Parmi
les satisfactions qu'il y a à atteindre un certain âge, on ne
devrait pas oublier le privilège de pouvoir relire les livres après
avoir eu le temps de les oublier, ce qui permet de ne pas se sentir
complètement idiot.
(Alessandro
Baricco, Une certaine vision des choses : cinquante
livres que j'ai lus et aimés (2002-2012),
trad. Vincent Raynaud, Gallimard, 2015)
Je
suis évidemment entièrement d'accord avec l'auteur italien et,
parmi les auteurs que je relis avec toujours beaucoup d'intérêt, il
y a Molière. Avec, qui plus est, cette année le plaisir de le
jouer. Ah ! ces Femmes savantes ! Nous en étions
jeudi à notre septième réprésentation, la première en milieu
scolaire. Voici quelques images d'une de nos représentations (photos Bernard Liégeois, que je remercie) :
Acte 1, scéne 2
Henriette :
Pour me tirer d'un doute où me jette ma sœur,
Entre elle et moi, Clitandre, expliquez votre cœur.
Entre elle et moi, Clitandre, expliquez votre cœur.
Acte 2, scène 5
Martine : Hélas !
L'an dit bien vrai :
Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage,
Et service d'autrui n'est pas un héritage.
Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage,
Et service d'autrui n'est pas un héritage.
Acte 2, scène 7
Chrysale : Ma foi ! Si vous songez à nourrir votre esprit,
C'est de viande bien creuse, à ce que chacun dit...
Chrysale : Ma foi ! Si vous songez à nourrir votre esprit,
C'est de viande bien creuse, à ce que chacun dit...
Acte 2, scène 9
Chrysale : C'est
que pour gendre elle m'offre un autre homme.
Ariste :
Un autre homme pour gendre !
Bélise :
Ah ! Le joli début !
Armande :
Qu'il a le tour galant !
Acte 3, scène 2
Trissotin :
Sur un carrosse de couleur amarante donné
à une dame de ses amis
Trissotin :
Vos vers ont des beautés que n'ont point tous les autres.
Vadius : Les
Grâces et Vénus règnent dans tous les vôtres.
Acte 3, scène 5
Philaminte : J'ai
donc cherché longtemps un biais de vous donner
La beauté que les ans ne peuvent moissonner...
La beauté que les ans ne peuvent moissonner...
Clitandre :
Il n'est plus temps, Madame : une autre a pris la place...
Trissotin :
Le savoir garde en soi un mérite éminent.
Clitandre :
Le savoir dans un fat devient impertinent.
Acte 5, scène 1
Trissotin :
Le moyen que ce cœur puisse vous contenter ?
Imposez-lui des lois qu'il puisse exécuter...
Imposez-lui des lois qu'il puisse exécuter...
Acte 5, scène 3
Le
notaire : Deux époux ! C'est trop pour la coutume !
Martine : Si
j'avais un mari, je le dis,
Je voudrais qu'il se fît le maître du logis...
Je voudrais qu'il se fît le maître du logis...
Henriette : Je
vous chéris assez dans cette extrémité,
Pour ne vous charger point de notre adversité.
Pour ne vous charger point de notre adversité.
Paraît
qu'un des élèves aurait dit à la sortie : « J'ai trop
kiffé le notaire ! » Comme quoi, malgré le langage
relevé de la pièce, des lycéens d'aujourd'hui arrivent à replacer
Molière dans leur phrasé actuel : après tout, peut-être
ont-ils aimé l'ensemble, même s'ils ont assez peu ri (sauf sur le
notaire, justement). Les femmes savantes sont presque un drame
domestique : deux sœurs (Armande et Henriette)
amoureuses du même homme, un père (Chrysale) paralysé devant sa femme,
mère tyrannique (Philaminte), une tante (Bélise) qui vit dans le
délire perpétuel, deux « savants » (Trissotin et
Vadius) ridicules, tout pourrait entraîner la tragédie. Seuls une
servante (Martine), l'oncle (Ariste) et l'amoureux (Clitandre), grâce
à leur robuste bon sens, arrivent à l'empêcher. Mais on pourrait écrire une suite...
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