mardi 8 mars 2016

8 mars 2016 : Côte d'Ivoire : 19-21 février : bords de mer


je n'en venais pas d'en être réduit à ce stade par un caprice du destin.
(Amadou Koné, Les frasques d'Ebinto, Hatier, 2010)


19 février : Chaleur extrême. Réveillé à 7 h par la pluie qui claque sur le toit en tôle ondulée. Après le petit déjeuner, je m'installe au bord de la piscine. J'ai envie de ne rien faire, écrasé par le temps. J'observe les lézards – des margouillats – qui tournent autour de mon transatlantique. 
mon petit ami
Vers dix heures, je m'habille et vais visiter le Musée national du costume, presque en face de l'hôtel ; un musée bien modeste. Le guide m'explique l'histoire de Grand-Bassam, du gouvernorat, du travail forcé et de la servitude. Maquettes d'habitat local, quelques costumes de chefferie. Des agrandissements de photos anciennes montrent la brutalité de la colonisation : par exemple, un officier français va au marché se choisir des jeunes filles noires pour ses plaisirs.
À midi, je vais au restaurant de l'hôtel côté plage, pour essayer d'avoir un peu d'air. Je me fais harponner par des musiciens, à qui je donne 2000 Francs CFA (3 euros), puis un jeune homme qui me propose des bijoux de sa fabrication, faits avec des graines. Je lui en achète un lot de quatre pour 5000 Francs CFA (8 euros). Je mange un capitaine (poisson de mer), entier cette fois.
au fond, côté plage, le restaurant
Dans l'après-midi, après la sieste, je me replonge dans la piscine, au bord de laquelle je retrouve mon copain margouillat, vraiment peu farouche.
Puis je sors, me balade le long de la lagune. Je tombe sur une sortie d'école, et les petits enfants me montrent du doigt en criant très amicalement : "Le blanc ! Le blanc !" Peu à peu la nuit tombe. Et apparaît Martial : il a la quarantaine, a vécu en France, où il s'est marié et a eu une fille. Sa femme française est morte dans un accident. Il a laissé sa fille à ses beaux-parents et est revenu ici pour essayer de se refaire une vie, avec ses économies de France : mais celles-ci ont disparu dans un mauvais placement fait juste avant les événements guerriers récents (2010/2011). Il squatte une des annexes d'un bâtiment colonial ancien, où il m'entraîne pour que je voie comment il vit ; aucun confort, même pas d'électricité. Son objectif serait de réhabiliter le local, s'il avait de l'argent. Il me fait boire l'apéro local, le koutoukou, eau-de-vie de palme dont j'avais entendu parler par mes romans ivoiriens. Puis il propose de m'emmener manger dans un maquis au centre ville.
Je mange une carpe braisée avec de l'attiéké, c'est quatre fois moins cher que dans les restaurants officiels. Martial me regarde manger, continue à me raconter sa mouise, sa débine : il a l'air sincère, mais tout ça n'est peut-être que des blagues qu'il débite à chaque touriste aussi bête que moi. Il me fend tellement le cœur que je lui donne mon dernier billet de 10000 Francs CFA. Il est renversé de voir que je ne lui demande rien en échange. Dieu te bénisse », dit-il. Ce qui me rappelle le "God bless you" des matelots philippins. Chose qu'on ne dit plus en France... En fait, ça me fait plaisir !

20 février : Au réveil, j'ai l'impression qu'il fait, semble-t-il, un tout petit peu moins chaud. Ou bien est-ce mon corps qui s'habitue ? Peut-être la nuit a-t-elle été ventilée davantage que d'habitude ?
Il me reste à attendre mes deux jeunes qui viennent me chercher. Un dernier tour à la piscine, je reste un moment à observer les margouillats : les lézards mâles sont très beaux ! Autour de moi, j'aperçois un de ces couples qui m'évoque le tourisme sexuel : homme blanc âgé, jeune femme noire (hier c'était l'inverse, femme blanche âgée, jeune homme noir). J'observe l'hôtel. À Grand-Bassam, non seulement le bourg colonial est délabré, mais les hôtels eux-mêmes sont défaillants. Hier matin, une femme avait débarqué ici en clamant haut et fort que l'autre hôtel où elle était était lamentablement tenu : le climatiseur fuyait et il y avait une mare d'eau sur le parquet au matin. Pourtant ces hôtels ont dû être jolis, neufs, en dépit de l'usage du béton pour les murs et de l'absence d'isolation. Mais leur entretien est difficile dans ce climat constamment chaud et humide. Alors, on s'occupe de la pelouse et de la piscine, mais les murs des bâtiments se dégradent à la vitesse grand V.
Dès midi, je suis au bistrot à côté de l'hôtel, là où j'ai mangé avant-hier soir. Là aussi, un margouillat se faufile entre mes pieds, tandis que je bois une bière, tout en observant ce qui se passe. Des jeunes gens et des jeunes filles passent et se lancent des œillades : je suis frappé de la beauté de la population, enfants et adolescents sont généralement très beaux, aussi bien les garçons que les filles. On n'en voit pas de gros ni de difformes. Ou ils se cachent. Par contre, en vieillissant, certains se déforment (les femmes en particulier avec les grossesses multiples) ou grossissent démesurément (les riches surtout : être gros est ici un critère de réussite sociale). Par ailleurs, pour l'instant, je n'ai pas aperçu le moindre mendiant (hors Martial si on peut le qualifier ainsi) ! Ce qui me change de Paris...
sur la route
 Pierryl et Lucile finissent par arriver et nous partons vers Assinie, situé à une quarantaine de km plus à l'est en allant vers le Ghana. La route est assez bonne. Nous traversons des villages, passons près d'une plantation d'hévéas. Une fois à Assinie, bourgade en bord de mer, nous quittons la route bitumée pour une piste en latérite qui, à travers les cocotiers et les villas riches, nous mène au Kamé, l'hôtel où ils ont retenu deux chambres. Pierryl est un adepte du body-surf et l'hôtel est spécialisé en ce domaine, avec moniteurs et cours d'apprentissage dans les rouleaux de vagues.
le body surfeur 
Maillot de bain, et tandis que Pierryl va faire son sport, Lucile et moi, à tour de rôle, allons nous rafraîchir dans la mer. Inutile de dire qu'ici, la plage est nettoyée, du moins devant l'hôtel. Le soir, au restaurant, nous mangeons du capitaine avec de l'alloko, c'est-à-dire des bananes plantain frites. Repas troublé par un rodéo de quads et de motos sur la plage : les jeunes Libanais en quads et les jeunes Ivoiriens en moto, semble-t-il.
le puits
 
21 février : En descendant prendre le petit déjeuner, je constate qu'il y a un puits dans la cour de l'hôtel et qu'un employé y puise de l'eau dans un seau. Petit déjeuner copieux. Lucile et Pierryl vont se baigner, pendant que je range mes affaires et ma chambre. Ensuite, Pierryl va faire une sortie de body-surf, et moi je vais me tremper une dernière fois. Car on doit quitter l'hôtel et libérer nos chambres.
Vers midi, nous reprenons l'auto pour aller déjeuner dans un maquis qu'ils connaissent, en bord de mer, à environ 3 km de piste. Non loin de là, l'ex-club Méditerranée, un des premiers construits (où fut tourné Les bronzés), est complètement en ruine, en attendant un repreneur. Nous mangeons du poulet bicyclette (= local, car transporté à bicyclette pour être vendu au marché) en kedjénou (sauce tomate), accompagné d'attiéké, d'alloko et d'ignames frites. Une heure d'attente, en dégustant une bière. Puis Lucile et moi faisons une promenade sur la plage jusqu'au fameux Club méd. Beaux bateaux de pêcheurs, souvent ghanéens. Là encore, énormément de plastique et de détritus encombrent le sable...
Puis c'est le retour. La route est bordée de nombreux petits marchands. Nous nous arrêtons pour acheter des ananas, mangues et papayes, car Lucile veut que je leur fasse de la confiture. Les abords d'Abidjan sont bordés de km de bidonvilles. Nous faisons un arrêt dans un supermarché pour acheter du sucre pour la confiture, du lait pour faire des crêpes. Soirée crêpes donc : c'est moi qui les fait, j'en sucre une douzaine, les autres seront garnies de poireau (pour moi), de fromage et bacon (pour eux). 

À suivre... 

 

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