jeudi 31 mars 2022

31 mars 2022 : Palestine toujours

 

l’univers concentrationnaire recréé par l’encerclement, la pénurie et les dispositifs de surveillance sophistiqués enfermant les hommes, les femmes et les enfants blafards[…] autour de slogans haineux, refusant l’humanité des damnés de ces terres dévastées.

(Yasmine Chami, Dans sa chair, Actes sud, 2021)


Heureusement que je suis adhérent de deux associations de soutien à la Palestine pour avoir un autre son de cloche ! Car on parle rarement (euphémisme) à la télé ou à la radio ni dans la grande presse se disant d’informations des multiples exactions et crimes commis par l’armée israélienne et les colons dans les territoires occupés ou la bande de Gaza. On ne parle de la région que quand il y a des "attentats" palestiniens qui ne sont que le fruit d’une colère d’un peuple muselé depuis tant d’années, vivant dans des terres qui lui sont progressivement confisquées, volées



Curieux, non ! Les Ukrainiens ont le droit d’être taxés de "résistants", les Palestiniens, non ! Voici ce qu’en dit Europalestine ce jour sous le titre Quand les médias parlent enfin des Palestiniens… :


« Le spectre de la violence resurgit en Israël », annonçait sans rire France Info ce mercredi matin, déplorant un « bilan de 11 victimes israéliennes en une semaine après des attentats palestiniens ». C’est étrange comme les médias ne présentent jamais le bilan des victimes palestiniennes de la terreur israélienne : En ce moment, on en est à une moyenne d’un assassinat par jour, en Cisjordanie occupée, dont de nombreux enfants : un calcul trop compliqué apparemment… Sans parler des autres atrocités commises par le régime colonial israélien, dont il n’est jamais question, et qui ont de quoi pousser à bout les plus patients des Palestiniens.

À commencer par les expulsions et les démolitions quotidiennes de maisons palestiniennes. Des avis de démolitions ont été encore remises mardi par les forces d’occupation dans le village d’Al-Tuwanah, dans le district occupé d’Hébron, en Cisjordanie. Le même jour, elles bloquaient l’accès des agriculteurs palestiniens à leurs terres dans le village occupé de Qusra, en Cisjordanie. Pas plus tard que cette semaine elles ont convoqué l’enfant palestinien Oday al-Haddad pour un interrogatoire après avoir pris d’assaut sa maison dans la vieille ville de Jérusalem.

Sans compter les agressions constantes des colons israéliens et leurs provocations. La chaîne publique israélienne Kan annonce : « Des groupes nationalistes israéliens armés de droite devraient se rendre à Sheikh Jarrah pendant le mois sacré du Ramadan pour provoquer les Palestiniens du quartier. » Des dizaines de colons israéliens, dirigés par le député israélien d’extrême droite Itamar Ben-Gvir, ont pris d’assaut dimanche matin le quartier Sheikh Jarrah de Jérusalem. Et ce fanatique a déclaré qu’il va s’introduire dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem occupée jeudi prochain. Des colons israéliens extrémistes ont incendié lundi matin plusieurs véhicules appartenant à des Palestiniens dans le village de Jaloud, au sud de la ville occupée de Naplouse en Cisjordanie.

À GAZA, ISRAËL ASSASSINE EN SILENCE, MÊME LES BÉBÉS

Dans le ghetto de Gaza, la situation n’est pas plus facile pour les Palestiniens, enfermés à double tour, sans soins dans ce camp de concentration. La petite Fatma Al-Masri, 19 mois, est décédée vendredi après qu’ Israël lui a refusé l’accès à un hôpital à l’extérieur de la bande de Gaza assiégée. Al Mezan, le représentant légal de Fatma, indique que les médecins lui ont diagnostiqué une communication interventriculaire en 2021. Fatma a obtenu une recommandation médicale du ministère palestinien de la Santé et confirmé trois rendez-vous à l’hôpital Al-Makassed à Jérusalem. Cependant, Israël a refusé à chaque fois à Fatma le permis de sortie requis pour se rendre à Jérusalem. Son dernier RV était le 5 mars 2022, et ses parents ont essuyé un nouveau refus. Elle est morte 3 semaines plus tard.

À Gaza, toujours, la marine israélienne a ouvert le feu et tiré des canons à eau sur des pêcheurs palestiniens naviguant au large de la zone d’Al-Sudaniya dans la bande de Gaza, ce mardi. Elle en avait fait autant dimanche matin sur des pêcheurs palestiniens dans les eaux de Rafah au sud de la bande de Gaza, les forçant à regagner le rivage, alors que c’est l’unique source de nourriture pour de nombreuses familles sous blocus.


L’EMPRISONNEMENT MASSIF ET SANS INCULPATION DES PALESTINIENS

Bushra Tawil, journaliste et ex-prisonnière vient d’être à nouveau placée en détention administrative, sans inculpation ni procès, pendant trois mois. Des familles de prisonniers palestiniens à Gaza se dirigent vers leurs fils incarcérés dans les prisons israéliennes après une interdiction de deux ans et des restrictions sur les visites familiales. En grève de la faim depuis 27 jours administratifs. Khalil Awawdeh en est à son 27ème jour de grève de la faim pour protester contre cette détention « administrative », scandaleuse et illégale, dans le plus grand silence des médias et de nos dirigeants politiques.


QUI SONT LES TERRORISTES ?


Eh oui, on peut se le demander, quand il existe un terrorisme d’État !...

 

mercredi 30 mars 2022

30 mars 2022 : frontières !

 

N’est-ce pas curieux que le monde empire si vite, mais qu’il soit si long à s’améliorer ?

(Tiago Rodrigues, Caterina et la beauté de tuer des fascistes, trad. Thomas Resendes, Les solitaires intempestifs, 2020)


Après deux années d'intense intoxication par les propagandes d’État anti-gilets jaunes puis anticovid relayées à outrance par les infos des médias, nous sommes à présent obligés de supporter la propagande binaire anti-Poutine / pro-Ukraine.

Personnellement, je commence à en avoir assez de toutes ces injonctions, interdictions et obligations si faciles à imposer ; et je suis sidéré qu'il y ait si peu d'opposition. Peu à peu, les QR codes et le numérique ont pris le relais des anciennes bureaucraties (déjà bien pénibles, cf le va-et-vient infernal pour obtenir un titre de séjour quand on est immigré) et finissent, si vous ne vous y pliez pas, par vous empêcher quasiment d’exister. Et par écraser les gens les plus démunis !

  Le monde va devoir faire des choix drastiques dans l’aide humanitaire : on va se focaliser sur les Ukrainiens, et ça va se faire au détriment des autres victimes de guerres civiles ou non (Syrie, Yemen, Congo, Afghanistan, etc.), de catastrophes naturelles et/ou climatiques (Haïti, etc.) qu’on accueillait ou secourait déjà fort mal et qui vont être délaissées. Sans compter les conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur la production des céréales, ce qui va accroître le nombre des migrants économiques.

Et quelles réponses apporte-t-on ? Des ventes d’armes à profusion, encore et toujours. À croire que le capitalisme a toujours besoin de prolonger les guerres. Et que les marchands d’armes sont aux commandes.

J’ai fini par voir le reportage documentaire français Donbass, réalisé en 2015 par Anne-Laure Bonnel (https://vimeo.com/202792798) qui montre que la population russophone y était clairement opprimée. On y voit Petro Porochenko, président de l’Ukraine à l’époque, qui claironne en 2014, « Nous aurons du travail et eux non, nous aurons des retraites et eux non, Nous aurons des avantages pour les retraités et les enfants et eux non, Nos enfants iront à l’école et à la garderie, leurs enfants resteront dans les caves, parce qu’ils ne savent rien faire, et c’est comme ça, précisément comme ça, que nous gagnerons cette guerre ! » Le désastre humanitaire était déjà évident pour les russophones du Donbass et n’a pas attendu 2022. Et on comprend que ces derniers aient plutôt bien accueilli les Russes. Ce qui repose, bien sûr, le problème des frontières (souvent artificielles) et des nationalismes.


Avant de se lancer dans cette guerre irréfléchie, Poutine aurait dû lire Les cercueils de zinc de Svetlana Alexievitch (Actes sud, 2018), car le désastre de la campagne d'Afghanistan a été une catastrophe pour l'armée russe. En sera-t-il de même cette fois-ci ?

 

mercredi 16 mars 2022

16 mars 2022 : cinéma à Pézenas

 

Le pseudo-universalisme, humanisme eurocentré, est à la fois une confiscation, un instrument pour faire taire et une fabrication de l'ennemi intérieur.

(Julien Suaudeau et Mame-Fatou Niang, Universalisme, Anamosa, 2022)


Cette phrase de Franz Bartelt (Sans le spectacle du crime, que serait l’existence des gens probes, sinon une morne plaine ? ) que j’avais mise en exergue le 4 mars dernier, de retour de Pézenas, après avoir vu aux actualités télévisées la manière dont on traitait l’info depuis quelques années, me revient sans cesse à l’esprit. Heureusement que je lis autre chose que les médias "mainstream" ! Et qu’à Pézenas, au cinéma, j’ai eu l’occasion de voir des films qui, même violents, proposaient en général une réflexion sur l’humanité, en montrant bien que notre humanisme occidental est à relativiser, et n’est pas, ne peut pas être aussi universel qu’il le prétend.

Donc le festival de Pézenas était consacré aux cinématographies brésilienne et portugaise. Point commun, la langue, mais que de différences ! Au Brésil, pays immense, neuf et très inégalitaire (racisme omniprésent), le cinéma propose des images de grands espaces, de terres arides, mais aussi de mégalopoles. Le Portugal, petit pays européen, est plus figé dans son passé colonial et fasciste, puis entré dans l’Europe, et tente au cinéma de concilier tout cela. Dans l’ensemble, beaucoup de très bons films, parfois excellents, toujours intéressants.

Parmi les films brésiliens, je recommande :

* La parole donnée (Palme d’or à Cannes en 1962) d’Anselmo Duarte : un pauvre paysan a fait le vœu de porter une lourde croix à pied jusque dans l’église de Sainte Barbara si son âne malade se rétablissait. Mais le curé refuse de le laisser entrer avec sa croix dans l’église. Un film splendide dans la lignée du néo-réalisme italien.

 

* Avril brisé (2001, d’après le grand romancier albanais IsmaIl Kadaré), de Walter Salles : la tragédie des vendettas familiales, un homme est chargé de venger la mort de son frère. Bouleversant.

* Carandiru, d’Hector Babenco (2003) : la plus grande prison du Brésil, une violence endémique. Un médecin proposer un programme de prévention contre le Sida. Mais la situation est explosive et les détenus déclenchent une mutinerie écrasée par l’armée. Un film rageur.

* Cinéma, aspirines et vautours, de Marcelo Gomes (2004) : en 1942, un jeune Allemand fuyant le nazisme et un paysan fuyant la sécheresse se rencontrent. Un voyage initiatique et une belle amitié.

* Casa grande, de Fellipe Barbosa (2014) : confrontation des classes sociales. Un jeune ado bourgeois découvre la misère et l’hypocrisie sociale. Très intéressant.

* Bacurau, de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles (2019) : de riches Américains convoitent des terres dans le Nordeste pour en chasser les paysans. Les villageois s’organisent pour leur résister. Fulgurant.


Pour les films portugais, sont à voir :

* Les vertes années, de Paulo Rocha (1963) : Julio débarque de sa campagne pour devenir cordonnier chez son oncle. Il rencontre Ilda, une jeune femme, ils sont amoureux. L’arrivée dans l’âge adulte dans un monde très dur. Beau film de la "Nouvelle vague" portugaise. 

 

* La vengeance d’une femme, (2011, d’après une nouvelle de Barbey d’Aurevilly) : adaptation magnifique de la nouvelle extraite du recueil Les diaboliques. D’un esthétisme qui rappelle Visconti et Oliveira. Une histoire très sombre pour un régal de la vue.

* Volta a terra, de João Pedro Plácido (2015) : le fond de la campagne traditionnelle, un village où l’on vit en autarcie d’une agriculture de subsistance alimentaire. Le héros est un jeune vacher qui tente de se construire et rêve d’amour. Un film fait d’impressions en demi-teinte dans des paysages très beaux.

* Saint Georges, de Marco Martins (2016) : Jorge, placé dans des conditions familiales difficiles, est recruté par une agence de recouvrement de dettes impayées (aux méthodes terribles), tout en s’entraînant pour des matches de boxe. La mal social dans toute sa splendeur dans un film très noir.

* Rage, de Sérgio Tréfaut (2018) : le Portugal des années 50, la tension entre paysans pauvres, quasi serfs et l’oligarchie terrienne qui les asservit. Dans un noir et blanc très pur, la dénonciation de la misère et de l’inégalité (c’est peu dire) sociale. Superbe.



Concernant le reste du programme (films européens récents ou inédits), j’ai bien aimé :

* Ceux qui nous restent, d’Abraham Cohen (France, 2017) : la lutte des salariés du cinéma d’art et d’essai Le Méliès, à Montreuil, pour sauvegarder le cinéma. Un docu plein d’intérêt pour les cinéphiles.


* La tendresse, de Marion Hänsel, (Belgique, 2013) : Olivier Gourmet et Marilyne Canto transcendent ce beau film. Un couple belge séparé est réuni quelques jours pour récupérer leur fils gravement blessé en faisant du ski. Avec la superbe chanson éponyme de Bourvil sur le générique de fin. Film qui fait du bien.

* Les femmes du pavillon J, de Mohamed Natif (Maroc, 2022) : dans un quartier psychiatrique où sont enfermées des femmes, nous suivons le quotidien de quatre d’entre elles, entre rires, pleurs et envie de s’évader. La société marocaine vue sous un certain angle. Superbe, devrait sortir bientôt.


                                                        centre de Pézenas

Et puis, on ne se lasse pas d’errer dans Pézenas, petite ville aux rues étroites du centre ville, aux très belles maisons du XVII et XVIIIème siècles, au marché magnifique, aux petits musées consacrés à l’enfant du pays Bobby Lapointe ou à Molière qui y a débuté avec sa troupe avant de rejoindre Paris. Les gens sont simples, accueillants, prompts à papoter, tout ce que j’aime quand je me déplace… Et puis un temps agréable, alors que j’avais quitté Bordeaux sous les nuages et la pluie pendant quatre jours de suite. Et revoir quelques membres du groupe de Venise. Que du bonheur !

 

                                            mon gîte à Pézenas, à côté du Théâtre Molière


dimanche 13 mars 2022

13 mars 2022 : la chanson de mois : Isabelle Aubret / Jean Ferrat

 

Peut-être que la voix, c’est l’âme ? Je n’en sais rien – mais ce que je sais, c’est qu’il y a un charme dans la chanson, un sortilège unique.

C’est celui d’enchanter, justement.

(Annkris)


Et voici la chanson du mois, de Jean Ferrat, chantée par Isabelle Aubret.



                Deux enfants au soleil


La mer sans arrêt roulait ses galets

Les cheveux défaits, ils se regardaient

Dans l'odeur des pins, du sable et du thym

Qui baignait la plage

Ils se regardaient, tous deux sans parler

Comme s'ils buvaient l'eau de leurs visages


Et c'était comme si tout recommençait

La même innocence les faisait trembler

Devant le merveilleux

Le miraculeux voyage de l'amour


Dehors ils ont passé la nuit
L'un contre l'autre ils ont dormi
La mer longtemps les a bercés
Et quand ils se sont éveillés
C'était comme s'ils venaient au monde
Dans le premier matin du monde


La mer sans arrêt roulait ses galets
Quand ils ont couru dans l'eau les pieds nus
À l'ombre des pins se sont pris la main
Et sans se défendre
Sont tombés dans l'eau comme deux oiseaux
Sous le baiser chaud de leurs bouches tendres


Et c'était comme si tout recommençait
La vie, l'espérance et la liberté
Avec le merveilleux
Le miraculeux voyage de l'amour

(Paroliers : Edith Marie Louise Delecluse / Jean Tenenbaum)

 

version Isabelle Aubret : 

https://www.youtube.com/watch?v=GyHrLGGKrLQ 


version Jean Ferrat : 

 https://www.youtube.com/watch?v=xUZSaL1A9TAersin

 

samedi 12 mars 2022

12 mars 2022 : le poème du mois

 

Notre médecine est à un tournant, fragmentée

Les docteurs fidèles à leur serment d’un côté

De l’autre ceux que les labos ont transformés

En associés du plus grand cartel du crime organisé

(Akhenaton, La faim de leur monde, L’iconoclaste, 2021)

 

Ce mois-ci, j’ai trouvé un poème sur internet, j’aurais aimé l’avoir écrit. Un poème, critique des pouvoirs politique (Versailles, les riches) et militaire (vestes treillis) qui marchent toujours ensemble, auxquels se sont adjoints le pouvoir médical (blouses blanches) de ceux qu’Akhenaton fustigeait dans son recueil de 2021 et le pouvoir technologique (nuit atomique)… Le texte pose beaucoup de questions sur les cobayes prisonniers du labyrinthe que nous sommes presque tous devenus (sauf les gens qui comptent). Ça donne en effet le vertige.

Le labyrinthe


Le vertige du labyrinthe, ils ne l’auront jamais.

Puisqu’ils l’ont construit.

Ils sont immortels, ils sont Versailles.

Ils sont la ligne droite, le A et le Z.

Ils ne se pensent jamais poussières, ils sont sûrs d’avoir une mission à accomplir.

Les assassins, en blouses blanches ou vestes treillis, ils connaissent les statistiques : En règle générale, les pauvres vont se coucher et les riches se pavaner.

Les assassins séquencent l’ADN des souris albinos.

Ensuite, ils se retrouvent en congrès, dans un endroit équivalent à Versailles.

Ils se félicitent entre eux, et la modestie pour eux, c’est de se savoir entre gens qui comptent.

Ils passent leurs nuits dans des hôtels à la propreté impeccable, ils passent leur temps à transformer la nature en équation, et la puissance des bombes leurs donnent raison.

La nuit atomique ne perturbe pas leurs sommeil.

Ils séquencent l’ADN des souris dont la vie consiste à tourner dans une roue métallique.

Ils ne s’appellent jamais la guerre, ils la mesurent.

La prochaine génération de souris sera de nouveau soumise à expérience.

Dans le laboratoire, il n’y a aucune poussière.

Tout est si propre.

Une autoroute vide et sans lumière, où les tanks et ceux qui connaissent le secret de la fission nucléaire roulent à fond.

Un surmulot pelé tente de s’échapper.

Il n’a aucune chance sauf celle de n’avoir pas conscience d’être sur la route des hommes en uniforme.

Le labyrinthe le plus simple est la ligne droite entre l’entrée et la sortie.

Ensuite il y a une chose qu’on ne peut pas concevoir, notre disparition au milieu.

Le vertige du labyrinthe, comme on l’appelle.



jy.D

 




vendredi 11 mars 2022

11 mars 2022 : comment voter ?

 

Ils se sentaient légers et plutôt joyeux. Âgés et au terme d’une vie vertueuse, qu’avaient-ils à craindre ? Ils allaient sans aucune appréhension à la rencontre de la mort, conclusion de toute vie humaine.

(Le Mahâbhârata conté selon la tradition orale par Serge Demetrian, Albin Michel, 2011)



 

Lu sur le blog de Karak le texte suivant qui me correspond assez bien. Je crois que cette fois, au second tout du moins (mais peut-être au premier tour aussi), je ne voterai pas utile. J’ai voté utile en 2002 et 2017, ça m’a suffi de considérer les dégâts. Et tant pis si mon (ou ma) candidat est un perdant, j’ai l’habitude, et au moins j’apprécie certaines de leurs idées inscrites dans leur programme. Il y a belle lurette que je ne me fais pas d’illusions sur ce type d’élection : au second tour, j’ai souvent voté contre, je crois que ce sera encore le cas. On verra, mais au premier tour, j’ai toujours voté "inutile", car les "grands" candidats me semblaient pourris de suffisance, et je n’ai jamais aimé ce goût du pouvoir et cet arrivisme qui les caractérisent !

 

« Le vote utile… le vote utile » J’entends que ça autour de moi, de droite comme de gauche, et je dois avouer que ça m’agace un peu. Quand on dit vote utile, cela sous-entend qu’il y a un vote inutile. C’est quoi la différence entre utile et inutile ? On m’explique que c’est la position dans les sondages. « Et tu crois aux sondages, toi qui es toujours en train de les dénigrer, de dire qu’ils se trompent, qu’ils sont orientés, aux mains des puissants qui nous dirigent ? » « Non, mais heu… faut regarder les choses en face ! ».  En face, c’est cela, oui.

Si je comprends bien les sondages sont une sorte de primaire populaire, Ouah !!! Il ne faut plus voter pour ses idées, ses convictions, mais, comme aux courses, parier sur le bourrin qui risque d’aller en finale. Une haute idée de la démocratie ! Plus la peine de se faire suer à lire les programmes, regarder les propositions, écouter les débats, non, les sondages suffisent ! Finie la politique, vive la peopletique ! Ensuite, le vote soi-disant utile est à géométrie non pas variable mais très variée. Tiens par exemple, pour dégager Macron il faudrait peut-être voter Marine pour lui donner plus de poids au second tour, non ? « Mais elle est d’extrême droite !!! » « Oui, mais on a dit qu’on se foutait pas mal des convictions ! » En plus en votant pour elle on élimine l’ignoble Zemmour, et aussi les Républicains. Génial ! Non ?

Toute ma vie, j’ai voté inutilement, pour des candidats qui n’ont jamais été élus, mais qui pensaient un peu comme moi, qui me ressemblaient en fait ! Des loosers ! Et vous savez quoi, j’en suis fier quand je vois ceux qui ont été élus par le vote utile ! »


vendredi 4 mars 2022

4 mars 2022 : un autre son de cloche ou "deux poids, deux mesures"

 

Sans le spectacle du crime, que serait l’existence des gens probes, sinon une morne plaine ?

(Franz Bartelt, Of course, L’arbre vengeur, 2021)



Depuis une dizaine de jours, on n’entend dans les médias que bruits de bottes, de tanks, de missiles, de bombes, avec, comme d’habitude, depuis les gilets jaunes et la pandémie, un seul et même son de cloche. On sait bien que tous nos médias (journaux et magazines, radios, télés) sont entre les mains de quatre ou cinq milliardaires (tiens, personne ne les traite d’oligarques, eux, ce qu’ils sont bien pourtant) et que leur doxa est unique (à de très faibles nuances près) et visent principalement à soutenir le capitalisme occidental dont ils sont "les chiens de garde". Quitte à mentir sciemment, bien souvent, et à vilipender tous ceux qui ne sont pas à suivre cette doxa : gilets jaunes, manifestants de toute sorte, ou qui ne sont pas prêts à les admirer béatement. Et ceci partout dans le monde.


La Russie n’y échappe pas, d’ailleurs. Mais croyait-on réellement, en haut lieu, qu’elle accepterait voir l’OTAN s’installer dans un pays voisin. Si la Mongolie demandait à entrer dans l’OTAN, la Chine laisserait-elle faire ? Il faut avoir une mentalité de vassaux pour accepter ça (de Gaulle ne l’avait pas, et nous avait dégagé de cette organisation américano-belliqueuse, on l’a bien vu avec les bombardements de Belgrade naguère, et plus tard Chirac a bien eu raison de ne pas vouloir entraîner la France dans la guerre d'Irak où les USA voulaient nous engluer). Poutine, pas très finaud et mal conseillé, est tombé dans un piège similaire.

Mais de là à admettre tous les bobards officiels et médiatiques ! Car l’Ukraine n’est pas si innocente non plus. On le voit bien avec le sort des Africains (le plus souvent étudiants) qui sont sur son sol, et qui sont éjectés des gares quand ils veulent fuir : "Les Africains voulant fuir l’Ukraine et la guerre en sont empêchés. Les Ukrainiens doivent tous passer avant eux quand il s’agit de monter dans les trains ou de franchir les frontières". D’ailleurs, la Pologne les admettrait-elle, elle qui a eu il y a peu un ignoble comportement avec les migrants syriens, soudanais, etc, contre qui elle a construit un mur pour les empêcher d’accéder en Europe ? Tiens, parlons un peu des murs : on n’avait pas eu de mots assez durs en Occident pour le mur de Berlin. A-t-on entendu la moindre protestation contre le Mur qu’a construit Israël en Cisjordanie ?


 

Et puis les "migrants" sont devenus des "réfugiés", dès lors qu’ils sont Ukrainiens. Ça ne vous dit rien, ce changement de sémantique ? On les présente comme des saints, venant d’un pays "civilisé", pas comme ceux venant de pays africains ou du Moyen-Orient (dixit un de nos brillants ministres macronistes, ce qui ne m’étonne guère). Orientaux et Africains peuvent crever noyés ou de faim et de froid, les Ukrainiens seront accueillis en héros, victimes d’un monstre barbare. Par contre, les Palestiniens peuvent être victimes d’exactions innombrables (éjections de leurs maisons pour implantation de "colonies", assassinats quasi quotidiens, enlèvements et mises en détention sans jugement, maisons et plantations détruites par l’armée d’occupation, mais chacun sait selon nos médias que ce sont tous des terroristes et que l'armée israélienne est la plus pure du monde) : critiquer l’état d’Israël montrerait que nous sommes des antisémites !


Par ailleurs, il ne faut pas croire que l’état ukrainien se soit montré tendre avec ses minorités russophones du Donbass ; cf le docu d’Anne-Laure Bonne, encore visible sur youtube avant qu’il en soit dégagé par nos censeurs de ce qui n’est pas le son de cloche officiel : https://www.youtube.com/watch?v=6Oh-IE2zmJc. Je parie qu'il va être interdit d'ici peu ! Quand on a vu ça, difficile de parler de fraternité et de solidarité de la part des certains Ukrainiens, et on peut comprendre que ces territoires fassent dissidence en faisant appel à leur grand frère russe.

Nos médias sont nettement moins complaisants envers les combattants kurdes qui ont lutté contre les Turcs (il est vrai que la Turquie fait partie de l’OTAN) et je n’ai pas l’impression qu’on ait accueilli les réfugiés kurdes à bras ouverts. Il est vrai que ces derniers sont des "migrants", pas des "réfugiés", nuance ! Je veux bien évidemment qu’on accueille des Ukrainiens comme on devrait accueillir des Kurdes et des Syriens ou des Afghans. Je ne me sens aucune affinité avec des Zemmour et des Le Pen criant haro sur les migrants, et le tri sélectif de ceux-ci me paraît inhumain. Il semble d’ailleurs que l’Ukraine a vendu à la Turquie des drones tueurs dont Erdogan se sert actuellement pour faire du nettoyage ethnique dans les le Kurdistan itakien. Je suis dans les plus de 85000 personnes qui ont signé la pétition qui stigmatise le traitement des Ukrainiens vis-à-vis des Africains : https://www.change.org/p/stop-%C3%A0-la-discrimination-des-africains-fuyant-l-ukraine-%C3%A0-la-fronti%C3%A8re.

Les médias européens et américains surfent à qui mieux mieux sur la résistance ukrainienne à l’invasion russe. Ils font l’éloge des mesures de boycott. Soit. Mais quand on sait que le boycott, non pas d’Israël, mais des produits provenant des colonies illégales des Territoires palestiniens occupés est désapprouvé ici (campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions), l’hypocrisie occidentale est totale ! Et je ne parle pas de la manière dont on traite dans nos médias la résistance des Palestiniens qui pourtant n’ont que des pierres à opposer à l’occupation militaire.

Beaucoup de journalistes peuvent soutenir à bon compte l’armée ukrainienne et qualifier de héros ceux qui résistent à l’invasion/aux attaques de la Russie. Que n’en font-ils autant pour honorer la résistance palestinienne ? Et pour clamer que les boycotts, désinvestissements et sanctions sont des actions légitimes contre une force d’occupation israélienne ? Au contraire, aujourd’hui, on voit nos gouvernants s’attaquer à des associations de soutien à la Palestine et les criminaliser ! Tout en restant proches des Ukrainiens, avec les réserves que j’ai signalées, n’oublions pas nos frères et sœurs palestiniens... ou kurdes, afghans, syriens, soudanais, ouïghours, tchétchènes (la liste est longue et prendrait encore plusieurs lignes).

 

La seule bonne chose de cette guerre est qu'elle nous a enfin débarrassé de la litanie covidienne quotidienne assénée par la radio et la télévision : nombre de vaccinés, nombre de contaminés, nombre de réanimés, nombre de morts...