je
n'en venais pas d'en être réduit à ce stade par un caprice du
destin.
(Amadou
Koné, Les
frasques d'Ebinto,
Hatier, 2010)
19
février : Chaleur
extrême. Réveillé à 7 h par la pluie qui claque sur le toit en
tôle ondulée. Après le petit déjeuner, je m'installe au bord de
la piscine. J'ai envie de ne rien faire, écrasé par le temps.
J'observe les lézards – des margouillats – qui tournent autour
de mon transatlantique.
mon petit ami
Vers dix heures, je m'habille et vais
visiter le Musée national du costume, presque en face de l'hôtel ;
un musée bien modeste. Le guide m'explique l'histoire de
Grand-Bassam, du gouvernorat, du travail forcé et de la servitude.
Maquettes d'habitat local, quelques costumes de chefferie. Des
agrandissements de photos anciennes montrent la brutalité de la
colonisation : par exemple, un officier français va au marché
se choisir des jeunes filles noires pour ses plaisirs.
À
midi, je vais au restaurant de l'hôtel côté plage, pour essayer
d'avoir un peu d'air. Je me fais harponner par des musiciens, à qui
je donne 2000 Francs CFA (3 euros), puis un jeune homme qui me propose des
bijoux de sa fabrication, faits avec des graines. Je lui en achète
un lot de quatre pour 5000 Francs CFA (8 euros). Je mange un capitaine
(poisson de mer), entier cette fois.
au fond, côté plage, le restaurant
Dans
l'après-midi, après la sieste, je me replonge dans la piscine, au
bord de laquelle je retrouve mon copain margouillat, vraiment peu
farouche.
Puis
je sors, me balade le long de la lagune. Je tombe sur une sortie
d'école, et les petits enfants me montrent du doigt en criant très
amicalement : "Le blanc ! Le blanc !"
Peu à peu la nuit tombe. Et apparaît Martial : il a la
quarantaine, a vécu en France, où il s'est marié et a eu une
fille. Sa femme française est morte dans un accident. Il a laissé
sa fille à ses beaux-parents et est revenu ici pour essayer de se
refaire une vie, avec ses économies de France : mais celles-ci
ont disparu dans un mauvais placement fait juste avant les événements
guerriers récents (2010/2011). Il squatte une des annexes d'un bâtiment
colonial ancien, où il m'entraîne pour que je voie comment il vit ;
aucun confort, même pas d'électricité. Son objectif serait de
réhabiliter le local, s'il avait de l'argent. Il me fait boire
l'apéro local, le koutoukou, eau-de-vie de palme dont j'avais entendu parler par mes
romans ivoiriens. Puis il propose de m'emmener manger dans un maquis au
centre ville.
Je
mange une carpe braisée avec de l'attiéké, c'est quatre fois moins cher
que dans les restaurants officiels. Martial me regarde manger,
continue à me raconter sa mouise, sa débine : il a l'air
sincère, mais tout ça n'est peut-être que des blagues qu'il débite
à chaque touriste aussi bête que moi. Il me fend tellement le cœur
que je lui donne mon dernier billet de 10000 Francs CFA. Il est renversé
de voir que je ne lui demande rien en échange. —
Dieu te bénisse », dit-il. Ce qui me rappelle le "God
bless you"
des matelots philippins. Chose qu'on ne dit plus en France... En
fait, ça me fait plaisir !
20
février : Au réveil, j'ai l'impression qu'il fait,
semble-t-il, un tout petit peu moins chaud. Ou bien est-ce mon corps
qui s'habitue ? Peut-être la nuit a-t-elle été ventilée
davantage que d'habitude ?
Il
me reste à attendre mes deux jeunes qui viennent me chercher. Un dernier
tour à la piscine, je reste un moment à observer les margouillats :
les lézards mâles sont très beaux ! Autour
de moi, j'aperçois un de ces couples qui m'évoque le tourisme
sexuel : homme blanc âgé, jeune femme noire (hier c'était
l'inverse, femme blanche âgée, jeune homme noir). J'observe l'hôtel. À Grand-Bassam, non seulement le
bourg colonial est délabré, mais les hôtels eux-mêmes sont défaillants.
Hier matin, une femme avait débarqué ici en clamant haut et fort
que l'autre hôtel où elle était était lamentablement tenu :
le climatiseur fuyait et il y avait une mare d'eau sur le parquet au
matin. Pourtant ces hôtels ont dû être jolis, neufs, en dépit de
l'usage du béton pour les murs et de l'absence d'isolation. Mais
leur entretien est difficile dans ce climat constamment chaud et
humide. Alors, on s'occupe de la pelouse et de la piscine, mais les murs
des bâtiments se dégradent à la vitesse grand V.
Dès
midi, je suis au bistrot à côté de l'hôtel, là où j'ai mangé
avant-hier soir. Là aussi, un margouillat se faufile entre mes
pieds, tandis que je bois une bière, tout en observant ce qui se
passe. Des jeunes gens et des jeunes filles passent et se lancent des
œillades : je suis frappé de la beauté de la population,
enfants et adolescents sont généralement très beaux, aussi bien
les garçons que les filles. On n'en voit pas de gros ni de
difformes. Ou ils se cachent. Par contre, en vieillissant, certains
se déforment (les femmes en particulier avec les grossesses
multiples) ou grossissent démesurément (les riches surtout :
être gros est ici un critère de réussite sociale). Par ailleurs,
pour l'instant, je n'ai pas aperçu le moindre mendiant (hors Martial si on peut le qualifier ainsi) ! Ce qui
me change de Paris...
sur la route
Pierryl
et Lucile finissent par arriver et nous partons vers Assinie, situé
à une quarantaine de km plus à l'est en allant vers le Ghana. La
route est assez bonne. Nous traversons des villages, passons près
d'une plantation d'hévéas. Une fois à Assinie, bourgade en bord de
mer, nous quittons la route bitumée pour une piste en latérite qui,
à travers les cocotiers et les villas riches, nous mène au Kamé,
l'hôtel où ils ont retenu deux chambres. Pierryl est un adepte du
body-surf et l'hôtel est spécialisé en ce domaine, avec moniteurs
et cours d'apprentissage dans les rouleaux de vagues.
le body surfeur
Maillot
de bain, et tandis que Pierryl va faire son sport, Lucile et moi, à
tour de rôle, allons nous rafraîchir dans la mer. Inutile de dire
qu'ici, la plage est nettoyée, du moins devant l'hôtel. Le soir, au
restaurant, nous mangeons du capitaine avec de l'alloko, c'est-à-dire
des bananes plantain frites. Repas troublé par un rodéo
de quads et de motos sur la plage : les jeunes Libanais en quads
et les jeunes Ivoiriens en moto, semble-t-il.
le puits
21
février : En descendant prendre le petit déjeuner, je constate
qu'il y a un puits dans la cour de l'hôtel et qu'un employé y puise
de l'eau dans un seau. Petit déjeuner copieux.
Lucile et Pierryl vont se baigner, pendant que je range mes affaires
et ma chambre. Ensuite, Pierryl va faire une sortie de
body-surf, et moi je vais me tremper une dernière fois. Car on doit
quitter l'hôtel et libérer nos chambres.
Vers
midi, nous reprenons l'auto pour aller déjeuner dans un maquis
qu'ils connaissent, en bord de mer, à environ 3 km de piste. Non
loin de là, l'ex-club Méditerranée, un des premiers construits (où
fut tourné Les bronzés), est complètement en ruine, en
attendant un repreneur. Nous mangeons du poulet bicyclette (= local, car transporté à bicyclette pour être vendu au marché) en
kedjénou (sauce tomate), accompagné d'attiéké, d'alloko et
d'ignames frites. Une heure d'attente, en dégustant une bière. Puis
Lucile et moi faisons une promenade sur la plage jusqu'au fameux Club
méd. Beaux bateaux de pêcheurs, souvent ghanéens. Là encore,
énormément de plastique et de détritus encombrent le sable...
Puis
c'est le retour. La route est bordée de nombreux petits marchands.
Nous nous arrêtons pour acheter des ananas, mangues et papayes, car
Lucile veut que je leur fasse de la confiture. Les
abords d'Abidjan sont bordés de km de bidonvilles. Nous faisons un
arrêt dans un supermarché pour acheter du sucre pour la confiture,
du lait pour faire des crêpes. Soirée crêpes donc : c'est moi
qui les fait, j'en sucre une douzaine, les autres seront garnies de
poireau (pour moi), de fromage et bacon (pour eux).
À suivre...
À suivre...
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