Et
l'on dit en effet que le sage vit autant qu'il le doit et non autant
qu'il le peut. Le meilleur cadeau que la Nature ait pu nous faire, et
qui nous ôte toute raison de nous plaindre de notre condition, c'est
de nous avoir laissé la clef des champs ; elle n'a mis qu'une
seule entrée à la vie, mais cent mille façons d'en sortir.
(Montaigne,
Les
Essais, Livre II,
3, 4 trad. Guy de Pernon)
Quelques
mots avant de quitter Bordeaux pour la semaine. Le blog va donc
momentanément s'arrêter car je vais être pris par les rencontres
multiples avec mes amis poitevins, ainsi que par les manifestations
littéraires de Passeurs de monde, écrivains, éditeurs et
traducteurs étant à la fête.
J'espère
n'avoir blessé personne avec mes derniers blogs, notamment en
parlant des minorités. On m'a fait remarquer que certaines minorités
sont dangereuses ; ainsi les terroristes, d'autant plus
dangereux qu'ils peuvent faire l'objet de l'admiration de larges
majorités : la radio rapportait ces jours-ci que les jeunes de
nos quartiers considéraient généralement Mohamed Merah comme un
héros ! De très larges fractions (la majorité ?) des
habitants des pays musulmans restent admiratifs devant les attentats
du 11 septembre 2001 ! Mais on voit bien qu'on retombe alors
devant la majorité qui fait peur... Les majorités font toujours
peur, parce qu'elles sont toujours prêtes à prendre le vent dans le
sens qui les arrange, comme on a pu le voir dans Le chagrin et la
pitié, où à quelques mois d'intervalle, Pétain puis De Gaulle
étaient acclamés par une foule parisienne en liesse, dont
probablement une bonne partie était composée des mêmes individus !
Je
me référais surtout aux minorités fragiles, celles qui ont besoin
d'être encouragées et soutenues : les enfants en premier lieu
bien trop souvent abrutis et maltraités, les différents (étrangers,
gitans, sans-papiers, homosexuel(le)s et transsexuels, artistes et
poètes, doux dingues), les amoureux vrais (très minoritaires par
rapport aux stakhanovistes du sexe), les handicapés (bonjour le
parcours du combattant dans les villes et sans doute pas que là !)
et les malades, les vieux et les isolés, les chômeurs et les très
pauvres (car, n'en déplaise au patronat, sans pauvres en très grand
nombre, les actionnaires et spéculateurs ne s'enrichiraient pas, et
je suis assez d'accord avec le personnage de Ben
Okri, qui dans la nouvelle Dans
la ville de poussière rouge,
du recueil Étoiles d'un
nouveau couvre-feu, "en
arriva à la conclusion qu'il était impossible de s'enrichir
honnêtement. Quand il y a de l'argent, il y a vol, se dit-il
!"), les lecteurs (eh
oui, nous sommes aussi une minorité !) et les gens qui souhaitent se
cultiver et partager leurs connaissances, les partageux d'une façon
générale, etc... On pourra sans doute me dire qu'en additionnant
tout ce monde, on obtiendrait une majorité, sauf qu'une addition de
minorités n'a jamais fait une majorité.
Et
qu'il y a des minorités très fragiles : celle des lecteurs et
des acheteurs de livres, par exemple, va bientôt disparaître,
entraînant la fermeture des librairies (ça a déjà commencé, le
processus est largement entamé aux USA et comme on suit béatement
toutes les conneries de ce grand pays, ça ne saurait tarder en
France)... Pour l'instant, ça ne se voit pas trop, parce que les
éditeurs multiplient les publications, et qu'on a l'impression par
la quantité de la production qu'il y a de plus en plus de lecteurs
et d'acheteurs. Il n'en est rien. Toutes les statistiques le disent.
Le nombre moyen d'exemplaires par titre a chuté fortement. Ces
dernières années, le nombre d'emprunts en bibliothèque s'effondre
dramatiquement. D'ailleurs, je ne vois pas comment la nouvelle
génération, qui saute d'un écran à un autre (télévision,
ordinateur, smartphone, etc.), tous écrans bouffeurs de temps,
trouverait du temps, du silence aussi, pour lire.
C'est
plié, je suis un dinosaure !
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