C’était
le mois de juillet, une canicule à incendier les pelouses.
(Kent,
Peine perdue, Le
Dilettante, 2019)
Pour
résister à la canicule, outre maintenir les volets fermés chez soi
dans la journée et faire des courants d’air la nuit, si on veut
sortir, le mieux est d’aller s’enfermer dans des salles plus ou
moins rafraîchies (d’où les bistrots et les supermarchés
bondés) ; dans mon cas, je vais volontiers au cinéma, même quand
leur climatisation est médiocre. Et j'y vais à vélo, car ainsi je fends l'air, porté par la machine...
C’est
ainsi que je suis allé à l’Utopia cet après-midi pour aller voir
la Palme d’or de Cannes, le film coréen Parasite.
Cette métaphore sur les classes sociales – et, quoiqu’en pensent
nos prétendus experts d’aujourd’hui, qui soulignent à qui mieux
mieux qu’elles n’existent plus – et les luttes qu’elle mènent
pour conserver leurs privilèges (la bourgeoisie capitalistique et
l’élite intellectuelle, ceux qui vivent du capital financier et/ou intellectuel) ou pour les combattre
(en gros, les classes populaires, et aujourd’hui ce fourre-tout
appelé "gilets jaunes", ceux qui ne vivent que de leur
force de travail), ces luttes
donc n'existeraient pas non plus, nous remet les points sur les i.
Un scénario
impeccable : deux familles qui n’auraient jamais dû se rencontrer,
et voici que les prolos au chômage, quasi sortis des Misérables
de Victor Hugo, as de la débrouille pour survivre, qui n’ont que
leur joie de vivre pour appui, vont s’incruster dans une richissime
famille qui n’y voit que du feu. Et les voici donc chacun nanti
chez les richards d’une place (le père chauffeur, la mère gouvernante, le fils
répétiteur d’anglais de la grande lycéenne, la fille qui essaie
de délivrer les angoisses du petit garçon par l’art-thérapie) où
ils finissent par se rendre indispensables. Mais l’odeur (dans tous
les sens du terme) de la pauvreté – et
le mépris qui l’accompagne -
ne s’annule pas si
facilement. Et les plans les
mieux
bâtis qu’ont conçu les
"parasites" se heurtent à la dure réalité. Les affreux,
sales et méchants sont en fait des deux côtés de la barrière
sociale : sous l’aisance
et le vernis des riches se
cachent la dureté et l’arrogance, tandis que sous la rouerie des
pauvres se dissimulent mal les
frustrations, l’envie et la
colère. Bref, le jour où ça explose, ça fait mal. Le montage est
sec, pas de temps mort, des acteurs excellents, que demander de plus.
Le film est un succès, mérité.
Mais
les parasites ne sont pas forcément ceux qu’on croit !