MADAME
HALL : Je suis vieille !
LE
DOCTEUR : C'est ainsi qu'on devient ; les livres nous
l'apprennent, on en entend parler, on s'en rend compte, et puis on y
est, c'est atroce. Moi aussi, je suis vieux !
(August
Strindberg, Camarades)
L'embêtant,
avec les nouvelles technologies, c'est qu'elles nous poussent à la
vitesse, et qu'elles nous en rendent dépendants. Difficile après de
supporter avec patience, par exemple, la convalescence après une
opération comme celle que je viens de subir. C'est vrai, avec ce
type d'intervention on ne m'a pas ouvert, je n'ai pas de coupures, je
suis sorti le lendemain en ne sentant rien, comme si on ne m'avait
pas opéré – et pour cause, l'anesthésie par péridurale persiste
encore quelques jours au niveau du bassin, en tout cas ne s'atténue
que lentement, et c'est seulement depuis hier après-midi que je
ressens quelque chose au périnée, mais on ne peut même pas parler
de douleur. Par contre, les inconvénients post-opératoires sont
bien là, je n'insiste pas là-dessus, pour ne pas me transformer en
membre à part entière de la tribu des « T'as mal où ? »,
tribu que j'ai toujours trouvée fort désagréable.
Malgré
tout, faut bien garder le moral, puisque la guérison vient en grande
partie de là. Autrefois, on vous gardait des jours et des jours à
l'hôpital, vous étiez chouchouté, entouré, presque bercé, vous
pouviez appeler si besoin était, et une gente nounou venait vous
retaper le lit ou vous apporter une tisane et un sourire de
consolation. Aujourd'hui, on vous met dehors à toute berzingue –
ça aussi c'est un effet de la vitesse d'aujourd'hui – et
démerdez-vous avec votre médecin traitant pour vous expliquer ce
qui se passe ! Ben mon colon, vieillir, c'est coton, et comme le
dit le toubib dans la pièce (remarquable) de Strindberg, on le lit
dans les livres, on en entend parler, ne serait-ce que par nos
grands-parents et parents sur qui on a vu la vieillesse se poser,
donc on sait que ça existe, mais quand ça vous tombe dessus, ça
surprend quand même. On pourrait résumer la somme de Simone de
Beauvoir, justement intitulée La
vieillesse
par : « Ben, c'est pas de la tarte ! ».
Bien
sûr, d'ici quelque temps, je serai remis, de nouveau bon pour le
service, et prêt à continuer à visiter les uns et les autres, à
tâcher d'être toujours bon pour le partage et la solidarité,
puisque c'est mon credo. Tiens, à ce propos, je me suis réengagé
auprès de l'association caritative qui s'occupe de jeunes Colombiens
(revoyez sur mon blog à la date du 26 janvier 2008 ce que je disais
d'eux), les musiciens que nous hébergions en demi-pension quand ils
venaient au conservatoire de Poitiers : il y eut Alexander,
David et Edwin entre 2007 et 2008. Non seulement ils ne nous ont pas
oublié, mais Edwin est resté en France, il a été reçu an CFMI
(Centre de Formation des Musiciens Intervenant à l'école de
Poitiers), et j'avais gardé sa trace sur facebook. L'association me
propose – ou plus exactement je leur ai dit que je pouvais le faire
– de recevoir une jeune Colombienne, Alejandra qui, elle, va au
conservatoire de Bordeaux, et qui a besoin d'un hébergement tous les
mardis et mercredis. Elle arrive donc tout à l'heure pour la
première fois. Demain soir, je lui ferai rencontrer ma sœur Maryse
chez qui elle ira quand je serai absent de Bordeaux. Puisque bien
sûr, si je m'engage, c'est pour l'année scolaire...
Je
gage que cette action va me requinquer plus vite que toutes les
médecines du monde (j'ai un nombre effarant de médicaments à
prendre chaque jour, j'ai été obligé d'en dresser la liste, pour
le matin et pour le soir, pour ne pas m'y perdre). Rien ne vaut
encore les rencontres humaines, les vraies, y compris avec des
inconnu(e)s, pour soulager son vague à l'âme. Surtout quand on sait
qu'on se rend vraiment utile et que des sourires en retour nous
éclaireront ! Et, qui sait, ça éloignera peut-être le virus
de la vieillesse, ce cochon qui sommeille en nous !
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