L'assassin
est surtout l'homme inconséquent qui préfère l'injustice au
désordre. Or l'injustice est le premier des désordres !
(Nangala Camara, Le printemps de la liberté, Le serpent à plumes, 2000)
(Nangala Camara, Le printemps de la liberté, Le serpent à plumes, 2000)
27
février : Lever à 8 h, pour pouvoir partir à 9 h, non sans
regarder le moteur, vérifier les niveaux d'huile ! Tout va bien de ce côté.
Nous
refaisons le chemin inverse, croisons de nouveau des barrages de
policiers, comme à l'aller. On nous laisse passer sans encombre à
Duékoué. Par contre, à l'entrée de Daoula, on nous fait signe de
nous arrêter. "Alors, on nous rapporte quelque chose de Man ?",
demande le cerbère avec un air de faux-cul. Lucile, qui conduit, se trouble et
répond : "De la bonne humeur". Ce qui ne lui plaît
pas, au sbire : il demande à voir les papiers de la voiture, puis le permis de
conduire de Lucile. Elle a eu le malheur de lui dire qu'elle était en Côte
d'Ivoire depuis trois ans : "Alors, vous êtes en
infraction ! Vous devriez avoir le permis de conduire
ivoirien !" (c'est effectivement le cas de Pierryl). Lucile
parlemente, sort sa carte de l'ambassade, valable jusqu'à la
mi-2016, explique qu'un arrangement entre l'Ambassade de France et le
Ministère des Transports ivoirien permet aux travailleurs de
l'Ambassade de circuler avec le permis français, par dérogation ; oui, mais il faut une lettre de confirmation. Il
ne veut rien entendre. Il propose même qu'elle aille au bureau pour un constat de police, après quoi elle recevra une convocation du juge, etc. Bref, au bout de vingt minutes en plein cagnard, de guerre
lasse, Lucile lui donne un billet. Il rend aussitôt les papiers.
Comme
on sait qu'il va avertir ses collègues du racket possible au second barrage
à la sortie de Daoula, je propose à Lucile de prendre le volant,
puisque moi, je ne suis là que depuis huit jours, et que j'ai le
droit de conduire avec un permis français. Au cas où le policier préviendrait l'autre barrage, je prends le
volant quand même, après le plein d'essence ; Lucile achète à
la boutique des sodas. Au grand ébahissement du policier
suivant, il voit un vieux au volant, et non pas la jeune femme
rançonnable. Il nous laisse passer sans demander son reste. Quelques
km plus loin, j'arrête et lui redonne le volant. Je sens qu'elle est
un peu à cran, ma fille. D'ailleurs, ça nous a fait perdre une
demi-heure à peu près. Nous n'avons pas faim, il est déjà midi
largement passé, nous regardons plutôt la route pour éviter les trous,
nous admirons au passage le lac de barrage dans lequel surgissent de ci-de
là, comme des poteaux indicateurs, les troncs noircis des arbres
engloutis.
le lac et les arbres fantômes
Chaleur
toujours intense. Nous buvons autant que possible, mais l'eau est
maintenant tiède dans nos bouteilles. J'ai oublié de signaler qu'on voit quand même pas mal de cyclistes sur les routes : ils transportent toutes sortes de marchandises ! C'est visiblement un véhicule utilitaire ici, où seule une minorité possède une voiture, en particulier à la campagne. Nous finissons par arriver à
Yamoussoukro vers 14 h 30 et tournicotons un quart d'heure avant de
trouver l'hôtel réservé grâce au
Petit fûté, la Résidence Bera. On
s'installe et on file au restaurant se partager une carpe pour deux,
car nous avons plus soif que faim.
vue extérieure partielle de la Fondation
Puis
nous repartons visiter la Fondation
Félix Houphouët-Boigny pour la Recherche de la Paix.
C'est un des monuments pharaoniques de la ville, voulus par le
président Houphouët-Boigny, réalisé par l'architecte
Olivier-Clément Cacoub, et confié en 1997 à l'Unesco. Y sont
organisés des conférences internationales, des séminaires. Nous le
visitons avec le pompier de service (géré par une société de
sous-traitants), guide bénévole qui nous en dévoile les arcanes :
escaliers monumentaux, salles de séminaire, salles de conférences
équipées de systèmes de traduction simultanée pour huit langues,
dont un amphithéâtre de 2000 places, utilisé aussi pour des
spectacles culturels. Un des salons sert aussi pour des fêtes de mariage...
un lustre
Puis
nous faisons un saut à l'Hôtel Président,
celui des hôtes de marque, des officiels de passage et congressistes
internationaux, où Lucile a déjà dormi lors de déplacements
officiels avec l'ambassadeur et où elle voulait me montrer le
restaurant-bar panoramique, malheureusement fermé à l'heure où
nous arrivons.
beaux flamboyants aux pieds de l'hôtel Président
Repas
du soir, léger, une salade, à La
Brise,
petit restaurant au bord d'un des petits lacs du centre de la ville.
28
février : Petit
déjeuner express. Puis nouvelle visite de
Yamoussoukro. Cette fois, Lucile veut m'emmener voir l'Université,
situé à la périphérie de la ville immense, conçue pour abriter
un jour 3 000 000 d'habitants (contre 200 000 aujourd'hui) quand le
gouvernement décidera d'en faire la capitale effective du pays.
Encore faudrait-il y attirer les entreprises, outre les fonctionnaires et les ministères, très
réticents à venir s'enterrer ici ! Difficile
de lutter contre Abidjan. De ce fait, Yamoussoukro ressemble à une
coquille vide : avenues immenses quasi sans voitures, terrains non construits !
sur le campus
Cependant
l'Université, bâtie sur un campus à l'américaine, très vaste,
avec des villas pour les enseignants, de vastes pelouses, est
davantage un agrégat de grandes écoles : l'Institut National
Polytechnique, qui comprend six grandes écoles, avec résidences
pour les étudiants. Justement, on en croise un, Sidibé, à qui nous
posons des questions et qui nous fait visiter. Nous apercevons la
bibliothèque-centre documentaire, enterrée au centre même des
bâtiments de cours.
la bibliothèque
Il y a 3 000 étudiants, triés sur le volet, la
future élite du pays. Le sympathique Sidibé nous signale que, vu
l'éloignement du centre-ville, rien ne distrait les étudiants de
l'étude !
Ensuite,
nous nous dirigeons vers la fameuse basilique Notre dame de la Paix.
Au passage, nous nous arrêtons au lac aux crocodiles.
on préfère le voir de loin
Des enfants
sont là qui regardent. Nous voyons cinq de ces bestioles, trois sur
la berge, un à demi dans l'eau, le dernier dans l'eau, comme à
l'affût. Un gardien vient de temps en temps leur jeter de la
nourriture (poulets), mais on sent qu'ils aimeraient bien se fournir
en chair humaine. Voyant mes bras velus, les enfants s'enhardissent à
venir me toucher et les caresser : apparemment une telle toison
leur est inconnue. Nous entendons les chants et cantiques de l'église
protestante (évangélique ?) toute proche. En repartant, nous
voyons qu'elle doit être pleine, car une partie des fidèles se
trouve dehors.
la mosquée, finement décorée
Au
passage encore, petit arrêt devant la grande mosquée, voulue aussi
par l'ancien président pour marquer son intérêt pour tous les
habitants.
Enfin,
la basilique (architectes Pierre Fakhoury et Patrick d'Hauthuille).
Elle est au milieu de nulle part, comme tout ici, puisque la ville,
géante, est pleine de terrains vagues. Elle se remarque par sa
coupole gigantesque, la plus grande du monde : malgré ses
vingt-cinq ans, elle n'a pas souffert du climat, d'ailleurs très sec
ici au centre du pays, et surtout parce qu'elle est construite en
matériaux nobles : marbre notamment. On remarque aussi, à
l'extérieur, l'esplanade elliptique avec ses nombreuses colonnes.
Enfin, les vitraux sont saisissants et très réussis.
on va à la messe !
Nous
y arrivons à l'heure de la messe, manière de voir si elle attire du
monde. Environ 400 fidèles sont là, dont quelques "blancs". Nous
décidons de rester pour toute la cérémonie. Il y a plusieurs
prêtres, dont le recteur, un Polonais, qui débite l'homélie. La
chorale chante bien, ça swingue même un peu dans le dernier
cantique. Et je vais communier, pour la première fois de ma vie dans
une église catholique ! Voilà, je m'y sentais bien, j'en avais envie !
Façon de communier avec la Côte d'Ivoire avant de la quitter.
Nous
partons au moment des annonces, qui menaçaient de s'éterniser, et
pour éviter l'embouteillage du départ des voitures. Nous reprenons
une des vastes avenues (prévues pour une population et une
circulation importantes) pour aller vers le centre ville, où
Lucile m'emmène dans un restaurant libanais, Chawarna, qui fait des
salades délicieuses.
Et
c'est le retour sur Abidjan pendant lequel nous essuyons une averse,
la troisième de mon séjour. Nous arrivons avant Pierryl, parti avec tout un groupe à Assinie.
Le soir, ils m'emmènent à l'aéroport : j'aurai passé deux semaines ici qui valent bien un mois ailleurs, tant elles furent denses et étonnantes ! Adieu, l'Afrique...
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