J’ai
toujours voulu croire. Je crois qu’il n’y a pas de libération
sans création. Sans quoi il n’y a plus qu’à accepter le monde
tel qu’il est. Un monde fait par d’autres, et qui n’est pas
pour nous !
(cité
par David Alliot, Aimé
Césaire, le nègre universel,
Infolio, 2008)
La Guadeloupe, c’est donc une végétation exubérante : dans certains passages pédestres en forêt, et compte tenu de l’humidité importante, on a l’impression de boire du vert, de se liquéfier en sève, de devenir liane ou épiphyte pour peu qu’on ait envie d’embrasser les arbres, ce qui fait partie de mes habitudes depuis quelques années ; au fond, plus qu’animal, je suis végétal. Ce sont les fleurs ici qui nous changent de la dominante verte : allamandas, alpinias, balisiers, bougainvilliers (ou bougainvillées), roses, hibiscus, oiseaux de paradis... Ce sont les fruits, ceux que j’ai mangés : ananas, bananes-figues, bananes roses, caillemites (goût voisin de la sapotille), goyaves (bues aussi en jus), mangues, noix de coco (bu le lait frais), papayes ; ceux que j’ai vus sur les arbustes ou arbres : cabosses de cacao, cerises pays, tamarins ; et ceux que je n’ai pas vus, car ce n’était pas la saison : fruits à pain, maracudjas, caramboles, et autres... Ce sont les légumes pays comme la christophine, qui se cultive sur des sortes d’espaliers de fils de fer sur lesquels la plante court, la papaye verte (succulente), la banane verte, les tubercules comme le madère ou l’igname... Mais on cultive aussi la salade, la tomate, le melon, sans compter les piments et autres épices... Une symphonie de couleurs, au marché !
Vue du balcon, l'horizon : la maison au bas est celle de Frédéric et Mathilde
C’est
aussi la mer, omniprésente. La mer, première chose que j’apercevais
de mon balcon dans l’aube pâle de mes réveils intempestifs, avec
sa ligne d’horizon parfois masquée par les fameuses brumes de
sable. La mer, avec ses bateaux de pêche, de plaisance ou de
croisière entraperçus, avec ses îles (on a pu apercevoir non
seulement les dépendances de la Guadeloupe (Désirade,
Marie-Galante, Terre-de-Bas, Terre-de-Haut), mais aussi au loin la
Dominique anglophone. Ces îles qui continuent à me faire rêver (tant pis pour
mon âge avancé censé m’interdire de rêver) de peuples inconnus,
d’abordages, de piratage, d’insurrection avec les nègres
marrons, d’expériences de survie ou tout simplement de solitude
dans les îlets déserts. C’est le poisson, dont on fait ici une
grande consommation : il existe à Basse-Terre un marché aux
poissons, et des boutiques spécialisées où l’on trouve
essentiellement de la dorade, diverses espèces de thon, des loups,
ainsi que des coquillages (lambis très appréciés), des oursins et
des crustacés très recherchés (langoustes notamment).
plage à la Désirade : à gauche, un "carbet", où l'on peut s'asseoir pour pique-niquer
Ce
sont les plages, même si je n’y étais pas allé pour ça, car mon
épaule encore douloureuse m’a interdit cette fois de nager. Nous sommes
cependant allés une fois, sans nous baigner, à la Plage de Grande
Anse à Trois-Rivières (où nous étions souvent allés avec Claire,
du sable gris et des rouleaux de vagues que Claire adorait), deux fois, en nous
baignant, à celle de Rocroy (notre plage fétiche, car la plus
proche d’où nous habitions, et munie de carbets où nous
accrochions le bébé Mathieu dans son hamac), et une fois à celle
de Malendure, entre Bouillante et Deshaies, d’où les amateurs peuvent aller
faire de l’exploration sous-marine à la réserve Cousteau. Toutes
ces plages, situées en Basse-Terre, ont du sable gris d’origine
volcanique. Elles sont donc moins courues que celles de sable blanc
de la Grande Terre (jusqu’où va se nicher le racisme ?). Nous
eûmes notre ration de sable blanc à la Désirade, sans aller nous y
baigner (ça semblait assez dangereux), puisque nous disposions d’une
piscine d’eau de mer au gîte.
la 2ème chute du Carbet : le chemin d'accès s'arrête là
La
montagne est aussi le paradis des torrents, des chutes et des cascades,
surtout cette année où l’eau est arrivée en abondance (tant
mieux pour l’agriculture, tant pis pour les touristes). Nous nous
sommes contentés d’une longue balade dans le sous-bois humide qui mène à
la deuxième chute du Carbet (il y en a trois, mais c’est la plus
accessible), sur le flanc est de la Soufrière, chute dont l’approche
est interdite depuis le tremblement de terre de 2004 qui a fait
tomber une masse impressionnante de roches : on se contente de l'apercevoir d’une distance que j’ai évaluée à 3 ou 400 mètres environ.
Elle tombe de plus de 100 mètres de haut. Quant aux torrents, ils
sont nombreux dans tout le massif de la Soufrière. Par temps
cyclonique, ils peuvent charrier des blocs rocheux énormes. On y
capte l’eau dite « agricole » pour les besoins de
l’agriculture.
sur le morne qui fait face à celui d'Yvon,
une parcelle fraîchement cultivée en salades dans le sens de la pente
Parlons
un peu de l'agriculture. Je n’aurais pas la prétention d’en
faire un inventaire exhaustif. Elle se pratique, en dehors des
grandes plantations de bananes ou de canne à sucre, sur de petites
parcelles, en particulier en Basse-Terre où l’irrégularité des
terrains et des pentes oblige à des travaux à échelle humaine et avec des
outils manuels. Quasiment pas de machines ici. Mais il y a peu de
place perdue et, dans l’ensemble, cette petite agriculture vivrière
alimente la vie des familles paysannes et la vente des surplus au
marché. Un petit élevage (volaille, chèvres, vaches
principalement) complète la panoplie culinaire des natifs, avec les
produits de la pêche.
sur la terrasse où l'on mange et boit le ti-punch, la chatte Salsa occupe parfois les lieux
Et,
bien sûr, on boit beaucoup de rhum, en particulier sous forme de
ti-punchs en apéritifs : on mélange du jus de citron
vert, du sucre (ou du miel, ce qu’Yvon préférait) et du rhum
agricole (rhum blanc). Ça passe comme une lettre à la poste !
On boit aussi un peu de vin et pas mal de bière et, bien sûr, de
l’eau.
l'arc-en-ciel, déjà bien diminué le temps que j'attrape et arme l'appareil photo
L’alternance
de pluie et de soleil (ou parfois les deux en même temps), m’a
permis de voir de beaux arcs-en-ciel qui couraient d’un morne à
l’autre. Se lever tôt est bien ici : d’abord, c’est le
moment le plus frais de la journée, c’est aussi souvent le seul
moment où la montagne est dégagée et où on peut voir le volcan,
enfin le lever du jour a des beautés inspirantes, la lumière n’y
est pas écrasante comme elle l’est en général en milieu de
journée. Et, de toute façon, on fait la sieste en début d'après-midi !
balisier
À
suivre...
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