La
richesse, frères croyants, ne se mesure pas aux choses qu'on possède
mais à celles dont on sait se passer.
(Amin
Maalouf, Léon
l'Africain,
Lattès, 1986)
21
dévrier : Petit déjeuner en solo. Je lave mon linge à la main
et l'étends sur la balcon. Je sors faire des courses à la
supérette, achète Fraternité-Matin, journal dont Venance
Konan est rédacteur en chef et signe l'éditorial. Ce qui me donne
une idée des quotidiens ivoiriens, de leur teneur et de leur prix :
environ 50 centimes d'euro, ce qui est cher pour un pays où le smic
est à 100 €. On y parle d'une mutinerie à la prison, plusieurs morts dont le caïd : Yacou le Chinois.
Puis
je veux aller ressortir : panne d'électricité, obligé de
descendre du huitième étage par les escaliers, dans le noir le plus
absolu ! Inutile de dire que je fais ça au ralenti, tâtant
chaque marche avant de poser mon pied. Les joies du
sous-développement, pas de lumière veilleuse.
Au cybercafé, j'envoie
un mail collectif, enregistre le n° de tél. de Samir, mon voisin d'avion qui me l'a adressé un mail, puis m'installe au café. À la table voisine,
trois Ivoiriens. On cause, ils habitent en France, sont en
vacances ici. Ils me demandent ce que je pense de la Côte d'Ivoire ;
eux pensent que le pays doit acquérir des transferts de technologie
pour pouvoir se développer, sinon, les matières premières seront
toujours transformées à l'extérieur. Bien que vivant tous trois en France
depuis longtemps, seul un d'entre eux a acquis la nationalité
française. D'abord parce que c'est un parcours du combattant. Et pour les deux autres, c'est surtout qu'ils trouvent les Français
peu disposés à les accueillir vraiment. "À quoi sert une
carte d'identité si on ne nous considère pas comme de vrais
Français ?", me disent-ils. Mais ils respectent la
décision du troisième, dont les enfants, nés en France, sont
français. Quand je veux payer ma bière, 800 Francs CFA, je m'aperçois
que je n'ai en monnaie que 600, et ensuite des billets de 10000. Je
dis à la patronne, qui n'a pas la monnaie, que je vais tenter de la faire à la boulangerie à
côté. Impossible, il faudrait que j'achète plusieurs pains et
gâteaux ! Je reviens, les Ivoiriens me disent : « Pas
de problèmes, on va compléter les 200 manquants ». Sympa, non ?
La
panne d'électricité continue, les feux rouges ne fonctionnent pas,
et la circulation devient anarchique et klaxonnante aux
carrefours. En revenant, je passe devant un petit restaurant local
(maquis en dur) sur le boulevard. Quand je vois les prix (plat
principal à 2000 Francs CFA, soit 3 €), j'entre et m'installe. Je
suis seul à table, je commande un poisson avec attiéké (pour
changer). À la table voisine s'installe un type en costard-cravate,
je lui adresse la parole, on sympathise, il vient s'installer à ma
table. C'est un avocat d'affaires, prénom Wakiémé, petite
quarantaine. Il prend ses repas de midi ici. Quand je commande un
café, le serveur me dit qu'à cause de la panne d'électricité, qui
perdure, la machine à café ne fonctionne pas. Wakiémé me dit :
"Pas de problème, je vous emmène au
cabinet, j'ai une machine dans mon bureau !"
Et
nous voilà partis en voiture. Il m'emmène d'abord au Plateau, à la
Cour Suprême, où il récupère un dossier important. Puis nous
traversons le pont Charles de Gaulle pour arriver à Treichville, continuons
jusqu'à Marcory, un des quartiers "occidentaux" avec
une importante communauté française et de nombreux Libanais. Nous
nous arrêtons à la caserne des CRS, où il dépose son dossier.
Puis il me refait parcourir en sens inverse Treichville, le pont, le
Plateau et nous arrivons au quartier dit des Deux-Plateaux, où se
situe son cabinet, proche du Boulevard Latrille.
Le
cabinet est un bâtiment tout neuf, en excellent état, ils sont six
avocats, trois secrétaires et des assistants assez nombreux. Wakiémé
m'offre le café, avoue qu'il n'a encore jamais mis les pieds en
France, il parle pourtant un français impeccable, puis me
raccompagne à pied jusqu'au boulevard.
le Boulevard Latrille
Et je rentre à pied sous un
cagnard intense. Le temps est toujours le même, brumeux et lourd le
matin, plus ensoleillé et légèrement venteux l'après-midi, mais
toujours très chaud. Je découvre que le Boulevard Latrille est très
long, puisqu'il me faut parcourir environ 2,5 km vers le sud pour
retrouver la Tour Panoramique, où logent Pierryl et Lucile. Douche
immédiate. Il est 16 h, je prépare les fruits et le sucre pour la confiture que je ferai cuire demain
matin, puis les légumes pour le repas du soir, que je mets à
mijoter. Je me rhabille. Je donne un coup de fil à Samir. Il est à son cantonnement, aurait bien pris un café avec moi, mais ça ne sera pas possible. On restera en contact.
Pierryl
rentre. Il pense qu'on a le temps, avant le retour de Lucile, de
faire une partie de scrabble avec le jeu que je leur ai apporté. Il
fait deux scrabbles et m'écrabouille en marquant plus de 400
points ! Lucile arrive, nous mangeons rapidement, car il est
prévu d'aller au cinéma. Au cours du repas, Mohammed arrive,
portant les vêtements, que j'essaie. Pas de retouches à faire. Je
le paye : 15000 Francs CFA.
mon "costume"
Soirée cinéma dans un des deux cinémas commerciaux, situé dans un grand centre
commercial de Marcory. Superbe
salle. Prix prohibitifs pour le pays (environ 8 € la séance), et
film en v.o. sous-titrée, ce qui explique le faible nombre de
spectateurs. Pourtant le film sort en même temps qu'en France :
il s'agit d'Ave
César,
le film des frères Coen. Film curieux, qu'on regarde sans déplaisir, pourtant un peu
poussif à mon avis, ils m'avaient habitué à mieux.
22
février : Bonne nuit, chaude comme d'habitude... Après le
petit déjeuner, je fais cuire la confiture : le mélange mangue/ananas/papaye sera excellent, je crois.
Puis je pars récupérer mes nu-pieds chez le cordonnier. Ensuite je fais un tour pour me rafraîchir au café (je comprends que les Occidentaux prennent du bide à force de boire des bières, dans ce pays), je regarde les titres
des journaux : toujours le caïd "Chinois" (parfaitement ivoirien) qui fait la une. Je suis rentré manger à domicile. Sieste. Il fait
très chaud, j'avais plus ou moins prévu d'aller dans l'aprèm prendre le
bateau-bus pour aller jusqu'au terminus et retour pour faire toute la lagune, mais j'abandonne.
Lecture. Je me décide à refaire de la pâte à crêpes, afin d'achever le
lait entamé qui ne se conserverait pas, et aussi par gourmandise.
Nous
finissons donc la journée par une soirée crêpes, on goûte la confiture, puis partie de scrabble à trois. Lucile marque son premier scrabble et
gagne sans difficulté la partie ! Coucher tôt, car départ
demain pour l'intérieur du pays !
À
suivre...
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