lundi 11 août 2025

11 août 2025 : vieillerie

 

Une vieille carcasse, soupirait-il, je suis devenu un vieux manche à balai, une cafetière cabossée, un moteur qui tousse, un sommier déglingué.

(Philippe Claudel, Le chasseur de cauchemars, in Le monde sans les enfants,, Stock, 2006)

 

                Il faut que je me fasse une raison : la vieillesse est là qui me torpille un peu plus chaque jour. Je vois la lenteur avec laquelle j'accomplis toute tâche : me lever, m'habiller, faire ma toilette, prendre mon petit déjeuner, faire mes balades à vélo si utiles le matin de bonne heure en ces temps de canicule (aujourd'hui j'ai beaucoup pensé à Claire, dont c'était la fête, j'ai fait un beau parcours d'une vingtaine de km en cet honneur, en démarrant à 7 h 30), lire, me décider avant de choisir un livre ou un film. Et même penser à mes ami(e) esseulé(e)s, à qui un coup de fil ou un sms procurerait un grand plaisir : il m'arrive de les négliger.

                Heureusement, je prends le temps de continuer à envoyer des cartes postales, mais je me rends compte que n'y mets pas la même énergie, que j'oublie certain(e)s de mes ami(e)s qui sont loin d'être aussi pourvu(e)s que les autres de ces cartes traditionnelles, qui jouent si fort pour entretenir l'amitié. De plus, j'y écris dessus des banalités à pleurer dont j'aurais eu honte il y a vingt ans.

                Et puis, il y a les nouveaux ami(e)s. Peu à peu, j'élargis mon champ avec de nouveaux groupes avec les affinités électives qui vont avec, et comme en général ils (elles) sont de Bordeaux, si je sens qu'ils (elles) sont esseulé(e) eux (elles) aussi, il faut que je programme des visites ou qu'on se voit en ville, ou qu'on se planifie des sorties communes. Alors même que je fais toutes choses de plus en plus lentement.

                Je ne regrette rien, ma vie est bien remplie, je rencontre les unes et les une avec un plaisir certain. Et je suis ravi de conserver un optimisme inébranlable, de continuer à oublier rapidement toutes mes mésaventures désagréables, et à garder en mémoire seulement les petits bonheurs qui m'arrivent : une rencontre nouvelle, un livre qui me séduit, un film puissant, un moment de vie éblouissant, un arbre charmeur dont j'ai envie d'enserrer le tronc, une fleur qui me touche, un arc-en-ciel inattendu, un enfant qui me sourit, une vieille dame qui me demande de l'aider, un nuage dont les formes m'enchantent, etc...          

                Mais le corps et, parfois, l'esprit ne suivent plus. Ainsi, j'ai crevé à vélo deux fois cette année, et dans les deux cas, j'ai apporté mon vélo à réparer chez des professionnels, comme si je ne savais plus changer une chambre à air ! La maladresse aussi fait des ravages. Pour mes déplacements, j'attends de plus en plus le dernier moment pour prendre mes billets. Je procrastine pas mal, ce qui est très nouveau pour moi. Ne parlons pas de l'écriture manuelle, qui est devenue un pensum : j'écris mes lettres à l'ordinateur, et j'en écris de moins en moins.

                 Quant à mes chantiers de manuscrits, ils sont aussi lents à voir le jour que ceux des centrales nucléaires du gouvernement. Je n'ai rien publié depuis 2017 et ma nouvelle Mais délivre-nous du mâle ! C'est bien la preuve que je ne suis pas un écrivain, mais un "écrivant" selon la distinction de Roland Barthes dans Le Degré zéro de l'écriture. Mais je m'en fiche un peu, je sais que je suis un dilettante de la plume.


                Et je m'apprête à participer fin septembre au 2ème Contre-salon des Vieilles et des Vieux organisé à Bordeaux par le CNAV (Conseil National autoproclamé de la Vieillesse)

 "3 Jours au Marché des Douves de rencontres, de partages, de réflexions, de spectacles qui réuniront des Vieilles et des Vieux qui veulent être entendus sur la place qu’ils souhaitent dans la société, qui veulent nouer des contacts et créer des ponts entre les générations avec écoute, bienveillance et joie". Youpi !


 

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