le
danger, élément indispensable de tout voyage digne de ce nom. Parce
que le plaisir, me suis-je dit, s'accommode toujours du plaisir
d'avoir peur. Et la peur est fantastique, surtout la peur de tomber
sur quelque chose de bizarre, d'étrange, de non familier, peut-être
même de nouveau.
(Enrique
Vila-Matas, Impressions de Kassel,
trad. André Gabastou, C. Bourgois, 2014)
Diable, il flotte sur Sidney !
SYDNEY
24
février : 33°57 de latitude S, 151°11 de longitude E :
nous sommes sur le quai de Sydney. Il est déjà 16 h. Formalités
administratives, passeports, etc. Temps lourd et pluvieux. La ville semble
éloignée, pas envie de sortir ! D'ailleurs, Jean-Guy non plus.
Même en écarquillant les yeux, on ne voit pas Sydney !
À 17 h 30, René descend à terre : quel courage de se balader
tout seul ici, alors qu'il ne parle pas un mot d'anglais. Je lui
souhaite une bonne continuation. Il
est remplacé par Bruno, un très mince, né en 1944. Depuis une
douzaine d'années, me dit-il, il passe quatre mois d'hiver à
visiter le monde en cargo.
un cargo voisin à quai
(on voit bien, en jaune, le système empêchant les rats de monter, mais toutes les aussières n'en ont pas !)
Ainsi,
la première partie du voyage est finie : quarante-quatre jours sont passés,
il en reste environ quarante-cinq ou six, d’après Bruno, qui donne comme date
prévue d'arrivée au Havre le 10 avril. Est-ce que je vais trouver à
nouveau que ça fait trop court ? Et nous quittons Sydney sous la pluie !
Approches de Melbourne : montagnes de bord de mer et grand SOLEIL !
MELBOURNE
26
février : 37°48 de latitude S, 144°54 de longitude E.
Melbourne. La température semble meilleure, beau temps. 11 h 30,
plus de quatre heures après notre arrivée, les services
d'immigration ne sont toujours pas passés. On n'entre pas en
Australie comme dans un moulin ! Déjà, à Sydney, René
n'avait pas pu quitter le bord avant 17 h 30, alors que nous étions
arrivés à 13 h, si mes souvenirs sont bons. En fait, on n'a pas
besoin de refaire les papiers, on pourra sortir près manger.
Près du Seafarers's Club, les gratte-ciel
Sitôt
après le repas, nous sommes donc partis, prenant d'abord la navette
jusqu'au poste de garde de la sortie du port, puis la navette du
Seafarer's Club, qui nous a déposés devant le club, en plein centre
ville. Là, nous avons trouvé en libre service la wi-fi et des
ordinateurs. Bien qu'ayant emporté mon note-book, comme je n'avais
pas préparé de message, j'ai préféré utiliser un des
ordinateurs, pour envoyer un petit message collectif, élaguer les
messages inutiles...
les beaux trams
Puis
chacun a visité Melbourne à sa manière. J'étais plus ou moins à
la recherche de marchands de journaux, pour trouver de la presse
française. Rien ! J'ai donc baguenaudé, photographiant les
gratte-ciels, les trams, et les curiosités qui s'offraient à moi,
dont des sculptures. L'une d'elle, située sous des ponts de voies
rapides franchissant la rivière, derrière la gare, représentait
une ancre. J'avais bien vu que sous les piles du pont, des filles SDF
dormaient, accompagnées de chiens. Je continue mon chemin lorsqu'une
furie me poursuit en me criant je ne sais quoi. Je ne comprenais pas.
Elle m'a pris à partie, bientôt rejointe par une deuxième ;
j'étais sur le chemin longeant la rive, aucun piéton à l'horizon.
J'aurais dû rester côté gare, où il y avait beaucoup de monde !
De
type asiatique, vingt-cinq ans environ (mais elle en avait peut-être
plus), elle se met en position d'attaque style arts martiaux. Et,
tout en continuant à gueuler, toujours la même phrase
incompréhensible, elle me balance un coup de pied sur la hanche et
un coup de poing dans la figure, manquant de peu de me casser les
lunettes. Je sors mon sac à dos et me fais menaçant comme si
j'allais l'utiliser comme arme, pour essayer de l'éloigner. Des
piétons arrivent, j'en profite pour m'éclipser au plus vite vers la
rue et la foule quelques dizaines de mètres plus loin.
la rivière, où j'ai failli être balancé !
Bruno,
à qui je raconte ma mésaventure et qui me voit saigner – le coup
de poing a heurté mes lunettes qui ont écorché la peau du nez –
me dit : « Tu sais, rien ne dit que les passants seraient
intervenus ! » Je croyais qu'elles voulaient peut-être de
l'argent. Mais un peu plus loin, en essayant de comprendre le sens de
ce qu'elles avaient dit, qui tenait en quelques mots répétés au
moins vingt fois, j'ai soudain saisi qu'elle me disait :
« Delete the picture » (efface la photo), mais prononcé
à la chinoise, donc difficile à comprendre. Revoyant la photo, je
vois bien à l'arrière-plan les sacs de couchage, un chien, mais en
tout petit, car j'étais assez loin. Ce qu'on voit, c'est la
sculpture. Moyennant quoi, j'ai saigné du nez et je vais avoir un
coquard. Je vais avoir du mal à ressortir seul ! Si maintenant
même les femmes s'y mettent... La gamine était étonnamment souple
et musclée, vindicative, comme dans certains films chinois que j'ai
vus : du Bruce Lee au féminin !
la photo du litige : sous les arches, des SDF allongés
Plus
de peur que de mal, car j'étais au bord de la rivière, et j'ai
senti que pour un peu elles allaient me foutre à l'eau ! Je me
souviendrai de Melbourne. Et
dire que je venais de lire il y a peu ce vers d'isabelle Jan :
"le temps est
révolu des mauvaises rencontres"
(Des colères et autres intempéries, Tarabuste, 2012) !
un beau coquard (le lendemain)
Mais
promis, je ne me baladerai plus tout seul... Même si mon coquard a
disparu au bout de deux jours ! Et je ferai attention avant de prendre une photo !
Les voyages forment la vieillesse !!!
PS : j'avoue avoir un peu hésité avant de reproduire les extraits de mon journal concernant l'incident de Melbourne, de peur de décourager de futurs voyageurs. Mais après tout, tout ça fait partie de la vie. On ne peut pas s'enfermer tout le temps. Et ce type de voyage est par lui-même extrêmement sûr : seules les escales présentent des risques... exceptionnels ! Le plus souvent, tout se passe bien.
PS : j'avoue avoir un peu hésité avant de reproduire les extraits de mon journal concernant l'incident de Melbourne, de peur de décourager de futurs voyageurs. Mais après tout, tout ça fait partie de la vie. On ne peut pas s'enfermer tout le temps. Et ce type de voyage est par lui-même extrêmement sûr : seules les escales présentent des risques... exceptionnels ! Le plus souvent, tout se passe bien.
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