélène,

Je le dis tout bas,
Ne me fasse de la peine...
N'anticipons pas !...
Je suis l’époux de la reine, poux de la reine
, poux de la reine, 

  Le roi Ménélas !

[Chœur]
C’est l’époux de la reine, poux de la reine
, poux de la reine

Le roi Ménélas !

[Agamemnon & Chœur]
Le roi barbu qui s'avance, bu, qui s’avance, bu, qui s’avance,
C'est Agamemnon !
Et ce nom seul me dispense
, seul me dispense, seul me dispense,

D'en dire plus long
J'en ai dit assez, je pense,
En disant mon nom...
Le roi barbu qui s'avance
, bu qui s’avance, bu qui s’avance, 

C'est Agamemnon, Aga Agamemnon !
Le roi barbu qui s'avance,
Bu, qui s’avance, bu, qui s’avance,
C'est Agamemnon, Aga Agamemnon !


[Chœur] 

  Le roi barbu qui s'avance, bu qui s’avance, bu qui s’avance,
C'est Agamemnon ! 

À noter que le livret de Meilhac et Halévy a souvent été bousculé dans les mises en scène, et qu’en particulier dans cet air, le couplet de Ménélas a été modifié au début du XXème siècle en remplaçant

le mari de la reine, ri de la reine, ri de la reine, ri de la reine

par

l’époux de la reine, poux de la reine, poux de la reine, poux de la reine

du plus bel effet comique !

Pour lire le livret, très bien commenté musicalement, lire le n° de l’excellente revue L’avant-scène opéra :


 

 

 


 

 

 

mardi 28 décembre 2021

28.12.2021 : SOS Méditerranée toujours

 

Tout début décembre à Lesbos, le pape François n’a pas mis de guirlandes à son propos quand il a taxé l’Europe d’indifférence et dénoncé un "naufrage de civilisation" à l’œuvre en Méditerranée…

(Éric Fottorino, L’inacceptable, in Migrants : sommes nous encore humains ?, Le UN, 15 décembre 2021, n°377)


Pour compléter le magazine 1 de décembre et la nouvelle d’ Éric Fottorino qui y est incluse, voici un témoignage de SOS Méditerranée :



Je m’appelle Laurence, je suis chargée de communication pour SOS MEDITERRANEE et actuellement à bord de l’Ocean Viking. Alors que les 114 personnes secourues le 16 décembre ont enfin pu débarquer samedi dans le port de Trapani en Sicile, je voudrais vous raconter l’histoire de Sidiki*, un petit garçon rencontré en septembre lors de ma dernière mission.

Quand il est arrivé à bord de l’Ocean Viking, Sidiki semblait renfermé sur lui-même. Il ne souriait pas. Il parlait à peine, et quand il le faisait, c’était seulement en chuchotant. Puis il a commencé à s’ouvrir. Il s’est mis à jouer. Tout seul au début ; puis avec d’autres adultes autour de lui. Et finalement avec d’autres enfants. Après quelques jours, il a osé parler et être entendu. Il a commencé à poser des questions, à exprimer des désirs. À sourire. 

                                                        cliché SOS Méditerranée 

L’observer s’exprimer sur ce tableau noir était magnifique. Le voir dessiner une maison, c'était autre chose encore. Pour moi, il ne dessinait pas une maison comme le fait n’importe quel enfant, là d’où je viens. Il dessinait des murs solides et un toit robuste. Une maison avec des lits confortables. Cela symbolisait son besoin vital de sécurité, sa quête d’un refuge.

Nous recherchons pour secourir. Sidiki, lui, recherche la protection. Une quête qui l’a mené, comme toutes les personnes à qui nous avons porté secours, à courir le risque de disparaître en haute mer, sans témoin. On sait qu’au moins 1 506 femmes, enfants et hommes ont péri en Méditerranée centrale depuis le début de l’année. Sidiki n’est pas l’un d’eux. Il demeure un enfant, émouvant, en mouvement.

Pour continuer à sauver des vies, nous avons besoin de vous.

samedi 25 décembre 2021

25.12.2021 : Migrants 13, "la pêche du jour"

 

Quant à l’opinion, monsieur, à voir ceux qu’elle élève, ne faudrait-il pas toujours tendre la main à ceux qu’elle foule aux pieds ? (George Sand, Indiana, Gallimard, 1984)


Il est bon à Noël de faire un petit bilan de l’année, surtout quand on coincé dans l’isolement des covidiens ou autres exclus de la société. Et, bien sûr, dans mon cas, je sais que je suis soutenu, parce que je ne suis pas seul, ma fille étant là, mais je pense à ceux, atteints de covid ou cas contact, qui sont absolument seuls chez eux. Je pense aussi à tous ceux qui sont aussi très isoles, les SDF, les migrants et les sans-papiers, en butte aux tracasseries de toutes sortes, encore ceux qui ont réussi à venir chez nous sont-ils encore vivants !

Car je viens de lire l'impressionnante nouvelle (le dialogue) d’Éric Fottorino, intitulée La pêche du jour, parue dans le magazine Le Un du 15 décembre 2021. L’auteur imagine comme principal personnage un Grec, professeur d’humanités reconverti dans la pêche aux migrants noyés du côté de Lesbos et qui, apparemment, fais commerce de ces cadavres, en tant que chair humaine. Du Malien, du Guinéen, du Yéménite, etc. Il vend de tout, "mais il y a du déchet", dit-il, ceux qui ont trop stagné dans l’eau, ceux qui ont été trop battus, trop torturés avant : "Vivants, ils n’existaient pas ; noyés, ils existent moins encore. Éjectés de leurs pays, éjectés de leurs bateaux et, pour finir, éjectés des statistiques. Un bataillon de fantômes". "La Méditerranée est la route maritime la plus meurtrière du monde […] On y meurt en masse sans que ça émeuve personne. Surtout pas les dirigeants occupés de leur réélection [suivez mon regard] et des comptes de la nation. Au contraire, les pays dits d’accueil cachent à peine leur soulagement. […] Si ça ne suffit pas, s’il y a des rescapés, on crée des délits de solidarité contre qui leur vient en aide". La conversation entre le pêcheur et son interlocuteur (un journaliste, un client potentiel ?) explore toutes les pistes du drame humanitaire qui est en train de se jouer. Une fable qui nous renvoie à tous nos renoncements à la solidarité humaine, un dialogue qui se rapproche du théâtre d’intervention.


Le dialogue fera l’objet, à Paris, d’une adaptation théâtrale au Théâtre du Rond-Point, avec Jacques Weber, dans la seconde moitié de janvier 2022.

Et ceci me ramène à mes Bangladais, que je ne peux même plus aller voir, puisque contraint à l’isolement. Ils sont actuellement logés dans un apparthôtel, aux frais de l’État bien entendu. Alors qu’il aurait été si simple de leur accorder le droit d’asile qui leur aurait donné le droit de travailler, de trouver un logement, avec ou sans aide des associations humanitaires, et de subvenir à leurs besoins : Shyamal ne demande que ça, travailler ! Il est contraint de le faire, au noir, pour le plus grand profit d’un patronat qui ne demande que ça… Et dire que se montrer humanitaire, aujourd’hui, nous met sous le coup de la loi : on est criminalisé. Je n’aurais jamais pensé voir ça de mon vivant !

 

vendredi 24 décembre 2021

24.12.2021 : Un cargo nommé covid

 

la tristesse n’est pas malsaine : elle nous empêche de nous dessécher.

(George Sand, Lettre a Maurice Sand, après la mort de Manceau)


                                                        L'association Vélo-cité m'a envoyé ses vœux

Eh bien voilà : à force de me voir vitupérer contre le covid, ce satané virus se venge. Ma fille, venue me voir spécialement pour mon anniversaire et Noël, se trouve contaminée. Je suis donc cas contact, et condamné à l’isolement, avec elle. Suis-je triste ? Un peu quand même, j’avais bien calculé mes plans, pour voir ma belle-famille à Noël avec elle, pour accueillir Mathieu et sa "fiancée" (le terme est délicieusement suranné) chez moi et pour fêter le Nouvel an à Lyon, avec des amis solitaires un peu âgés comme moi. Dans cette période de consumérisme excessif et de joie artificielle (en partie du moins : peut-on être joyeux sur commande ? Moi pas), je dois remballer mes cadeaux et dire : « bonjour, tristesse » (d’autant plus que le jour même où j’apprends le résultat positif de Lucile, j’ai appris le décès de la vieille cousine de Maman, à presque 102 ans, la dernière de cette génération, je me sens vraiment orphelin), tout en refusant à la tristesse de dessécher mon cœur.

Me voici donc confiné dans mon appartement, avec ma fille. Je lui ai fait observer que ça me rappelait le cargo et mes voyages au long cours, sauf qu’il nous manquait l’air vivifiant du large et les longues promenades sur le pont, et qu’on n’avait pas de cuisinier, ni l’accompagnement de l’équipage et des quelques passagers. Je me transforme en commandant de navire et elle en unique passagère. Ça ressemble donc aussi à l’île déserte de Robinson, où nous nous servons mutuellement de Vendredi ! Ce sera à nouveau un voyage immobile, à l’heure où j’ai dû définitivement renoncer à mes voyages en vrai cargo.

À défaut d’observer la mer et de nuit, les "mirages dorés" des Tropiques, Lucile et moi, nous nous efforcerons d’imaginer "en un ciel ignoré" des "étoiles nouvelles", dont peut-être celle qui a éclairé la naissance de l’enfant prédestiné, puisque c’est l’époque de Noël et que tout le monde semble avoir oublié pourquoi on fête ce jour. Hier ce fut mon anniversaire, et j’ai soufflé l’unique et énorme bougie que j’ai réussi à trouver dans l’appartement ; placée au centre du gâteau, ça m’a rappelé les anniversaires des Philippins ou de Jean sur le cargo. Comme quoi je suis en pleines réminiscences.

                                        j'ai baissé le masque pour souffler la bougie, rouge, évidemment
 

Nous allons donc nous atteler à passer au mieux ces quelques jours d’isolement, Lucile à étudier en anglais sur internet son master 2, moi à poursuivre mes écritures, et tous deux à nous faire un programme de ciné-club (je lui propose des films classiques qu’elle ne connaît pas, comme La strada, Les enfants du Paradis, ou découvrir Bergman) et de lectures (sachant mon intérêt pour la littérature africaine, elle m’a offert hier le Prix Goncourt 2021, j’ouvrirai ce soir le cadeau de Mathieu). Tout en nous promenant dans le Parc pour prendre l’air et faire un peu d’exercice. Chaque jour, je vais descendre et monter mes huit étages, comme je faisais plusieurs fois par jour dans le château du cargo. J’achèverai d’envoyer mes cartes de vœux, histoire de ne pas me faire trop oublier.

Et puis, on peut toujours rêver à un futur débarrassé de tous ces maux qui nous cernent : épidémies en cours et à venir, guerres que nous contribuons à propager par nos ventes d’armes, sols bientôt impropres à la culture à cause des produits chimiques abusifs, politique inféodée aux puissances d’argent, climat détérioré, etc... Dans le dernier texte de prose poétique que j’ai écrit, je montre que je n’ai pas changé depuis mes vingt ans. Je sais bien qu’on dit qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais. Mais moi je suis content d’être resté fidèle au jeune homme que j’étais, j’ai lutté comme j’ai pu contre les désillusions et le désespoir, j’ai gardé autant que je pouvais mon cœur d’innocent, d’ingénu, d’idiot (mon héros préféré en littérature : le prince Mychkine dans L’idiot de Dostoïevski ; mon héroïne favorite au cinéma : Gelsomina dans La strada de Fellini) et tant pis si on me traite de primitif. Je rougirai davantage d’être traité d’arriviste, d’arrogant, de malveillant. 

Bonne fête de Noël.

 

dimanche 19 décembre 2021

19.12.2021 : un Paris américano-asiatique


Ensemble, on se rend à Saint-Sulpice. La surprise est totale, l’émotion violente ; ces merveilleuses compositions ont une force et un élan vital qui aspirent le spectateur dans leur propre espace.

(Marie-France Lavalade, George et Alexandre : portrait de George Sand, L’Harmattan, 2020)

 


Déjà presque quinze jour que je suis rentré de mon vagabondage vers le Nord-Ouest (Bretagne, Amiens, Paris) et je m’aperçois que je n’ai rien dit de Paris, vexant peut-être ma famille et mes amis parisiens. Je les rassure, j’y ai passé des moments très agréables et qu’il me plaît de relater maintenant.

 

Mes moments chez les cousins (en fait François, un cousin germain de Claire et sa femme prénommée aussi Claire, et leurs deux filles Ève et Lily qui sont passées dîner le dimanche soir) se sont passés dans une atmosphère familiale, je dois dire assez douillette. On a conversé longuement, j’ai découvert et lu dans leur bibliothèque le livre Ventes d’armes, une honte française, fraîchement sorti chez Le passager clandestin en septembre 2021. Les deux auteurs, Aymeric Elluin et Sébastien Fontenelle dressent le constat accablant du prétendu "pays des droits de l’homme" devenu le troisième exportateur mondial de ce commerce lucratif et mortifère. Les gouvernements, de droite comme de gauche, n’ont cessé depuis vingt ans de développer ce trafic tout aussi florissant qu’il est opaque. Or, ces armes tuent, et plus souvent des populations civiles (guerre du Yémen, révoltes populaires dans certains pays comme l’Égypte) que militaires. Et on s’en glorifie (cf les derniers voyages de Macron en Arabie saoudite et aux émirats) au nom de nos intérêts économiques.

Avec Claire, je suis allé voir deux films : la biographie filmée par Valérie Lemercier d’après la vie de Céline Dion, Aline, où Valérie joue avec brio le rôle principal, escortée d’une brochette de délicieux acteurs québécois. C’est plutôt réussi dans son genre. L’autre film fut le Lion d’or de Venise, L’événement, d’après le récit éponyme d’Annie Ernaux, que je n’ai pas eu le temps de relire avant la projection. On connaît ma prédilection pour cette écrivaine, principalement parce que je me reconnais dans son parcours (elle est passée du prolétariat à la classe moyenne intellectuelle, mais n’a rien oublié de ses origines) qu’elle a su décrire avec objectivité et finesse dans ses nombreux écrits à forte teneur autobiographique. Je serais même (d’après un libraire quelque peu macho) un des rares hommes à l’apprécier fortement, suffisamment pour me précipiter, acheter tous ses livres, les lire et parfois les relire. Le film est de la même qualité : un thème difficile, l’avortement, et qui ne va pas attirer les foules, la même sécheresse et absence de pathos dans la narration, et des actrices épatantes. Les hommes sont aussi vus de façon objective, et n’ont pas le beau rôle, surtout les médecins de l’époque. Je suis allé revoir le film à Bordeaux, et participer à l’animation qui a suivi, avec des jeunes, dont des étudiants (jeunes femmes et jeunes hommes) étrangers venus de pays où l’avortement est encore clandestin comme en France dans les années 50 et 60. Très bon film et film nécessaire. Et lisons Annie Ernaux !

J’ai revu Christine, ma condisciple de l’École des bibliothèques, comme à chaque visite à Paris. On se fait en général une exposition : cette fois c’était, au Musée du Luxembourg, l’expo de photos de Vivian Maier (1926-2009), photographe américaine de la vie quotidienne, principalement dans les rues, notamment de Chicago ou de New York. Après Anita Conti à Lorient, deuxième femme photographe découverte en peu de temps. Et toujours cette attention aux choses et aux êtres,  teintée de mélancolie propre aux femmes. En sortant, nous sommes passés devant l’église Saint-Sulpice, et comme je lui avouai n’y être jamais entré, elle me proposa d’aller voir les Delacroix. J’avais déjà vu des reproductions de son Combat de Jacob avec l’Ange, mais le voir en vrai, c’est colossal, même si pas très bien éclairé (le temps, dehors, était gris). Et, comme en général, on se fait un restaurant aussi, Christine m’a proposé un bistrot parisien. Ce fut Rue de Rennes. Bien, mais on y était serrés comme des sardines !

 

Et le dimanche après-midi, j’ai retrouvé José-Luis, mon ami ex-ouvrier chez PSA, devenu gardien de musée au Musée Cernuschi (près du Parc Monceau), un des nombreux musées appartenant à la ville de Paris, et consacré à l’art asiatique. Il y avait une belle exposition de peintures chinoises anciennes sur rouleaux, principalement consacrées à des paysages de montagnes et torrents, sur lesquelles les hommes n’étaient guère plus grands que des fourmis. Le reste du Musée contient les collections permanentas, léguées avec le bâtiment par testament par Henri Cernuschi (1821-1896), Italien exilé en France après la révolution de 1848, et grand voyageur et collectionneur. On y trouve de l’art chinois (dont un très grand Bouddha), japonais, coréen et vietnamien. C’est magnifique. J’y reviendrai, car je n’ai pas pu détailler toutes les salles.


Et je suis revenu ravi de mon périple vagabond. J’aurais beaucoup marché aussi, n’ayant pris le métro que pour venir des gares ou y aller pour repartir. Et j'apprends ce matin à la radio que les drones américains en Syrie censés faire des assassinats "ciblés" ont fait beaucoup de morts dans la population civile. Comme les drones israéliens à Gaza !


                                                             de très belles sculptures au Musée Cernuschi

 

samedi 18 décembre 2021

18.12.2021 : "À Moureux", le poème du mois

 


Il n’y a pas d’amour impossible.

(Amélie Nothomb, Attentat, Albin Michel, 1997)


Et voici en attendant Noël, mon poème préféré de ces derniers temps, et Dieu sait si j’en ai lu pas mal, dont les poèmes d’Anita Conti, qui m’ont bien plu. Mais là, il s’agit d’un texte issu du collectif Grondement amoureux qui vient de publier un livre contenant textes (poèmes, récits de vie, essais divers) et dessins traitant de l’amour tel qu’il est vécu en ce début du XXIème siècle : je lis lentement et médite ce livre auquel j'ai contribué par la contribution participative pour la publication. Il est magnifique. 

Il y a là des psychologues, des sociologues, de simples quidams aussi (dont de nombreuses femmes) qui ont conçu des textes percutants sur les différentes variations amoureuses d’aujourd’hui. Un thème souvent évoqué est celui du consentement. On sent que #metoo est passé par là, et que les langues et la plume se libèrent.



À Moureux (Philippe Laval, genre humain)


Être à Moureux c’est comment ?

Comment c’est à Moureux ?

C’est-y loin ?

Faut voyager ?

Longtemps ?

Pour être à Moureux ?


Y a l’train ?

Pas souvent ?

Y a l’train-train ?

Des fois ?


Et quand on y est ?

Arrivé à Moureux ça fait quoi?

Sont sympas les gens à Moureux ?



Si ça plaît, qu’on veut rester ?

On peut rester à Moureux ?


Toute la vie ?

Même la mort ?


Si tu meurs à Moureux on t’enterre à Moureux ?


C’est chouette


Moi j’voudrais bien y aller

être à Moureux


Avec ma copine

Tous les deux là-bas


Mais elle est plus là

Elle est à Moureuse