lundi 27 avril 2015

27 avril 2015 : cargo 2015 : 6 - escales 3, Australie


le danger, élément indispensable de tout voyage digne de ce nom. Parce que le plaisir, me suis-je dit, s'accommode toujours du plaisir d'avoir peur. Et la peur est fantastique, surtout la peur de tomber sur quelque chose de bizarre, d'étrange, de non familier, peut-être même de nouveau.
(Enrique Vila-Matas, Impressions de Kassel, trad. André Gabastou, C. Bourgois, 2014)

Diable, il flotte sur Sidney !

SYDNEY
24 février : 33°57 de latitude S, 151°11 de longitude E : nous sommes sur le quai de Sydney. Il est déjà 16 h. Formalités administratives, passeports, etc. Temps lourd et pluvieux. La ville semble éloignée, pas envie de sortir ! D'ailleurs, Jean-Guy non plus. 
Même en écarquillant les yeux, on ne voit pas Sydney !
À 17 h 30, René descend à terre : quel courage de se balader tout seul ici, alors qu'il ne parle pas un mot d'anglais. Je lui souhaite une bonne continuation. Il est remplacé par Bruno, un très mince, né en 1944. Depuis une douzaine d'années, me dit-il, il passe quatre mois d'hiver à visiter le monde en cargo.
un cargo voisin à quai 
(on voit bien, en jaune, le système empêchant les rats de monter, mais toutes les aussières n'en ont pas !)
   Ainsi, la première partie du voyage est finie : quarante-quatre jours sont passés, il en reste environ quarante-cinq ou six, d’après Bruno, qui donne comme date prévue d'arrivée au Havre le 10 avril. Est-ce que je vais trouver à nouveau que ça fait trop court ? Et nous quittons Sydney sous la pluie !

Approches de Melbourne : montagnes de bord de mer et grand SOLEIL !

MELBOURNE
26 février : 37°48 de latitude S, 144°54 de longitude E. Melbourne. La température semble meilleure, beau temps. 11 h 30, plus de quatre heures après notre arrivée, les services d'immigration ne sont toujours pas passés. On n'entre pas en Australie comme dans un moulin ! Déjà, à Sydney, René n'avait pas pu quitter le bord avant 17 h 30, alors que nous étions arrivés à 13 h, si mes souvenirs sont bons. En fait, on n'a pas besoin de refaire les papiers, on pourra sortir près manger.
Près du Seafarers's Club, les gratte-ciel
Sitôt après le repas, nous sommes donc partis, prenant d'abord la navette jusqu'au poste de garde de la sortie du port, puis la navette du Seafarer's Club, qui nous a déposés devant le club, en plein centre ville. Là, nous avons trouvé en libre service la wi-fi et des ordinateurs. Bien qu'ayant emporté mon note-book, comme je n'avais pas préparé de message, j'ai préféré utiliser un des ordinateurs, pour envoyer un petit message collectif, élaguer les messages inutiles...
les beaux trams
Puis chacun a visité Melbourne à sa manière. J'étais plus ou moins à la recherche de marchands de journaux, pour trouver de la presse française. Rien ! J'ai donc baguenaudé, photographiant les gratte-ciels, les trams, et les curiosités qui s'offraient à moi, dont des sculptures. L'une d'elle, située sous des ponts de voies rapides franchissant la rivière, derrière la gare, représentait une ancre. J'avais bien vu que sous les piles du pont, des filles SDF dormaient, accompagnées de chiens. Je continue mon chemin lorsqu'une furie me poursuit en me criant je ne sais quoi. Je ne comprenais pas. Elle m'a pris à partie, bientôt rejointe par une deuxième ; j'étais sur le chemin longeant la rive, aucun piéton à l'horizon. 
J'aurais dû rester côté gare, où il y avait beaucoup de monde !
De type asiatique, vingt-cinq ans environ (mais elle en avait peut-être plus), elle se met en position d'attaque style arts martiaux. Et, tout en continuant à gueuler, toujours la même phrase incompréhensible, elle me balance un coup de pied sur la hanche et un coup de poing dans la figure, manquant de peu de me casser les lunettes. Je sors mon sac à dos et me fais menaçant comme si j'allais l'utiliser comme arme, pour essayer de l'éloigner. Des piétons arrivent, j'en profite pour m'éclipser au plus vite vers la rue et la foule quelques dizaines de mètres plus loin. 
la rivière, où j'ai failli être balancé !  
Bruno, à qui je raconte ma mésaventure et qui me voit saigner – le coup de poing a heurté mes lunettes qui ont écorché la peau du nez – me dit : « Tu sais, rien ne dit que les passants seraient intervenus ! » Je croyais qu'elles voulaient peut-être de l'argent. Mais un peu plus loin, en essayant de comprendre le sens de ce qu'elles avaient dit, qui tenait en quelques mots répétés au moins vingt fois, j'ai soudain saisi qu'elle me disait : « Delete the picture » (efface la photo), mais prononcé à la chinoise, donc difficile à comprendre. Revoyant la photo, je vois bien à l'arrière-plan les sacs de couchage, un chien, mais en tout petit, car j'étais assez loin. Ce qu'on voit, c'est la sculpture. Moyennant quoi, j'ai saigné du nez et je vais avoir un coquard. Je vais avoir du mal à ressortir seul ! Si maintenant même les femmes s'y mettent... La gamine était étonnamment souple et musclée, vindicative, comme dans certains films chinois que j'ai vus : du Bruce Lee au féminin !
la photo du litige : sous les arches, des SDF allongés
Plus de peur que de mal, car j'étais au bord de la rivière, et j'ai senti que pour un peu elles allaient me foutre à l'eau ! Je me souviendrai de Melbourne. Et dire que je venais de lire il y a peu ce vers d'isabelle Jan : "le temps est révolu des mauvaises rencontres" (Des colères et autres intempéries, Tarabuste, 2012) !

un beau coquard (le lendemain)
Mais promis, je ne me baladerai plus tout seul... Même si mon coquard a disparu au bout de deux jours ! Et je ferai attention avant de prendre une photo ! 
Les voyages forment la vieillesse !!! 

PS : j'avoue avoir un peu hésité avant de reproduire les extraits de mon journal concernant l'incident de Melbourne, de peur de décourager de futurs voyageurs. Mais après tout, tout ça fait partie de la vie. On ne peut pas s'enfermer tout le temps. Et ce type de voyage est par lui-même extrêmement sûr : seules les escales présentent des risques... exceptionnels ! Le plus souvent, tout se passe bien.

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