Les métiers artistiques ont en partage la précarité. Derrière les vedettes que l’on peut trouver dans chaque discipline, de nombreux travailleurs peinent à joindre les deux bouts. On ets dont bien loin de certains lieux communs décrivant les professionnels des métiers artistiques comme des profiteurs usant et abusant d’un système d’assistanat qui leur serait particulièrement favorable.
(Jean-Claude Barens, Écrits stridents, et autres chroniques militantes, Passeurs de cultures, 2023)
Jean-Claude Barens, organisateur de festivals et autres concerts de chanson a écrit un livre stimulant sur ces sujets. Il y parle de groupes que je ne connaissais pas forcément, par exemple le groupe de rap français Zebda, de Toulouse, et notamment de leur chanson Le petit Robert que j’ai eu la curiosité d’écouter, et qui m’a bien plu. Je vous la livre ici.
Le petit Robert
pour l’écouter : https://www.youtube.com/watchv=y24Zq8jZ9JM
Petit,
j'étais largué, on dit ici "à Lourdes"
Dans ce que
l'on appelle une famille lourde
L'amour y était le contraire du
doute
La tête collée contre le poêle à mazout
Rêveur
et j'ose même dire dans le coton
A attendre qu'on me dessine un
mouton
Mouton
je l'étais jusque dans la tonsure
Mais les Brushings font pas
dans la littérature
La main de ma mère était là en cas de
doute
Comme un parapluie qui te protège des gouttes
De
pluie, et j'ose même dire du mauvais temps
On avait rien, on
était content
Avant
qu'on me dise dégage
Et qu'on ne me parle plus au présent
Avant
qu'on déchire mes pages
Et qu'on me dise: "place et au
suivant"
Avant, avant
Petit,
j'étais gentil, j'étais même agréable
J'écrivais les deux
coudes posés sur la table
J'ôtais de ma bouche les
insanités
Comme un petit prince de l'humanité
Rêveur, je
cédais ma place aux personnes âgées
Pour un sourire, une
poignée de dragées
J'enlevais
ma casquette en entrant à l'école
Mais être poli, ça
dispense pas des colles
Gentil, et tout à la fois dernier de la
classe
Eveillé, comme pouvait l'être une limace
Je
dormais, j'ose même le dire si profond
Et que s'écroule le
plafond
Avant
qu'on me dise dégage
Et qu'on ne me parle plus au présent
Avant
qu'on déchire mes pages
Et qu'on me dise: "place et au
suivant"
Avant, avant
Car
j'attendais, petit prince des gloutons
Qu'on me porte à la
bouche des paquets de bonbons
Y avait pas la monnaie mais
c'était tout comme
Car le baiser remplaçait l'économe
Rêveur,
et malgré les corvées de charbon
Ma récompense était un
bisou à l'horizon
Mais
dépassé le siècle où on te met au couvent
J'étais si nul,
ma mêre a pris les devants
Et se pointait à l'école un
chiffon dans la chevelure
La maîtresse disait "regardez
ces ratures!"
Le coeur en miettes, elle faisait parler
l'eau et le sel
Et s'en retournait à sa vaisselle
Avant
qu'on me dise dégage
Et qu'on ne me parle plus au présent
Avant
qu'on déchire mes pages
Et qu'on me dise: "place et au
suivant"
Avant, avant
A
18 h, se pointait le maçon
Un seul regard et à l'heure des
cuissons
Y disait "vous voulez qu'on nous coupe les
bourses"
A ces mots une larme descend de la grande ourse
Et
j'ai compris qu'il y avait qu'une façon
D'apprendre l'art de la
multiplication
Depuis
j'ai plus voulu ressembler aux statues
Et j'ai laissé mes potes
à la salle de muscu
Ma mère m'a jeté un bouquin sur la
table
Un gros machin qui rentrait pas dans mon cartable
C'est
tous ces mots qui ont allumé la lumière
Et spéciale dédicace
au petit Robert
Avant
qu'on me dise dégage
Et qu'on ne me parle plus au présent
Avant
qu'on déchire mes pages
Et qu'on me dise: "place et au
suivant"
Avant, avant, avant