J’ai
vu bien des aubes au cours de ma vie et encore maintenant, mais
celles d’aujourd’hui relèvent seulement de ma manie de me
réveiller avec l’obscurité.
(Erri
De Luca, Les
poissons ne ferment pas les yeux,
trad. Danièle Valin, Gallimard, 2008)
Qu’ai-je
donc vu en Guadeloupe cette fois, outre l’amitié réitérée ?
la Pointe des Châteaux, vue du bateau
Les
promenades ont été nombreuses. Finalement assez peu à pied, à
cause de la chaleur et des pentes impressionnantes, mais enfin, nous
sommes allés à pied voir le champ dévasté de Frédéric, où tous
les arbres agrumiers ont été arrachés : une montée abrupte
sur la route glissante à la suite des pluies, bordée d’arbres à
pain, de fougères arborescentes et d’une riche végétation, et la
descente du retour se révéla encore plus dangereuse ; nous
sommes allés voir la deuxième chute du Carbet, dans la fraîcheur
humide de la forêt tropicale ; une belle balade à pied aussi à
la Désirade, jusqu’à Baie-Mahault puis jusqu’au monument au
maire assassiné en 1991, Max
Mathurin (je
m’étais mis en marcel, et soumis au vent et au soleil, j’ai eu
les épaules et le cou rougis) ; balade dans la vallée encaissée
de Grand-Rivière, à Vieux-Habitants, où la rivière, lors des
cyclones, peut drainer des rochers monstrueux.
une curiosité : un coq sur la plage de Malendure
Ceci
a été complété par de nombreuses balades en voiture, car étant
données les pentes et la chaleur, ça reste un moyen de découverte
plus commode à nos âges. Nous avons ainsi fait un tour par Matouba
(petites routes ultra-sinueuses qu'Yvon négociait en expert), Trois-Rivières et Vieux-Fort ;
un grand déplacement vers la Désirade, en passant par les Grands
Fonds de la Grande-Terre jusqu’à Saint-François, où nous avons
laissé la voiture chez un ami d'Yvon ; à la Désirade même, nous
avons utilisé une voiture pour aller à l’autre bout de l’île,
puis pour monter jusqu’à Notre-Dame du Calvaire, petite chapelle
sur les hauteurs près des falaises du nord ; une
autre balade en voiture nous a menés sur les hauteurs de Gourbeyre,
au lieu-dit Moscou (sans doute parce qu’il y fait plus frais
qu’ailleurs) ; enfin nous avons fait la grande boucle
Baillif-Malendure (arrêt à la plage) puis le col des deux Mamelles
et retour par la côte atlantique. C’est là que j’ai pu
constater le développement presque excessif du tourisme : les
parkings près des sites (cascade aux écrevisses par exemple)
étaient si bondés que nous n’avons pas pu nous arrêter ! D'ailleurs, on est frappé par l'ampleur de la circulation automobile et on se dit : mais comment faisaient-ils autrefois ?
un iguane près de notre gîte
Le
voyage vers la Désirade se fait en bateau et dure 45 minutes. On
longe la Pointe des Châteaux, ainsi nommée, car très battue par
les vents et la mer, et vue d’un certain angle, la pointe ressemble
à une ruine de château. On aperçoit au sud l’archipel de
Petite-Terre, îlots inhabités, mais sur lesquels a été construit
un phare. L’aller a été mouvementé, la mer est forte au passage
du détroit entre la pointe des Châteaux et l’extrémité
nord-ouest de la Désirade. Au retour c’était plus calme. Notre
gîte (Club Caravelle) était très agréable, les petites églises sobres et dédiées
à la mer (les Désiradiens sont pêcheurs d’abord), les
éoliennes nombreuses (et paraît-il, pouvant assurer
l’auto-suffisance énergétique de l’île), les quelques
restaurants appréciables. On y voit beaucoup de chèvres, quelques
iguanes et des agoutis, à la saveur extrême d'après Yvon et Michelle qui en ont mangé en Guyane. C’est une île à part, un havre de paix, j’y
ai même rencontré un retraité belge qui a installé un
café-épicerie et qui occupe ses nombreux moments de loisir à
écrire des nouvelles et romans qu'il arrive à publier ! Nous y avons passé trois
belles journées.
Dans l'église de Beauséjour, un bel autel en bois de poirier
et un bateau qui symbolise l'importance de la pêche
Il
faudrait aussi parler des rencontres. Invité à dîner chez Frédéric
et Mathilde, j’ai découvert Solange, installée ici depuis une
vingtaine d’années et son mari brésilien, Alfredo, musicien aussi
truculent que son célèbre concitoyen et écrivain Jorge Amado !
Je ne parle pas des nombreuses personnes qui sont passées chez Yvon
ni des Guadeloupéens que j’ai rencontrés lors de mes balades en
solo à Basse-Terre, où je suis allé par deux fois à pied, auto-stop et bus ; dans les
marchés, à la bibliothèque, dans les rues, sur les bords de mer ou dans les bistrots,
partout j’ai rencontré cette même satisfaction de vivre, ces
mêmes sourires et cette même affabilité que j’ai pu observer
chez les matelots philippins. Forcément, on a envie d’être
souriant à notre tour. Il y a sûrement des gens renfrognés, mal à
l’aise, inquiétants même, comme partout. Mais je n'en ai guère rencontré.
Louis Delgrès, héros guadeloupéen de la lutte contre le rétablissement de l'esclavage en 1802
à qui je rends hommage dans un des poèmes de Danse sur les flots
À
suivre...
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