je est un hôte
(Henri Droguet, Palimpsestes et rigodons, Potentille, 2016)
J’ai
lu récemment le roman de Sylvie Germain La
puissance des ombres, roman très sombre, mais très humain,
où
j’ai déniché cette pépite :
Prière du prisonnier
Seigneur, quand on est en prison, on n’est rien.
Quand on n’est rien, on a envie de te parler.
Mais quand on n’est rien, on ne pense à rien.
Alors on ne dit rien.
Pardonne-nous, Seigneur,
Si je n’ai rien, si c’est le vide,
Le désert tout au fond de moi.
Mais ce rien, Seigneur,
Je te l’offre tout de même,
Parce que c’est le mien.
Et puis, il pèse si lourd, mon rien ;
C’est si dur à porter seul, un rien,
Un rien qui me fait mal au cœur,
Un rien qui me brûle les yeux,
Un rien qui me donne des sueurs froides,
Un rien qui me donne mal au ventre,
Un rien qui me scie les jambes,
Un rien qui ne me rend pas du tout courageux,
Un rien qui me rend bizarre,
Un rien qui me rend la bouche pâteuse.
Ce rien, Seigneur, qui m’assomme, prends-le,
Pour me décharger, il est si lourd, ce rien !
(Sylvie Germain, La puissance des ombres, Albin Michel, 2022)
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