lundi 17 mai 2021

17 mai 2021 : le bonheur sans smartphone

 

Il faut résister à cette évolution dramatique. Chaque fois qu’on privilégie le contact humain, qu’on enseigne à un enfant ou qu’on soigne sans écran interposé, c’est une forme de résistance. Ce sont des valeurs humaines fondamentales qu’il s’agit de défendre aujourd’hui.

(La décroissance, avril 2021, n°178, Sabine Duflo, psychologue clinicienne)


Je suis de plus en plus frappé par l’addiction contemporaine au smartphone. De plus en plus difficile de trouver un lieu où cet instrument n’a pas envahi les mains de 90 % des individus : que ce soit dans les rues ou sur les trottoirs, dans les magasins, sur les bancs publics, dans les parcs, dans les bus, les trams, les trains, les couloirs et salles d’attente des cliniques et hôpitaux (où je suis malheureusement obligé de traîner un peu trop à mon goût), sur les chantiers, au volant (assez souvent), juché sur un vélo (id.), debout, assis, couché, chacun pianote de bon cœur ou fait défiler des trucs avec son doigt. On parle d’utilisation de cette machine plus de six heures par jour. Elle sert même à téléphoner de temps à autre, figurez-vous ! Le confinement aurait développé son usage d’une façon exponentielle.

Et moi, comme un dinosaure, je fais partie des 1 % qui refusent l’engin ! Il paraît que mon téléphone portable que, d’ailleurs, j’oublie souvent à la maison quand je sors, devrait être mis dans un magasin d’antiquités… C’est que je ne suis jamais si heureux que quand je suis déconnecté : à pied, à vélo, dans le train, en cargo, en voyage de façon générale, quand je suis avec des amis, quand je lis ou écoute de la musique, quand je vais au cinéma ou au théâtre (c’est pour bientôt), quand je vais au café et au restaurant (id.), quand je suis en réunion, etc. Et je suis déconcerté quand je vois telle ou telle personne garder en permanence son smartphone à la main et l’allumer quand elle reçoit une notification, ce qui est fréquent. Je ne veux pas de ça, donc, je me limiterai à un téléphone minimaliste. Et tant pis pour moi si je c’est plus compliqué puisque maintenant tout semble passer par ce redoutable outil : "les institutions passent de plus en plus par le numérique, que ce soit les impôts, Pôle emploi, la CAF, etc, et qu’elles nous rendent incapables de gérer notre propre vie sans numérique" (Christophe Cailleaux, La Décroissance, N° 163, octobre 2019)


C’est une plaie pour l’éducation : "Le bébé est capable de regarder l’autre parce qu’il a été suffisamment regardé, il ne peut dire « je » que parce que quelqu’un lui a dit « tu ». Or, on observe aujourd’hui des interférences de la technologie dès les premiers mois de la naissance : des futures mamans qui consultent en moyenne leur portable six heures par jour ne se défont pas si facilement de cette habitude une fois devenues mères" ai-je lu. C’est de la maltraitance numérique que de les placer devant des écrans à six mois : "Je me demande si cette société est encore capable de supporter les enfants, quand elle préfère les placer devant des contenus qui les hypnotisent", nous dit une orthophoniste.

Et ne parlons pas des dégâts causés dans les apprentissages des enfants et des adolescents : "le smartphone est en train de devenir un prolongement du cerveau, de la pensée. On ne sait plus mémoriser les numéros de téléphone par cœur, on perd la capacité de s’orienter en s’en remettant au GPS, les compétences en calcul mental déclinent avec l’utilisation des calculettes". Sans compter l’aspect espionnage ou flicage des parents qui veulent savoir en permanence où sont leurs enfants : finis les jeux de piste en plein air en liberté sans les adultes de notre enfance, sans parler des plaisirs intenses de l’école buissonnière. Je suis comme cette adepte de la sobriété volontaire : "je ne veux pas d’un truc qui fait bip-bip dans mon sac, je veux rester injoignable quand je suis dehors, c’est tout. C’est comme pour la consommation : si je ne dépense pas, ce n’est pas forcément par démarche écolo mais parce que je ne veux pas me compliquer la vie avec des trucs inutiles".

Je reviens de Poitiers où j’ai passé deux jours avec l’amie Odile qui, à quatre-vingt-seize ans, n’a évidemment pas de smartphone. Eh bien, c’était le bonheur absolu d’être ensemble, de parler ou de faire silence, de se promener sans être dérangés par des bip-bip, de rencontrer d’autres promeneurs avec qui échanger quelques mots, de vivre, quoi, et pas par écrans interposés ! Sans compter le coût écologique de toutes ces machines qu’il faut recharger sans cesse et dont les matériaux qui les composent sont souvent extraits dans les mines des pays pauvres par des quasi-esclaves, parfois des enfants. 

 

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