samedi 19 mars 2016

19 mars 2016 : "J'ai trop kiffé le notaire !"


Parmi les satisfactions qu'il y a à atteindre un certain âge, on ne devrait pas oublier le privilège de pouvoir relire les livres après avoir eu le temps de les oublier, ce qui permet de ne pas se sentir complètement idiot.
(Alessandro Baricco, Une certaine vision des choses : cinquante livres que j'ai lus et aimés (2002-2012), trad. Vincent Raynaud, Gallimard, 2015)

Je suis évidemment entièrement d'accord avec l'auteur italien et, parmi les auteurs que je relis avec toujours beaucoup d'intérêt, il y a Molière. Avec, qui plus est, cette année le plaisir de le jouer. Ah ! ces Femmes savantes ! Nous en étions jeudi à notre septième réprésentation, la première en milieu scolaire. Voici quelques images d'une de nos représentations (photos Bernard Liégeois, que je remercie) :

 Acte 1, scéne 2
Henriette : Pour me tirer d'un doute où me jette ma sœur, 
Entre elle et moi, Clitandre, expliquez votre cœur.
 
Acte 2, scène 5
Martine : Hélas ! L'an dit bien vrai : 
Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, 
Et service d'autrui n'est pas un héritage.

Acte 2, scène 7 
Chrysale : Ma foi ! Si vous songez à nourrir votre esprit, 
C'est de viande bien creuse, à ce que chacun dit...
 
Acte 2, scène 9
Chrysale : C'est que pour gendre elle m'offre un autre homme.
Ariste : Un autre homme pour gendre !

Acte 3, scène 2
Bélise : Ah ! Le joli début !
Armande : Qu'il a le tour galant !

Acte 3, scène 2
Trissotin : Sur un carrosse de couleur amarante donné à une dame de ses amis

Acte 3, scène 3
Trissotin : Vos vers ont des beautés que n'ont point tous les autres.
Vadius : Les Grâces et Vénus règnent dans tous les vôtres.

Acte 3, scène 5
  Philaminte : J'ai donc cherché longtemps un biais de vous donner 
La beauté que les ans ne peuvent moissonner...

Acte 4, scène2
Clitandre : Il n'est plus temps, Madame : une autre a pris la place...

 
Acte 4, scène 3

 Trissotin : Le savoir garde en soi un mérite éminent.
Clitandre : Le savoir dans un fat devient impertinent.

Acte 5, scène 1
Trissotin : Le moyen que ce cœur puisse vous contenter ? 
Imposez-lui des lois qu'il puisse exécuter...
 
Acte 5, scène 3
Le notaire : Deux époux ! C'est trop pour la coutume !

Acte 5, scène 3
Martine : Si j'avais un mari, je le dis, 
Je voudrais qu'il se fît le maître du logis...
 
Acte 5, scène 4
Henriette : Je vous chéris assez dans cette extrémité, 
Pour ne vous charger point de notre adversité.
  
Paraît qu'un des élèves aurait dit à la sortie : « J'ai trop kiffé le notaire ! » Comme quoi, malgré le langage relevé de la pièce, des lycéens d'aujourd'hui arrivent à replacer Molière dans leur phrasé actuel : après tout, peut-être ont-ils aimé l'ensemble, même s'ils ont assez peu ri (sauf sur le notaire, justement). Les femmes savantes sont presque un drame domestique : deux sœurs (Armande et Henriette) amoureuses du même homme, un père (Chrysale) paralysé devant sa femme, mère tyrannique (Philaminte), une tante (Bélise) qui vit dans le délire perpétuel, deux « savants » (Trissotin et Vadius) ridicules, tout pourrait entraîner la tragédie. Seuls une servante (Martine), l'oncle (Ariste) et l'amoureux (Clitandre), grâce à leur robuste bon sens, arrivent à l'empêcher. Mais on pourrait écrire une suite...

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