« Pourquoi
ne pas toujours relire les classiques ? Ils forment les plus
authentiques et les plus accessibles des délices, et pourquoi
s‘embêter avec des choses de deuxième ou de troisième ordre
parce que c‘est nouveau ? »
(propos
de Roger Fry rapporté par
Virginia
Woolf, dans La
vie de Roger Fry,
trad. Jean Pavans, Rivages, 2002)
J'aime
beaucoup ce propos de Roger Fry. Je pourrai d'ailleurs l'appliquer
aussi bien au cinéma qu'à la littérature. Je viens de revoir Le
dictateur de Charlie Chaplin : est-ce indispensable d'aller
voir Les visiteurs 3 après ça ? Bien évidemment, non.
Et,
parmi les classiques, il y a Molière chez les Français, Shakespeare
chez les Anglais, etc. Je suis ravi d'avoir pu participer à
l'aventure des Femmes savantes. Et surtout de voir que des
jeunes parviennent à s'intéresser à Molière et au théâtre,
parce qu'il existe des filières spécifiques, et notamment un
baccalauréat option théâtre. Que n'existait-il pas de mon temps,
moi pour qui les cours de français étaient illuminés par la
lecture de nos trois grands classiques, Corneille, Racine et Molière,
qui m'ont tellement donné le goût du théâtre que je suis resté
un immense lecteur de pièces de théâtre, ce qui me rend apparemment
très anormal. J'ai lu les principales pièces de Marivaux, de
Beaumarchais (18e siècle), de Victor Hugo, de Vigny, de Dumas, de
Musset, de Mirbeau, de Labiche et de Rostand (19e siècle), de Jean
Anouilh, Marcel Aymé, Albert Camus, Paul Claudel, Jean Cocteau,
Marguerite Duras, Feydeau, Jean Genet, Jean Giraudoux, Montherlant,
Obaldia, Marcel Pagnol, Romain Rolland, Sartre (20e siècle). Chez
les étrangers, j'ai dévoré – entre autres - Brecht, Goethe,
Schnitzler (domaine allemand), Calderon, Cervantès, Garcia Lorca,
Lope de Vega (domaine espagnol), Beckett, O'Casey, Pinter,
Shakespeare et les autres élisabéthains, Shaw, Tennessee Williams
(domaine anglo-américain), les Grecs anciens, Goldoni et Pirandello
(domaine italien), Ibsen (Norvège), Mrożek
(Pologne), Gogol, Gorki, Tchékhov (domaine russe), Strindberg
(Suède)... Au total, plus de cinq cents pièces de théâtre. Dès
que j'ai pu, je suis aussi allé les voir. Presque à chaque passage à
Paris, je vais au théâtre. Même en Pologne et en Angleterre, j'ai
vu du théâtre en version originale et sans sous-titres !
actuellement en vente chez les marchands de journaux,
la collection Shakespeare, proposée par Le monde, dans la traduction de François-Victor Hugo
Pourtant
les libraires, les bibliothécaires, constatent que les pièces de
théâtre – peut-être encore plus que les recueils de poésie –
ne se vendent pas ou ne s'empruntent pas. En gros, ne se lisent
guère. Quel dommage : pourquoi se priver ? Il m'est
arrivé, parfois, de m'ennuyer en lisant des romans aux longues et
lourdes descriptions (aujourd'hui c'est souvent ce que j'apprécie),
quasiment jamais en lisant des pièces de théâtre... D'ailleurs j'ai lu
certaines d'entre elles (Corneille, Racine, Molière, Hugo,
Shakespeare, Tchékhov) deux fois ou davantage... Impossible de se
lasser de Hamlet ou de Roméo et Juliette, du
Misanthrope ou de Tartuffe, du Cid ou de
Bérénice, d'Oncle Vania ou des Trois sœurs,
du Révizor ou de Faust, de Mademoiselle Julie ou La ménagerie de verre... On y découvre sans cesse
des choses nouvelles, on se nourrit, on se reconnaît dans tel ou tel
personnage, on rit, on s'émeut !
Martine, chassée par Philaminte (acte 2, scène 6)
Mon
rôle minuscule du notaire (8 vers sur les 1700 de la pièce) a fini
par me plaire et je me suis éclaté dans les deux dernières
séances, soudain à l'aise avec ma voix de tête qui faisait la
salle s'écrouler de rire. Des élèves sont venus me demander cette
fois si je n'étais pas un habitué du doublage de dessins animés.
Il paraît que j'avais la même voix que celui qui double Pinocchio
dans Shrek !!! Ils étaient bluffés, même si je les ai
détrompés. J'ai peut-être raté ma vocation... Et j'ai trouvé un
atelier théâtre pour adultes à Bègles, je verrai en septembre si
l'animatrice me plaît ainsi que le groupe.
L'après-midi, au centre de Poitiers, alors que je m'étais assis dans le square derrière la
mairie, il y avait tout près de là un groupe de collégiens (12-13
ans). Je m'apprêtais à repartir quand soudain, j'entends l'un d'eux
dire à un autre : « dis donc, t'as le même blouson que
le "vieux" ! » Je regarde autour de moi, il n'y avait
personne. Le vieux, c'était moi !!! Ça
m'a fait un drôle d'effet...
Mais
je suis philosophe, et je lis un autre propos de Roger Fry, que je
médite : "Je
vais goûter la saveur d‘être vieux, de ne plus être aimé, de
n‘avoir plus d‘espoir ni d‘ambition. Il faut que la sagesse
nous enseigne encore comment nous soumettre à ses conseils. C‘est
la dernière et la plus dure passe de la philosophie".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire