vendredi 7 avril 2017

7 avril 2017 : Guadeloupe 2017 : premier abord


dans un monde où chacun triche, c’est l’homme vrai qui fait figure de charlatan.
(André Gide, Les faux monnayeurs, Gallimard, 2007)


Eh bien voilà, je suis rentré !

vu de mon balcon, le morne voisin, tout vert !
J’ai donc retrouvé la Guadeloupe, après 9 h d’avion (Bordeaux-Orly + Orly-Pointe-à-Pitre), et ma première surprise fut, au réveil, le lendemain matin, de découvrir un paysage incroyablement vert : les mornes voisins, dévastés par la sécheresse en 2010, exubéraient de végétation. d’ailleurs, des averses nombreuses ont ponctué cette première journée sur l’île, et sur les vingt jours que j’y ai passés, il n’y en eut que six exempts de pluie. Ici aussi, le dérèglement climatique, n’en déplaise à M. Trump, fait son œuvre : autre fait significatif, les brumes de sable venant du Sahara ont été nombreuses et empêchaient de voir l’horizon pendant plusieurs jours, tout en donnant une qualité de l’air médiocre. 

ma chambre, au fond, la porte menant vers la cuisine, en l'air, la moustiquaire
 
Mon ami et ex-collègue Yvon, presque de mon âge, est en assez bonne forme. Dès que le temps s’y prêtait, il passait deux ou trois heures chaque matin à débroussailler ses parcelles de terre sous les manguiers, cacaoyers, goyaviers et autres arbres fruitiers, suivi par une troupe dé hérons garde-bœufs, qui picoraient insectes, petits batraciens, escargots et autres animalcules que l’herbe fauchée révélait au grand jour. Il continue à conduire avec maestria sur les routes hyper-pentues de sa région : les pourcentages atteignent parfois 20 % et le vélo y est impraticable (je le sais pour avoir essayé en 2010 lors de mon précédent passage). Sa femme Michelle est toujours égale à elle-même, et son accueil est digne d’éloges.
Yvon, suivi des hérons, approche du manguier
les pentes sont impressionnantes 
Leur fils Frédéric habite un peu plus bas ; il est agriculteur et son exploitation a beaucoup souffert de la maladie du citrus greening, il a dû arracher ses milliers d’arbres, tous touchés. Encore une catastrophe due à notre civilisation, et aux effets de la mondialisation et de son productivisme à outrance : les pesticides employés par ailleurs (sur d’autres cultures) auraient provoqué la mort des guêpes indispensables à la protection des arbres à agrumes contre l’envahisseur venu d’Asie. Par ailleurs le chlordécone, insecticide très utilisé dans la culture bananière (interdit aux USA dès 1976, puis en France en 1990, mais prorogé aux Antilles jusqu’en 1993 – encore une preuve que nos DOM ne sont pas tout à la fait la France (?), malgré sa toxicité élevée), a entraîné une pollution très grave des sols, puisqu’on ne peut plus rien y cultiver (et ce pendant plusieurs centaines d’années), et même la Mer Caraïbe voisine, où certaine zones de pêche sont interdites, est elle-même gravement contaminée. Ah, ils sont forts, nos scientifiques, d’avoir inventé tout ça !

banane rose et caillemite
Pour survivre, Frédéric a donc été obligé de prendre un emploi de bureau à temps partiel dans une association agricole. Il va cependant avec sa femme Mathilde au marché de Baillif tous les vendredis vendre les produits de leurs terres, heureusement non contaminées par la chlordécone : fruits (bananes de toute obédience, goyaves, tamarins, papayes, caillemites, etc), racines (madères, ignames, etc), légumes (christophines, gombos, tomates, etc), cucurbitacées (giraumon) ou épices (curcuma par exemple)... Mais bien sûr, leur revenu issu de cette vente a largement chuté depuis l’absence des agrumes. Leurs deux filles, Naam (20 ans) et Louna (16 ans), poursuivent leurs études, le fils aîné, Gallim est en métropole.

le curcuma, avant qu'il soir réduit en poudre
J’ai donc revu tout ce petit monde, bien changé (surtout les enfants) depuis sept ans, et fait la connaissance des cousins de Corrèze, venus les voir depuis un mois, et qui sont repartis quelques jours après mon arrivée. J’ai vu aussi de nombreux membres de la nombreuse famille d’Yvon, frères, cousins, avec qui il cause joyeusement en créole, langue qu’il me semblait mieux comprendre que pendant mon séjour ancien de 1981 à 1984.

au premier plan, Michelle et Yvon, derrière eux, Thérèse et Claude, les Corréziens
 
J’ai trouvé la Guadeloupe encore changée, elle a rattrapé une bonne part de son retard sur le métropole (au contraire de la Guyane). Dans l’ensemble, l’île est propre (plus de papiers gras, de plastiques au bord des routes, presque plus de carcasses de voitures pour défigurer les abords des habitations), les maisons et la population plus avenants ; pas vu de cases délabrées, démunies d’eau courante ou d’électricité (comme en 1984 et comme en Guyane aujourd’hui, d’après les reportages vus à la télé pendant mon séjour), ni de bidonvilles aux abords des agglomérations. Le niveau de vie semble avoir augmenté. En témoigne l’obésité d’une part plus importante de la population : il faut dire qu’on ne lésine pas ici sur la publicité pour les boissons énergisantes ou hyper sucrées. En témoigne aussi le développement important du tourisme, qui apporte un peu d’argent frais par les locations chez l’habitant. 

notre gîte à la Désirade
 
Enfin, les bibliothèques se sont multipliées (ça reste pour moi un indicateur du niveau de vie) et proposent des espaces numériques, avec ordinateurs à la disposition des habitants pour accéder à internet : la cyberbase de la Médiathèque communale de Basse-Terre est impeccable et très utilisée. On ne lit sans doute pas plus qu’il y a trente-cinq ans, mais au moins les conditions existent : locaux bien adaptés et personnel formé (là, je me donne un satisfecit, car je n’oublie pas que j’ai lancé en 1982 la préparation au certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire - CAFB, et ai vu les deux premières fournées de jeunes diplômés professionnels guadeloupéens, qui ont trouvé l’occasion de se faire recruter et de faire bouger les choses). Ce fut pour moi un plaisir de faire ce constat, et de voir que je n’avais pas été tout à fait inutile.

autre visiteur habituel à la fenêtre de ma chambre : l'oiseau siffleur (merle ?)
À suivre...

1 commentaire:

Bernard Liégeois a dit…

Merci à toi pour ces premières impressions de tes excursions en Guadeloupe, on attend les suivantes avec impatience !
L'oiseau siffleur à la fenêtre de ta chambre est précisément un Quiscale merle (Quiscalus lugubris - Carib Grackle) probablement commun sur l'île...
Amitiés

Bernard