Hamlet :
Puisque l'homme n'est pas maître de ce qu'il quitte, qu'importe
qu'il le quitte de bonne heure !
(Shakespeare,
Hamlet, V,2)
Hamlet
est sans doute la pièce de théâtre que je connais le mieux (avec
Le Cid,
Le Misanthrope,
Tartuffe), pour
l'avoir lue plusieurs fois (la dernière fois en 2008, pour lutter
contre l'apathie qui me gagnait avec l'aggravation de la dégradation
de Claire, et d'ailleurs sur sa suggestion : eh oui, il faut
lire des choses très fortes pour lutter contre la dépression), dont
une fois en anglais lors de mon séjour en Guadeloupe (dans une
édition bilingue, qui me permettait de me reporter à la traduction
et aux notes à chaque passage difficile à comprendre), pour l'avoir
aussi vue plusieurs fois représentée au cinéma (films de Laurence
Olivier, le meilleur, de Gregory Kozintsev, version russe très
belle, tous deux en noir et blanc, de Franco Zeffirelli, le moins
bon, et de Kenneth Branagh, version intégrale de quatre heures, très
honorablement transposée dans un royaume d'opérette ou de bande
dessinée, style Le Petit duc
que je lisais dans ma jeunesse), ou à la télévision. Je viens
d'ailleurs de m'offrir un coffret de la BBC contenant six tragédies
de Shakespeare, dont Hamlet,
enregistré en 1980, que je viens de regarder (splendide, avec Derek
Jacobi dans le rôle-titre, alors qu'il joue ensuite le roi dans le
film de Zeffirelli) et dans la foulée, j'ai relu la pièce que,
curieusement, je n'ai jamais vue sur une scène de théâtre.
Laurence Olivier : Hamlet (1948)
Laurence Olivier : Hamlet (1948)
Non
seulement elle tient admirablement le coup, en dépit du fait que je
ne possède que la traduction de François-Victor Hugo, plus
littéraire que théâtrale, mais je suis chaque fois ébloui,
émerveillé. C'est à la fois une intrigue quasi-policière :
Hamlet va-t-il réussir à confondre son assassin de beau-père ?
Un drame œdipien : Hamlet supporte mal que sa mère à peine
veuve se soit remariée ("Affectez
la vertu, si vous ne l'avez pas",
lui lance-t-il lors de leur terrible scène explicative, acte III,
4). Une belle histoire d'amour, avec le personnage d'Ophélie,
rejetée par Hamlet (voir leurs répliques : Ophélie :
"C'est
bref, monseigneur".
Hamlet : "Comme
l'amour d'une femme",
acte III, 2), qui
devient folle et se noie. Et aussi une histoire d'amitié entre
Horatio et Hamlet. J'ai été frappé cette fois par la noirceur des
événements successifs (cf la phrase du roi : "quand
les malheurs arrivent, ils ne viennent pas en éclaireurs solitaires,
mais en bataillons",
acte IV,5), la fin est une véritable hécatombe, par le théâtre
dans le théâtre, quand Hamlet fait représenter par des comédiens
une pièce retraçant le meurtre de son père pour contraindre le roi
assassin à se dévoiler (avec cette réflexion qu'il fait et qui
doit résumer la philosophie d'un auteur de théâtre selon
Shakespeare : "l'homme
judicieux dont la critique a, vous devez en convenir, plus de poids
que celle d'une salle entière",
acte III,2), par une certaine misogynie ("
Fragilité, ton nom est femme !"
acte I,2), que je replace toutefois dans l'esprit de l'époque d'une
part et dans la tenue de la pièce d'autre part (Hamlet, en proférant
cette pensée, songe à sa mère si brusquement remariée après son
veuvage), et sans doute par la philosophie générale assez
pessimiste.
Citons
quelques répliques qui donnent le ton. Gonzague : "Car
celui qui n'a pas besoin ne manquera jamais d'amis ; et celui
qui, dans la nécessité, veut éprouver un ami vide, le convertit
immédiatement en ennemi",
acte III,2. Hamlet :
"L'habitude,
ce monstre qui dévore tout sentiment, ce démon familier, est un
ange en ceci que, pour la pratique des belles et bonnes actions, elle
nous donne aussi un froc, une livrée facile à mettre",
acte III,4, ou "Qu'est-ce
que l'homme, si le bien suprême, l'aubaine de sa vie est uniquement
de dormir et de manger ?... Une bête, rien de plus. Certes,
celui qui nous a faits avec cette vaste intelligence, avec ce regard
dans le passé et dans l'avenir, ne nous a pas donné cette capacité,
cette raison divine, pour qu'elles moisissent en nous inactives",
acte IV,4. Bref, une pièce formidable dont tous les personnages sont
intéressants. Et une lecture roborative.
* * * *
Sur
ce, je quitte Bordeaux pour une dizaine de jours et vais donc laisser
tomber le blog. J'emporte quelques lectures, vais rencontrer du monde
et réfléchir à cette période de Noël qui vient. Inutile de dire
que si Jésus revenait, il serait horrifié !
Battons-nous
pour que le rôle des jouets et des jeux ne soit plus sexiste :
pourquoi offrir des dînettes, des poupées et des « roseries »
sucrées aux petites filles ? Pour qu'elles apprennent leur
futur rôle de ménagère ? Pourquoi offrir des petits soldats,
des armes, des jeux vidéo bourrés de filles en tenue légère et de
combats aux petits garçons (d'ailleurs pourquoi leur offrir des
jeux vidéo ? pour les lobotomiser ?) ? Pour leur apprendre
que c'est eux qui auront un jour le pouvoir ? Réfléchissons un
peu : nos « pigeons » de patrons ont bien compris le
côté lucratif de ces jouets qui vont dans le sens de la dictature
de la majorité. Devons-nous à notre tour nous y engouffrer dedans ?
Non, merde à ce commerce honteux et dégradant !
Tiens,
voilà que je deviens féministe. Comme disait un macho que je
connais bien : « Normal, ton cerveau ramollit ! »
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