dimanche 6 mars 2016

6 mars 2016 : Côte d'Ivoire : 15-16 février : découverte d'Abidjan


Anougba : Ceux qui vont à la vitesse de la flèche veulent toujours aller de plus en plus vite. Parce qu'ils ne savent pas vers quoi ils courent, volent.
(Amadou Koné, Le respect des morts, Hatier, 2002)

Je repensais à cette belle réplique pendant mon voyage en avion. Encore celui-ci fut-il, à l'aller, à l'aéroport de Casablanca et après l'escale, l'occasion de belles rencontres. J'avais lu à Toulouse la belle pièce de théâtre de Koné, achetée chez Présence africaine à Paris.
D'abord, dans le hall de transit, je discute avec des Français retraités qui, eux, partent vers Dakar, où ils se sont fait construire une maison. Ils y vivent définitivement, ont un titre de résident et ne reviennent en France que pour voir leurs enfants et petits-enfants. Ils n'ont qu'une hâte : repartir, me disent-ils. Je ressens pour eux "cette même fraternité vague qui nous émeut à l'étranger à la vue d'un Français" dont parle Marcel Proust dans Les plaisirs et les jours.
Ensuite, la nuit tombe quand nous montons dans l'avion pour Abidjan. Toujours avec Royal Air Maroc et en Boeing. Nous sommes très bien servis par le personnel de bord. Mon voisin est un militaire Marocain, Samir, qui participe à la force d'interposition en Côte d'Ivoire, l'ONUCI. Il est marié, père de deux enfants. Nous sympathisons, il est désolé de voir son fils d'une dizaine d'années passer le plus clair de son temps sur sa Playstation... Je compatis ! Nous échangeons nos adresses mail. Il m'enverra un mail, et je lui téléphonerai d'Abidjan sans pouvoir cependant le revoir.
Je n'aurai pas l'outrecuidance de dire qu'après deux semaines, je connais la Côte d'Ivoire comme ma poche. Je ne peux que livrer des impressions, en utilisant mon journal de bord. Et d'abord sur Abidjan.

15 février : 
Pierryl, qui s'est fait arracher une dent de sagesse pendant que je dormais encore, ne travaille donc pas ce matin ; il me propose de sortir dans le coin, faire connaissance du quartier dit Cité des arts. En voulant enfiler mes nu-pieds je me rends compte que la semelle est complètement pourrie, j'ai pris les vieux. Il me dit que les cordonniers ici sont très bien. Pierryl m'emmène au petit marché du quartier, où on vend des fruits et légumes (on achète bananes, mangue et papaye), me montre la petite supérette à côté (indispensable pour faire la monnaie des billets de 10 000 Francs CFA) et le cordonnier à qui je donne mes chaussures à réparer. Je vois qu'il faut faire très attention en marchant, des plaques de béton manquent sur les grosses rigoles qui charrient les eaux de pluie. On peut se casser une jambe si on ne regarde pas où on met les pieds. On voit de ci-de là de gros oiseaux blancs, des pique-boeufs, qui farfouillent dans les détritus nombreux. Des bouts de plastique partout. Grosse chaleur.
Après manger, il me dépose au Plateau, le quartier central situé sur sa route, où je veux voir l'Institut français et la grande Librairie pour essayer de trouver un plan d'Abidjan. Et essayer aussi d'acheter des nu-pieds, car les miens ne seront prêts que samedi prochain. Je me balade donc dans le quartier, préférant les trottoirs à l'ombre. Je m'arrête à l'Institut français, ouvert, mais la bibliothèque est fermée le lundi. À la Librairie de France, je cherche en vain un plan, ça n'existe plus. Coïncidence, sur le compte rendu de son voyage actuel au Pérou de mon ami Jean (de Lyon, rencontré sur le cargo en 2013), il me signale : "Je me suis mis en quête d'acheter une carte routière du Pérou, mission impossible pour le moment, grandes librairies, stations services, rien n'y fait, produit totalement inconnu ici, surprenant".
Je continue ma promenade, croise de nombreux petits marchands de rue proposant téléphones portables, ceintures de cuir, montres, porte-monnaies, clés USB, caleçons, socquettes, et même des cigarettes à l'unité, etc. J'entre dans une boutique pour acheter des nu-pieds : les tennis m'échauffent cruellement, je les réserverai pour les randonnées en montagne que Lucile me propose pour la semaine prochaine. Tout le monde a l'air affairé. Je suis le seul "Blanc" à marcher à pied. 
 
Pour essayer de trouver un peu de fraîcheur, j'avise un petit parc. La chaleur est la même. Un groupe de musulmans, installés sur des tapis de prière, fait ses dévotions. Plus loin, un conteur (en langue locale) capte l'attention d'un public masculin très attentif. Je croise des collégiens et lycéens en uniforme. Puis je me dirige, toujours à pied, vers la cathédrale d'Abidjan, récemment restaurée, car elle avait subi des dégradations pendant les « événements » des années 2000. Réalisée par l'architecte italien Aldo Spirito, c'est un joyau élancé vers le ciel, très épuré, très lumineux à l'intérieur, où il fait plus frais, sans climatisation, signe qu'elle est bien conçue.

Car dehors, la chaleur est accablante. J'avais envisagé de rentrer à pied (environ 2, 5 km), mais la circulation est très dense sur ces grands axes, et en plein soleil. Je prends donc un taxi.
Première nuit : Il y a un climatiseur dans la chambre que Lucile et Pierryl ont mis à ma disposition, mais je l'éteins en même temps que la lumière. Et préfère, en cours de nuit, quand je me réveille, ouvrir fenêtre et porte pour établir un courant d'air bienvenu. Tout de même, la température nocturne reste à 28° !

16 février : 
À midi, Pierryl débarque pour manger. Je ne savais pas (ils partent travailler avant mon réveil), j'avais mis à cuire quelques pâtes, on achève les lentilles d'hier avec des œufs au plat. Sa joue a désenflé, il n'a plus aussi mal.
L'après-midi, comme Pierryl m'avait dit d'acheter du pain et indiqué qu'il y a une boulangerie près de l'église Saint-Jean de Cocody, à environ 1 km de chez eux, je décide d'y aller, et toujours à pied, seul moyen de voir la population et de prendre le pouls de la vie citadine. Grosse chaleur, bien entendu : le seul avantage, c'est que, comme on sue beaucoup, on n'a pas besoin de pisser, ce qui est toujours ma hantise dans les grandes villes.
Seul "Blanc" en vue ! Je passe à côté de l'immeuble de la RTI (Radio-Télévision Ivoirienne), bien gardé. Je découvre le marché de Cocody et ses innombrables petits marchands, soit installés dans des un lacis de cases et sur la place, soit sous des éventaires le long du trottoir du boulevard Latrille, soit vendeurs à la sauvette qui tentent de harponner les passants.
Je finis par découvrir l'église, sans y entrer, puis la fameuse boulangerie, appartenant à un Libanais (ils sont assez nombreux dans le commerce ici). Tout à côté, je repère un cybercafé. Mais, assommé par la chaleur, je rentre me mouiller sous une douche rapide.
Le soir, Pierryl et Lucile m'emmènent en voiture (Pierryl a une voiture de fonction qu'il peut utiliser pour son usage personnel) dans un nouveau quartier, tout au bout du Boulevard Latrille, à environ 2,5 km de chez eux : Blockosso. Imaginez une dédale de cases, souvent de petits commerces, débouchant sur la lagune. Nous nous installons dans un maquis (= restaurant africain souvent en plein air) au bord de l'eau. Pierryl a commandé du poulet braisé aux oignons accompagné d'attiéké (semoule de manioc). Ici, les choses se commandent à une des cuisinières tenant son commerce dans le coin ; elle vient nous apporter la commande au maquis au bout de trois quarts d'heure environ. En attendant, nous buvons de la bière pour nous rafraîchir. Nous sommes dans la nuit abidjanaise. Il fait chaud, mais c'est plus supportable qu'en plein soleil. Le plat arrive, on nous apporte un seau d'eau, car nous mangeons à l'africaine, avec les doigts, qu'il faut donc rincer de temps en temps. C'est succulent ! Paraît toutefois qu'il ne faut pas abuser d'attiéké, très constipant.
En sortant du maquis, Pierryl et Lucile me font repérer la gare lagunaire de Blockhosso, d'où on peut prendre un bateau-bus pour traverser la lagune et aller à Treichville, où Lucile m'a dit que je pourrai acheter du tissu dans le grand marché couvert. C'est qu'Abidjan est une ville lagunaire comme Venise, et que le bateau-bus est un moyen commode et efficace (et plus frais) de se déplacer d'un quartier à l'autre, d'autant plus qu'il n'y a que trois ponts et une circulation automobile énorme.

À suivre...


PS : depuis mon aventure de Melbourne, je m'abstiens de prendre des photos de gens !

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