jeudi 25 octobre 2012

25 octobre 2012 : sortir du froc de l'habitude


Hamlet : Puisque l'homme n'est pas maître de ce qu'il quitte, qu'importe qu'il le quitte de bonne heure !
(Shakespeare, Hamlet, V,2)


Hamlet est sans doute la pièce de théâtre que je connais le mieux (avec Le Cid, Le Misanthrope, Tartuffe), pour l'avoir lue plusieurs fois (la dernière fois en 2008, pour lutter contre l'apathie qui me gagnait avec l'aggravation de la dégradation de Claire, et d'ailleurs sur sa suggestion : eh oui, il faut lire des choses très fortes pour lutter contre la dépression), dont une fois en anglais lors de mon séjour en Guadeloupe (dans une édition bilingue, qui me permettait de me reporter à la traduction et aux notes à chaque passage difficile à comprendre), pour l'avoir aussi vue plusieurs fois représentée au cinéma (films de Laurence Olivier, le meilleur, de Gregory Kozintsev, version russe très belle, tous deux en noir et blanc, de Franco Zeffirelli, le moins bon, et de Kenneth Branagh, version intégrale de quatre heures, très honorablement transposée dans un royaume d'opérette ou de bande dessinée, style Le Petit duc que je lisais dans ma jeunesse), ou à la télévision. Je viens d'ailleurs de m'offrir un coffret de la BBC contenant six tragédies de Shakespeare, dont Hamlet, enregistré en 1980, que je viens de regarder (splendide, avec Derek Jacobi dans le rôle-titre, alors qu'il joue ensuite le roi dans le film de Zeffirelli) et dans la foulée, j'ai relu la pièce que, curieusement, je n'ai jamais vue sur une scène de théâtre.
Laurence Olivier : Hamlet (1948)
Non seulement elle tient admirablement le coup, en dépit du fait que je ne possède que la traduction de François-Victor Hugo, plus littéraire que théâtrale, mais je suis chaque fois ébloui, émerveillé. C'est à la fois une intrigue quasi-policière : Hamlet va-t-il réussir à confondre son assassin de beau-père ? Un drame œdipien : Hamlet supporte mal que sa mère à peine veuve se soit remariée ("Affectez la vertu, si vous ne l'avez pas", lui lance-t-il lors de leur terrible scène explicative, acte III, 4). Une belle histoire d'amour, avec le personnage d'Ophélie, rejetée par Hamlet (voir leurs répliques : Ophélie : "C'est bref, monseigneur". Hamlet : "Comme l'amour d'une femme", acte III, 2), qui devient folle et se noie. Et aussi une histoire d'amitié entre Horatio et Hamlet. J'ai été frappé cette fois par la noirceur des événements successifs (cf la phrase du roi : "quand les malheurs arrivent, ils ne viennent pas en éclaireurs solitaires, mais en bataillons", acte IV,5), la fin est une véritable hécatombe, par le théâtre dans le théâtre, quand Hamlet fait représenter par des comédiens une pièce retraçant le meurtre de son père pour contraindre le roi assassin à se dévoiler (avec cette réflexion qu'il fait et qui doit résumer la philosophie d'un auteur de théâtre selon Shakespeare : "l'homme judicieux dont la critique a, vous devez en convenir, plus de poids que celle d'une salle entière", acte III,2), par une certaine misogynie (" Fragilité, ton nom est femme !" acte I,2), que je replace toutefois dans l'esprit de l'époque d'une part et dans la tenue de la pièce d'autre part (Hamlet, en proférant cette pensée, songe à sa mère si brusquement remariée après son veuvage), et sans doute par la philosophie générale assez pessimiste.
Citons quelques répliques qui donnent le ton. Gonzague : "Car celui qui n'a pas besoin ne manquera jamais d'amis ; et celui qui, dans la nécessité, veut éprouver un ami vide, le convertit immédiatement en ennemi", acte III,2. Hamlet : "L'habitude, ce monstre qui dévore tout sentiment, ce démon familier, est un ange en ceci que, pour la pratique des belles et bonnes actions, elle nous donne aussi un froc, une livrée facile à mettre", acte III,4, ou "Qu'est-ce que l'homme, si le bien suprême, l'aubaine de sa vie est uniquement de dormir et de manger ?... Une bête, rien de plus. Certes, celui qui nous a faits avec cette vaste intelligence, avec ce regard dans le passé et dans l'avenir, ne nous a pas donné cette capacité, cette raison divine, pour qu'elles moisissent en nous inactives", acte IV,4. Bref, une pièce formidable dont tous les personnages sont intéressants. Et une lecture roborative.

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Sur ce, je quitte Bordeaux pour une dizaine de jours et vais donc laisser tomber le blog. J'emporte quelques lectures, vais rencontrer du monde et réfléchir à cette période de Noël qui vient. Inutile de dire que si Jésus revenait, il serait horrifié ! 
Battons-nous pour que le rôle des jouets et des jeux ne soit plus sexiste : pourquoi offrir des dînettes, des poupées et des « roseries » sucrées aux petites filles ? Pour qu'elles apprennent leur futur rôle de ménagère ? Pourquoi offrir des petits soldats, des armes, des jeux vidéo bourrés de filles en tenue légère et de combats aux petits garçons (d'ailleurs pourquoi leur offrir des jeux vidéo ? pour les lobotomiser ?) ? Pour leur apprendre que c'est eux qui auront un jour le pouvoir ? Réfléchissons un peu : nos « pigeons » de patrons ont bien compris le côté lucratif de ces jouets qui vont dans le sens de la dictature de la majorité. Devons-nous à notre tour nous y engouffrer dedans ? Non, merde à ce commerce honteux et dégradant !
Tiens, voilà que je deviens féministe. Comme disait un macho que je connais bien : « Normal, ton cerveau ramollit ! »

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