jeudi 23 février 2023

23 février 2023 : les nazis sont de retour

Nous avons tous le devoir de dénoncer l’inacceptable, car notre silence nous rendrait complices.

(Cédric Herrou, Une terre commune, Seuil, 2023)



Une fois n’est pas coutume, j’ai envie de crier mon désespoir devant ce qui se passe en Palestine depuis quelque temps. Bénéficiant de l’immunité des états occidentaux qui ne cessent de hurler contre l’agression russe, Israël se croit permis de se livrer à des agressions contre la population toute entière de Palestine occupée. Maisons détruites, oliviers et plantations arrachés, enfants, adolescents et adultes emprisonnés par une armée qui se croit tout permis (dépassant les exactions nazies en France occupée), colons qui assassinent, innombrables prisonniers sans jugement, etc.

Il n’y a pas que les Russes qui se comportent en sauvages, comme les médias télé, radio et papier aux ordres nous le serinent à longueur de journée. Curieusement, on ne parle de ce qui se passe là-bas que quand les Palestiniens se défendent, parfois avec violence il est vrai. Mais peut-on accepter les humiliations, exactions et agressions de toute sorte sans réagir ? Non, IL FAUT RÉSISTER, et comme on peut soutenir les Ukrainiens, soutenir les Palestiniens, un des peuples les plus opprimés de la Terre. Bravo aux manifestants contre la réforme des retraites qui ont brandi des drapeaux palestiniens !

Excusez-moi, mais je suis en colère. Assez du deux poids deux mesures, de l'information sélective ! Je vous livre le texte de l’AFPS qui explicite ma colère.

 

 

Communiqué de l’Association France-Palestine Solidarité


Au moins onze morts (de 16 à 72 ans) et 102 blessés, dont sept graves, 250 personnes asphyxiées, c’est le terrible bilan d’une nouvelle attaque des forces militaires de l’occupation israélienne dans la ville palestinienne de Naplouse. Un assaut qui a duré plus de trois heures : des dizaines de blindés ont pénétré dans la ville, des bataillons se sont répandus dans la vieille ville tirant à vue sans distinction, une maison a été la cible de missiles, des commerces et des écoles ont été touchés par des tirs de grenades lacrymogènes et les habitant·es violemment pris à partie. La ville a été noyée pendant des heures sous un nuage de gaz lacrymogènes. Il s’agit de l’attaque israélienne la plus meurtrière depuis 2005.

Les jeunes qui ont riposté à coup de pierres à cette nouvelle agression de leur ville et de sa population ont été ciblés par des tirs à balles réelles. Certains ont été abattus de sang-froid alors qu’ils essayaient d’échapper aux soldats israéliens qui, comme à leur habitude, ont également empêché les secours de venir en aide aux blessé·es.

Ce que Israël présente comme une « opération antiterroriste » avec l’objectif d’éliminer purement et simplement des jeunes combattants qui résistent les armes à la main à l’occupation, s’est une fois de plus traduit par une attaque d’ampleur contre une ville entière et sa population. Une volonté préméditée de les terroriser par une démonstration de force autant criminelle que vaine.

Criminelle parce qu’une fois de plus il s’agit d’une punition collective, d’exécutions extrajudiciaires qui s’attaquent à toute la population y compris les enfants et les personnes âgées. Vaine, parce qu’une telle violence coloniale provoque légitimement chaque jour de nouvelles velléités de résistance, y compris armée, parmi une jeunesse qui n’a plus rien à perdre et ne supporte plus les humiliations et la répression.

Cette attaque s’inscrit dans un processus de répression qui vise toute la population palestinienne du Territoire palestinien occupé et notamment Jérusalem-Est dont les quartiers palestiniens vivent actuellement en état de siège. Israël a déclaré la guerre à la jeunesse palestinienne, à Jérusalem, à Naplouse, dans les camps de réfugiés…

C’est la société palestinienne toute entière qui est visée par le gouvernement israélien d’extrême-droite de Benjamin Netanyahou. Un gouvernement qui connaît une crise politique profonde et qui pour affirmer sa force, laisse libre cours à ses composantes les plus extrémistes dans la répression contre le peuple palestinien.

Depuis le 1e janvier 2023, ce sont aujourd’hui 61 Palestinien·nes qui ont été assassiné.es par l’armée d’occupation ou par des groupes de colons. La colonisation de peuplement est bien un crime de guerre qui s’applique quotidiennement contre les Palestinien·nes sans qu’aucune mesure ne soit prise par la communauté internationale pour que cela cesse.

Ce terrorisme d’État doit être stoppé par une condamnation unanime des instances internationales avec autre chose que de simples déclarations de « regrets » ou de « consternation ». La suspension immédiate des aides financières et militaires dont bénéficie l’État criminel d’Israël de la part des États-Unis et de l’Union européenne doit s’imposer à tous. La protection du peuple palestinien sous occupation militaire, doit être garantie de toute urgence.

La communauté internationale doit agir et se décider enfin à sanctionner les crimes de ce régime de colonisation et d’apartheid, comme elle est capable de le faire contre la Russie. Avec toutes les associations de solidarité, les partis, les syndicats progressistes et toutes les personnes pour qui les droits humains ont une valeur, nous poursuivrons notre mobilisation pour exiger des États européens, dont la France, qu’ils agissent enfin et sanctionnent ce régime criminel.

Le Bureau national de l’AFPS le 23 février 2023



mardi 21 février 2023

21 février 2023 : du cinéma pas de tout repos

 

Les monstres sont aussi rares que les saints.

(François Mitterrand / Élie Wiesel, Mémoires à deux voix, O. Jacob, 1995)


Aujourd’hui, j’ai envie de parler de deux films, tous deux très durs et sombres, tous deux interdits dans leur pays, mais l’un est solaire, l’autre est nocturne, l’un rend heureux, l’autre plombe le moral et donc à éviter si l’on est déjà un peu déprimé.

Le retour des hirondelles de Li Ruijun est le second film que je vois de ce réalisateur, après Fly in the crane, vu à la Mostra de Venise en 2012, film sur la vieillesse d’un citadin souhaitant être enterré dans son village selon les traditions ancestrales (voir mon blog du 11 septembre 2012, https://cyclo-lecteur.blogspot.com/2012/09/11-septembre-venises.html), et jamais sorti en France.

Ici, le réalisateur nous parle de la campagne chinoise profonde, aux confins de la Mongolie, avec ses paysans sans machines, où tout se fait à la main, et de ses transformations actuelles. Dans cette ferme isolée, vivent deux êtres abandonnés : Guiying (Hai Qing), contrefaite et claudicante, qui a eu une enfance et une adolescence de maltraitance, et Ma (Wu Renlin), un paysan pauvre, taiseux et moqué de tous, dernier fils d’une fratrie, et surnommé "Le cadet" par ses frères, toujours célibataire à la cinquantaine, alors que ses aînés sont de nouveaux riches. Leurs deux familles ont arrangé leur mariage pour se débarrasser d’eux.

Et, de l’union de ces deux malheureux, va naître un bonheur fragile. Jusque-là méprisés, ils se découvrent soudainement être utiles l'un à l'autre, en dépit de leur timidité, dans la lente construction de leur maison (Ma fait lui-même les briques, les fait sécher et les assemble, monte les murs et fait le toit, avec l’aide maladroite de Guiying), dans les travaux agricoles, dans le rythme lent de la vie agreste et aimant en commun les bêtes : leur âne si précieux et fidéle, la portée de poussins, les cochons, et les hirondelles qui viennent faire leur nid sous leur toit. Parallèlement, Ma donne son sang. Ils sont tous deux dans le don de soi-même et c’est ce qui rend leur couple précieux. Leur bonté réciproque vaincra leur timidité, chacun s’inquiétant du bien-être de l’autre dans leur misère commune.

Je ne raconte pas la fin, tragique, mais magnifique. Le film est lumineux à l’image de ces personnages et de leur amour-amitié, lumineux d’humanité d’abord, mais aussi de couleur : le soleil, l’ocre de la terre nue et décharnée. Le rythme est lent, à l’image de la nature et des travaux des champs. Ça m’a rappelé mon enfance campagnarde avant l’arrivée vers 1955 du machinisme. Un des plus beaux films que j’ai vus ces dernières années.

La femme de Tchaikovski raconte l’histoire d'Antonina Milioukova (Alyona Mkhailova, excellente dans un rôle ingrat) jeune femme de la petite noblesse russe qui tombe follement amoureuse de Tchaïkovski et choisit de l’épouser. Mais n’est-elle pas déjà folle et névrosée en voulant se marier à tout prix ? Et de choisir Tchaïkovski, un homme porté sur les hommes et qui ne pourra jamais l’aimer physiquement : il semble accepter uniquement pour la dot, pouvant assainir sa situation financière, et aussi pour dissimuler son homosexualité. Il va se mettre à la haïr peu à peu avant une séparation définitive au bout de quatre ans. Tout est mortifère dans ce film : les couleurs sombres, la descente aux enfers de l’héroïne, même la scène du mariage et du repas de noce. Tchaïkovski ne la touchera pas et ne voudra pas être touché par elle. Peu à peu, Antonina se consume, à force d’endurer des humiliations nombreuses à la fois de la part du musicien, mais aussi de son entourage masculin. Antonina n’acceptera jamais de divorcer. Mais ce mariage raté et irrespirable va être aussi un boulet pour elle ; elle sombre dans la déchéance en s’acoquinant avec un rustre qui va lui faire des enfants. D’ailleurs tous les personnages masculins sont ici dépravés, pervers, brutaux, cauchemardesques, ils méprisent ou détestent les femmes.

La mise en scène est baroque et hallucinée (comme l’était déjà le Music lovers de Ken Russell en 1971, consacré à Tchaïkovski aussi), mais classique, et les couleurs ne laissent guère le temps de respirer. Certes, on peut penser que cette femme, vivant à un époque où le machisme était roi, ne pouvait qu’être broyée par le destin qu’elle avait somme doute choisi. Ce qui reste du film, c’est une sensation d’étouffement funèbre, de pourrissement du réel, d’aliénation des personnages où le spectateur est noyé, et qui l'empêchent de s’identifier à aucun des personnages. Peut-être le réalisateur a-t-il voulu montré la condition de la femme à l’époque ? En tout cas, un films éprouvant, pour spectateur aguerri !

Inutile de dire que, tout en reconnaissant les qualités formelles de ce film, je ne le conseille pas à tout le monde. Et, pour comble, on entend peu de musique de Tchaïkovski dans la bande sonore, alors que l’opéra Eugène Onéguine est souvent cité dans les dialogues, Antonina s’imaginant que son "cher et (pas) tendre" époux s’inspire d’eux pour les personnages principaux.

dimanche 19 février 2023

19 février 2023 : Fin de vie et roman

 

devenir une parodie bafouillante et indigne de feu sa formidable personne, un poids supplémentaire pour l’État, un poids supplémentaire pour sa propre famille, une source supplémentaire de rancœur, d’ennui, de moquerie, de pitié et d’exaspération perpétuelle.

(Lionel Shriver, À prendre ou à laisser, trad. Catherine Gibert, Belfond, 2023)


Lionel Shriver (romancière américaine, établie en Grande Bretagne depuis quelque temps) aborde ici la survie lors du grand âge. Kay, infirmière, et Cyril, médecin, font un pacte : ils décident, alors qu’ils deviennent quinquagénaires, de se suicider ensemble quand ils seront octogénaires. En tant que personnels soignants, ils savent ce que c’est que la fin de vie dans le grand âge, la décrépitude qui les attend. Surtout que le père de Kay a vécu une fin éprouvante (Cela faisait plusieurs semaines que son père en pouvait plus vraiment s’alimenter. (Son cerveau, devenu trop défaillant, ne parvenait plus à fermer l’épiglotte. Au stade ultime, la maladie assène le coup de grâce : le cerveau oublie comment respirer) avec sa maladie d’Alzheimer qui a gâché leurs dernières années : ils n’ont aucune envie de devenir déments ni des "légumes" à la charge de la société et de leurs enfants. Dans les années qui suivent, la mère de Kay vit sa fin dans une maison de retraite, pourtant sélect, ce qui confirme la résolution du couple. Une petite boîte noire remplie de séconal (barbiturique que Cyril n’a aucun mal à se procurer) se trouve dans leur frigo, ils n’auront qu’à l’ouvrir et en absorber tous les deux une dose suffisante au jour J. Mais quand le moment fatidique sera là, vont-ils accomplir leur dessein ?

À partir de ces prémices, l’auteur ne déroule pas un récit linéaire. En effet, que risque-t-il de se passer si, pour une raison ou pour une autre, l’un des deux se ravise ? Chaque chapitre qui suit le premier dévoile une hypothèse de leur survie : Cyril fait un AVC qui l’handicape gravement ; ou bien Kay fait un Alzheimer et finit par ne plus reconnaître son mari ni ses enfants ; ou bien ces mêmes enfants, en découvrant leur intention de se suicider, les placent tous deux dans une résidence psychiatrique assez terrifiante pour les guérir de cette idée ; ou alors, survient la découverte d’un médicament qui rajeunit chacun et permet de vivre indéfiniment ; ou bien le réchauffement climatique entraîne une immigration massive au Royaume Uni ; ou peut-être, alors qu’ils seraient atteints d’une maladie incurable, la cryogénisation pourrait leur permettre de "ressusciter" lorsqu’un traitement de leurs maladies aura été trouvé, etc.

Toutes cas alternatives sont détaillées avec brio, ce qui donne au roman une allure d’objet expérimental, à la limite de la science-fiction, où un lecteur (ou une lectrice) peu soucieux de complexité risque de se perdre en route. Mais chacun peut préférer tel ou tel chapitre pour choisir le dénouement de l’affaire. Le roman ne manque cependant pas d’un humour parfois ravageur, que l’on pourrait qualifier de "british", puisque ça se passe à Londres et dans le Royaume uni. Il y est donc question du Brexit, de la pandémie du Covid 19 ("Ce confinement absurde et profondément contraire au caractère anglais était une période où régnaient recours à outrance à la police, obéissance aveugle, délation et critique permanente", déplore Cyril), de la prise en charge de la grande vieillesse dans notre monde occidental. Les critiques de la psychiatrie et des maisons de retraite sont par ailleurs glaçantes.

Au total, une lecture qui me confirme dans ma décision d’en faire autant que ce couple de la classe moyenne britannique : mais le moment venu, si je suis encore en bonne santé, franchirai-je le pas ? Sachant que je ne suis pas médecin pour disposer aisément des produits permettant un suicide, que la France est encore très en retard en matière de "suicide assisté", et qu’après tout je resterai peut-être en relative bonne santé, ça fait réfléchir. Un roman qui s’adresse à des lecteurs avertis qui s’intéressent aux problématiques de la fin de vie. Et qui n’ont pas peur de voir traité un tel sujet dans un roman, sujet peut-être plus à sa place dans une réflexion sociologique que dans un roman censé apporter du divertissement. Mais je reconnais que la romancière (qui a choisi pour pseudo un prénom masculin comme notre George Sand) nous divertit tout en nous poussant à réfléchir.

Existe-t-il un art de préparer sa sortie ? 


lundi 13 février 2023

13 février 2023 : in memoriam, Michel Ibanez et les Amis de l'Utopia


Les morts parlent aux vivants. Même aux sourds. Et ils aiment pas qu’on les pleure, qu’on se souvienne par devoir, ou qu’on se lamente pour eux. Les morts pensent aux vivants. Et veulent qu’on en fasse autant. Qu’on parle tout ce que, eux les sans-bouche, savent maintenant, et qu’ils ne peuvent plus dire.

(Quentin Lamotta, Le crabaudeur, Dire, 1999)

Les Amis de l’Utopia de Bordeaux sont en deuil : Michel Ibanez, fondateur et président de l’association depuis 2017 n’est plus. Après un combat acharné contre la récidive de la maladie qui le rongeait, il s’est éteint le jeudi 9 janvier 2023 au matin.

Je l’avais vu le samedi 4 à l’Hôpital Saint-André. Il était très affaibli, mais pouvait encore parler. Je l’ai revu le mercredi 8 dans l’après-midi. Il était alors inconscient, mais j’ai pu lui prendre la main et lui dire quelques mots de réconfort, et notamment lui dire que les actions de l’association qu’il avait initiées allaient se poursuivre.

 

Je dois dire que je ne le connaissais pas avant la fin de l’année 2016 quand il fit paraître à l’Utopia une feuille invitant ceux et celles qui voulaient bien se joindre à lui à se réunir pour fonder une association. J’étais un des premiers à m’inscrire sur la liste. Car, bien entendu, j’étais un des piliers de ce cinéma, où j’allais trois ou quatre fois par semaine voir des films récents ou des reprises de films anciens jamais ou déjà vus.

                                    

                            Pour se ressourcer, il allait au Cap Ferret, mais n'oubliait l'Utopia
  

Dès le début l’Association eut un certain succès, car les cinéphiles se retrouvaient volontiers aux animations produites l’Utopîa : des réalisateurs, des acteurs, hommes et femmes du cinéma étaient volontiers accueillis et c’était toujours une fête de les rencontrer. Michel eut l’idée de créer, avec la direction de l’Utopia, un prix du cinéma pour couronner un premier film d’un ou d’une cinéaste ou français.e. C’est ainsi que nous participâmes depuis 2017 au Prix Découverte qui couronna entre autres films Petit paysan, L’amour flou, Josef, et tout récemment, Le sixième enfant.

                                                                    le Prix découverte 2023


Puis notre association anima des ciné-discussions après visionnement d’un film. Récemment, après le covid, Michel Ibanez impulsa ce qu’il appela les Cinéssentiels : des rencontres conviviales avec des groupes de spectateurs n’ayant pas l’habitude venir au cinéma. Les Amis de l’Utopia paient les places de cinéma puis animent une discussion après vision du film, assortie d'un goûter. Ainsi ces groupes non seulement viennent au cinéma, mais du lien est créé entre ces spectateurs et les membres de l’association qui animent ces réunions-goûters et les discussions. Pour cela, l’association Les Amis de l’Utopia est subventionnée, et reconnue d’intérêt général ; à ce titre, elle peut recevoir des dons déductibles pour les impôts. 

 

     
 à l'occasion,  il pouvait être artiste, comme en témoigne ce collage fait de tickets de cinéma

Depuis peu, un jeune adhérent anime les lundis cinéphiles, autour de grands classiques du cinéma. Enfin, des liens ont été noués avec une association culturelle voisine, Les Amis de la Machine à lire, librairie avec qui nous essayons d’analyser les rapports entre cinéma et littérature. Ainsi, une rencontre a eu lieu au mois de décembre autour d’un film d’Annie Ernaux, notre récente prix Nobel de littérature.

Michel, tu as bien mérité du cinéma et de l’amitié. Nous te porterons longtemps dans notre cœur et notre affection. Tu as su lancer des pistes et l’Association des Amis de l’Utopia Bordeaux devrait continuer, car tu as su nous insuffler de la force, de l’amitié et de la persévérance. Un grand merci du fond de notre âme !

 

dimanche 12 février 2023

12 février 2023 : le poème du mois : Jean-Michel Maulpoix

c’est grave que nos médecins s’occupent que de la mécanique des corps, nos scientifiques que de la mécanique de la matière, nos philosophes que de la mécanique de leur logique, nos économistes que de la mécanique des sous et nos politiques que de la mécanique des économistes.

(Quentin Lamotta, Le crabaudeur, Dire, 1999)



Heureusement qu’il y a les poètes pour s’occuper d’autres choses que de la "mécanique des corps, de la mécanique de la matière, de la mécanique de leur logique, de la mécanique des sous et de la mécanique des économistes". Que le vie serait triste si on ne parlait que des corps et jamais de l’âme, que de la logique et jamais de l’imagination, que de la matière et jamais des rêves, que de l’argent et jamais de l'humanité, que des économistes et jamais des solidaires...

Je viens de lire un volume de Jean-Michel Maulpoix, Rue des fleurs, qui vient d’obtenir le Prix Goncourt de la poésie, eh oui, ça existe, ça n’attire pas de gros tirages, ni beaucoup de lecteurs. M’enfin, on parle un peu de poésie et ça fait du bien, ça me fait du bien, ça nous fait du bien ! En voici un poème qui m’a bien plu !


Florilège


Rue des fleurs

L’adresse a du charme…

J’en imagine tant d’autres du même genre

Dans des villes qui n’existent pas


Rue des rêveurs, des déserteurs

Rue des anciens sommeils et des rideaux tires

Rue où ne pleure jamais la pluie

Rue où le ciel affleure

Rue des oiseaux jaseurs

Rue des justes rumeurs

Rue des oiseaux qui chantent

Rue des enfants qui chantent

Rue où l’on n’entend pas crier

Rue des paroles données et des promesses tenues

Rue des gestes paisibles et des petits bonheurs

Rue où se disent des mots d’amour


N’est-ce pas le sens désirable de notre vie

Qui vient se loger dans des panneaux bleus

Cloués sur les maisons à l’entrée des rues ?


Calle de las Flores

Blumenstrasse

Flowerstreet

Strada dei Fiori

Rue des Fleurs

………………

Continuez la liste

La rue des fleurs

Fait le tour du monde



Jean-Michel Maulpoix,

Rue des fleurs,

Mercure de France 2022,