Aller,
venir, prévoir, projeter, s'inquiéter pour des conneries, s'agiter
pour des broutilles, batailler dans le relationnel... quant à
l'essentiel, aucune
nouvelle !
(Jean-Pierre
Georges, L'éphémère dure toujours)
Je
parlais de chances ces derniers jours ; j'ai eu encore la chance
de pouvoir faire une nouvelle vadrouille – de nouveau en voiture,
car je faisais un circuit assez compliqué – pour rendre visite à
la famille (mon frère en Dordogne, première étape),
puis aux vieux amis de Poitiers (Georges et Odile), pour faire un
détour jusqu'à Puilboreau près de La Rochelle, voir l'ami S. en
convalescence après un infarctus, et terminer enfin par l'arrêt de
Saintes, où m'attendait un repas colombien.
En
effet, mes jeunes protégés Alejandra et Juan Camilo avaient préparé
deux plats de leur pays et avaient aussi invité trois autres
personnes de l'association « Chorale humanitaire » qui
les a fait venir en France. Nous avions à peine commencé à manger
de délicieux petits croissants de farine de maïs, fourrés de purée
de pommes de terre et de viande hachée, que s'est joint à nous
Edwin, un des trois Colombiens que nous hébergeâmes à Poitiers, Claire et moi,
pendant l'année scolaire 2007/2008. Il est resté en France, il a
réussi le concours d'entrée au CFMI de Poitiers, a obtenu son diplôme d'université de musicien intervenant, et
est donc devenu musicien intervenant dans les écoles. L'adolescent
que j'avais connu s'est mué en un jeune homme déjà mûri par
l'exil ("l'exil
est l'exil. Ici et là-bas. Jamais en vain nous ne fûmes exilés et
nos exils ne sont passés en vain",
écrivait Mahmoud Darwich dans Au
dernier soir sur cette terre).
Contents mutuellement de nous revoir.
Diplôme d'université de musicien intervenant
Diplôme d'université de musicien intervenantet est donc devenu
musicien intervenant dans les écoles. L'adolescent que j'avais connu
s'est mué en un jeune homme déjà mûri par l'exil ("l'exil
est l'exil. Ici et là-bas. Jamais en vain nous ne fûmes exilés et
nos exils ne sont passés en vain",
écrivait Mahmoud Darwich dans Au
dernier soir sur cette terre).
Contents mutuellement de nous revoir.
Tous
trois se sont mis à interrompre le repas par un petit concert :
Alejandra à la flûte traversière, Edwin à la guitare et Juan
Camilo au cor et aux percussions. Une belle sonate de Carl-Emmanuel
Bach a préludé à trois airs colombiens, dont deux chantés par
Edwin, les deux autres faisant chœur aux refrains. Magnifique. Puis
nous avons continué par une montagne de riz préparée à la
colombienne, avec tomate, oignon, blanc de poulet, saucisse et autres
ingrédients que je n'ai pas forcément décelés. J'étais sous le
charme du concert quasi improvisé (car ils n'avaient pas répété !).
La Chorale humanitaire ne pouvant plus les aider, Juan Camilo et Alejandra
doivent maintenant venir s'installer à Bordeaux, trouver un logement et un job
d'étudiant (garde d'enfants, McDo, etc...) pour continuer leurs études musicales. En
attendant de trouver, je les ai invités à « squatter »
chez moi. Ce sera plus simple de chercher en étant sur place que de
Saintes par internet. Juan Camilo va donc arriver prochainement, Alejandra plus
tard, quand elle reviendra d'un stage de musique qu'elle va faire
près d'Avignon. Voilà donc du remue-ménage en perspective pour les
prochaines semaines.
Juan Camilo, à droite et deux de ses amis de passage à Bordeaux
L'accueil,
il n'y a que ça de vrai ; c'est, avec le don, une des seules
façons d'élargir notre vie – même si cette dernière reste
étriquée et bornée, ne serait-ce que parce que nous sommes
mortels... Mais mon amie Léone m'a indiqué un possible chemin :
ne pas laisser sur le bord de la route ceux que nous pouvons aider.
Elle le fait encore à 93 ans, et j'en serais incapable à 67 !!!
Diantre ! Je ne veux pas qu'on dise de moi : "Propriété
privée. Privée, oui : d'humanité, de cœur, d'intelligence"
(Marie-Sabine Roger, Attention
fragiles,
tiens, Monique, voilà un roman pour tes élèves de collège, et
peut-être un auteur à faire venir, paraît qu'elle habite dans les
Cévennes, pas loin de chez toi).
Et, pour couronner ma vadrouille, ce matin, vers Saint-Genis de
Saintonge, j'aperçois un auto-stoppeur, espèce devenue rare de nos
jours. Je me suis souvenu de mes pérégrinations de jeunesse, tout autant que du fait que Mathieu utilise
ce moyen ces temps-ci en Allemagne et en Suède. Je n'allais donc pas
laisser passer l'occasion, d'autant que ma voiture était loin d'être
pleine. Ce jeune homme en provenance de Vendée, 21 ans, partait vers
le Portugal, avec sac à dos, tente, duvet, etc., en solo. Je l'ai
amené jusqu'à la sortie sud de Bordeaux en direction de Bayonne
(hors autoroute ; j'avais bien fait de rester sur la nationale
en sortant de Saintes, j'ai évité les embouteillages, économisé
près de 10 € de péage et sans doute dépensé moins d'essence).
Nous avons discuté tout du long – paraît que tout le monde
(copains, parents) le prend pour un fou de faire une chose
pareille... Tout le monde, mais pas moi : mais rassurez-moi,
peut-être suis-je fou ?
Et
là, dans ces actes, ne trouvé-je pas l'essentiel,
l'humain d'abord ? La rencontre inter-générationnelle, le
partage, même momentané, d'un instant de vie (aussi important pour
lui que pour moi), l'ouverture vers autrui que me mentionnait Léone,
et qui nous donne au moins l'illusion d'exister. Quant à ce jeune
homme, il fait un
vrai voyage,
il ne s'est pas enfermé dans sa voiture (il a laissé la sienne en Vendée, jugeant qu'il se lançait ainsi, avec l'auto-stop, dans une aventure), il est parti à la
rencontre des hommes, le seul programme de vie qui mérite notre
considération.
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