J’ai
voulu écrire mon journal, l’envie de dormir m’en a empêché
D’ailleurs,
des événements d’une journée, lequel noter,
lequel
laisser de côté, j’ai toujours du mal à en juger
(Shuntarô
Tanikawa, L’ignare,
trad. Dominique Palmé, Cheyne, 2014)
Il
y a des jours plus propices aux rencontres avec
des inconnus ou quasi-inconnus que
d’autres... Le destin ? Le hasard ? L’inattendu ?
Le monde est finalement plus riche de possibilités qu’on ne le
croit. Seule la pantalonnade électorale écœurante
actuelle (qui me fait
regretter de ne pas être sur un cargo pour n’en rien savoir)
pourrait nous faire croire le
contraire.
Ainsi,
en l’espace de deux jours, j’ai rencontré Sonja et Guilhem, deux
randonneurs cyclistes catalans heureux, de retour d’un parcours de
13 000 km qui les a emmenés de Barcelone jusqu'au sultanat d’Oman à
travers l’Europe et le Moyen-Orient, participé
à une nouvelle réunion des Amis de l’Utopia 33, revu
Grégory,
le "fiancé"
landais rencontré en
2012 lors de mon voyage à Tanger (voir
mon blog du 5 mars 2012),
enfin marié et qui
m’a présenté sa femme marocaine et son bébé, et découvert
l’artiste cinéaste Simon Quéheillard venu présenter ses œuvres.
Une arrivée colorée
C’est
par le site Warmshowers, qui permet de mettre en relation les
randonneurs cyclistes et des hébergeurs potentiels, que Sonja et
Guilhem ont abouti chez moi, après
un retour d’Oman par avion.
Je suis inscrit sur le site depuis 2014, mais c’est seulement cette
année que j’ai hébergé mes premiers cyclo-randonneurs, Tony en
janvier, et les deux Catalans lundi 6 mars. Dans les deux cas, ce fut
mémorable. Mes deux Catalans
(29 et 31 ans) ne manquent pas de force : leurs vélos
surchargés de bagages pèsent autour de 50 kgs (un peu plus pour
Guilhem, un peu moins pour Sonja), et
les transporter par avion est une épreuve.
Après les avoir installés chez moi, je leur ai fait manger les
reliefs du festin familial de la veille, puis les ai promener à la
découverte de la ville, où nous sommes allés à pied, et pendant
qu’ils sont rentrés préparer le repas du soir, je suis allé à
la réunion des Amis de
l’Utopia 33 où, à défaut
de refaire le monde, nous espérons mettre en place une aide
ponctuelle à l’animation de ce petit complexe cinématographique
d’excellente qualité.
Un festin pour l'hôte !
En
rentrant en V3 (le vélib bordelais), je n’ai eu qu’à mettre les
pieds sous la table et à déguster l’honorable tortilla catalane
accompagnée de toasts préparés par mes deux invités. J’apprends
que de tous les pays visités lors de leur périple, le préféré
fut l’Iran, où l’accueil populaire fut formidable, aussi bien
chez l’habitant que pour planter leur tente. Comme quoi la
propagande occidentale médiatique anti-iranienne est à prendre avec
des pincettes. Ils vont rentrer à Barcelone en longeant la Garonne
puis le Canal du Midi jusqu’à Carcassonne, se reposer quelques
mois, puis repartir visiter cette l’Asie centrale musulmane (les
ex-républiques soviétiques ouzbèkes, turkmènes, kirghizes et
tadjikes). Leur site internet est en construction. Et, mardi matin,
après ma séance de kiné, je les ai raccompagnés à vélo jusqu’au
Pont de pierre pour leur dire au revoir... Qui sait ?
devant le Monument des Girondins
Depuis
2012, j’avais perdu de vue Grégory et ses problèmes matrimoniaux.
Mais j’ai le privilège qu’on aime garder mon contact, et il y a
trois semaines, il m’a téléphoné pour me dire qu’il serait
ravi de me revoir et de me présenter sa petite famille. Chose faite
donc depuis hier : ils sont venus à Bordeaux pour le
renouvellement de la carte de séjour de Khadija – les arcanes de
l’administration sont toujours aussi effrayants de lourdeur et de
suspicion, heureusement qu’ils ont fait un enfant, car on le
soupçonnerait de mariage blanc !
– et je les ai invités à déjeuner à la maison, vu le temps
assez maussade qu’il faisait. Le bébé de onze mois, levé tôt,
et qui n’avait guère dormi depuis, était assez grognon, mais tout
s’est bien passé. Les retrouvailles ont été suffisamment
fécondes pour qu’ils m’invitent à leur rendre visite à Lubbon,
où ils habitent... Qui
sait ?
De commencements en commencements
(image du film, cop blog de l'artiste)
Quant
à Simon Quéheillard, venu présenter ses trois courts métrages Le
travail du piéton (où des
plans fixes nous montrent la bouche d’un escalator : des
objets intrusifs, bouts de plastiques, cartons, cannettes, bouteilles
en plastique, verres, viennent perturber à peine le passage des
piétons), Maître-Vent,
où le cinéaste, placé en bord de route s’efforce de de mettre en
place des objets empilés (cartons, plastique, bois, parapluies) que
les courants d’air engendrés par la circulation font vaciller puis
voler, et De commencements et commencements (qui pourrait s'intituler De catastrophe en catastrophe), où des objets tombés
du ciel perturbent la marche d’un piéton impassible sur les trottoirs d'une ville sans habitants. Ces films
d’artiste font montre d’un sens du burlesque proche du cinéma
muet ancien (Keaton, Laurel et Hardy, Chaplin) et m’ont paru d’une
étonnante qualité visuelle (aucun dialogue, plans fixes, bande
sonore très élaborée) : j’étais scotché devant cette
poésie en images. Près de cent personnes assistaient à cette
séance exceptionnelle. Peut-être
reverrai-je cet artiste... Qui sait ?
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