...une lassitude prenait Christophe de ce monde fiévreux et stérile, de ces batailles d'égoïsme, de ces élites humaines, ces ambitieux, ces vaniteux, qui se croient la raison du monde et n'en sont que le mauvais rêve.(Romain Rolland, Jean-Christophe, Dans la maison)
L’amie Sylvie est morte. Cinquante ans. Un AVC.
Je comptais lui rendre visite lors de mon séjour parisien, en octobre. Nous avions fait sa connaissance à Amiens, où elle fut la collègue de Claire à la Bibliothèque départementale, et c’était une amie précieuse, tant pour Claire que pour moi. Nous lui avons rendu visite plusieurs fois, elle est venue à Poitiers également, et nous sommes allés chez son père, « l’homme aux chats » pour ceux qui ont lu mon bouquin, un type formidable, veuf de bonne heure et qui a élevé seul sa fille unique. Sa douleur doit être immense.
Comme j’étais invité chez notre vieille amie Mme F., quatre-vingt-six ans, pour cueillir pommes et mûres dans son jardin, je me suis effondré en larmes. Comme maman naguère, elle m’a consolé ; et m’a dit la chose suivante : « Quand mon mari est mort, j’avais à peine soixante-douze ans, on me pressait de refaire ma vie. Trois hommes m’ont demandé. Mais croyez-vous que j’aurais accepté un monsieur sur le fauteuil, là, à côté de moi, ou dans mon lit ? » Et, la larme à l’œil à son tour, elle me raconte son mariage, elle connaissait son mari depuis l’âge de dix-sept ans. Ils ont attendu six ans pour se marier, qu’il ait achevé son service militaire. « Et, à l’époque, on ne couchait pas avant le mariage ! Mais je l’aimais, comment aurais-je pu le remplacer ? »
Une sage. Et roborative !
Mais c’est égal, la vie tient à si peu de choses. Je soupçonne Sylvie, qui stressait trop au travail, dans son labo de l’université de Nanterre, où elle était devenue chargée de la documentation, d’être morte des suites d’excès de travail.
Par pitié, mes jeunes ami(e)s, ne faites pas comme Sylvie, ou mon frère Bernard, mort aussi prématurément, ne vous laissez pas bouffer par le travail. Vivez, aimez, créez si vous pouvez, mais le travail qui existait avant vous continuera après vous : ne le laissez pas vous tuer. Vous n’avez qu’une vie qui, elle, ne continuera pas après vous !
L’amie Sylvie est morte. Cinquante ans. Un AVC.
Je comptais lui rendre visite lors de mon séjour parisien, en octobre. Nous avions fait sa connaissance à Amiens, où elle fut la collègue de Claire à la Bibliothèque départementale, et c’était une amie précieuse, tant pour Claire que pour moi. Nous lui avons rendu visite plusieurs fois, elle est venue à Poitiers également, et nous sommes allés chez son père, « l’homme aux chats » pour ceux qui ont lu mon bouquin, un type formidable, veuf de bonne heure et qui a élevé seul sa fille unique. Sa douleur doit être immense.
Comme j’étais invité chez notre vieille amie Mme F., quatre-vingt-six ans, pour cueillir pommes et mûres dans son jardin, je me suis effondré en larmes. Comme maman naguère, elle m’a consolé ; et m’a dit la chose suivante : « Quand mon mari est mort, j’avais à peine soixante-douze ans, on me pressait de refaire ma vie. Trois hommes m’ont demandé. Mais croyez-vous que j’aurais accepté un monsieur sur le fauteuil, là, à côté de moi, ou dans mon lit ? » Et, la larme à l’œil à son tour, elle me raconte son mariage, elle connaissait son mari depuis l’âge de dix-sept ans. Ils ont attendu six ans pour se marier, qu’il ait achevé son service militaire. « Et, à l’époque, on ne couchait pas avant le mariage ! Mais je l’aimais, comment aurais-je pu le remplacer ? »
Une sage. Et roborative !
Mais c’est égal, la vie tient à si peu de choses. Je soupçonne Sylvie, qui stressait trop au travail, dans son labo de l’université de Nanterre, où elle était devenue chargée de la documentation, d’être morte des suites d’excès de travail.
Par pitié, mes jeunes ami(e)s, ne faites pas comme Sylvie, ou mon frère Bernard, mort aussi prématurément, ne vous laissez pas bouffer par le travail. Vivez, aimez, créez si vous pouvez, mais le travail qui existait avant vous continuera après vous : ne le laissez pas vous tuer. Vous n’avez qu’une vie qui, elle, ne continuera pas après vous !