Ces
gens, qui suppliaient leur Dieu de leur accorder un miracle, ne
s'étonnaient pas du miracle d'être en vie.
(Marguerite
Yourcenar, Suite d'estampes pour Kou-Kou-Haï, in En
pèlerin et en étranger)
Ces
derniers jours, je suis allé au théâtre, voir deux spectacles
radicalement différents. D'abord vendredi soir, grâce au système
On va sortir (sans quoi je n'aurai même pas eu connaissance
de l'existence de cette représentation, et n'aurai pas bénéficié
du tarif de groupe), l'Andromaque de Racine, rebaptisée
Andromaque 1043, au Théâtre Jean Vilar d'Eysines (15 km en
tout, aller-retour à vélo, je me le suis gagné à l'énergie
musculaire ce théâtre-là). Ensuite, aujourd'hui dimanche, une
opérette au Théâtre Fémina de Bordeaux, L'auberge du cheval
blanc. Là, j'avais pris mon billet depuis deux mois, en sachant
que je risquais fort d'être déçu, depuis mes expériences au
Capitole de Toulouse dans les années 70.
Il
faut savoir que je n'ai aucun préjugé d'aucune sorte contre aucun
type de spectacle (sauf les parcs d'attraction). Au cinéma, j'ai
toujours aimé les films d'aventure, de cape et d'épée, les
péplums, les westerns, les policiers, ainsi que les comédies
burlesques. Si j'en vois moins aujourd'hui, c'est que le western
aussi bien que le burlesque ou le cinéma de cape et d'épée sont
quasiment morts, les péplums et les films d'aventure proposés en 3D
(très peu pour moi, je tiens à mes yeux et n'ai aucune envie de
payer un supplément de 2 ou 3 euros selon les cinémas). Au théâtre,
je n'ai rien contre le boulevard, s'il est bon (avouons que c'est
assez rare), ni contre l'opérette (si elle n'est pas mise en scène
et jouée avec vulgarité)... Je suis très bon public, pourvu que je
trouve de l'humanité dans ce que je vois !
J'ai
énormément apprécié la nouvelle vision d'Andromaque remise
au goût du jour, avec de la vidéo (les personnages secondaires, les
confidents : Pylade, Cléone, Céphise, Phœnix, sont en voix
off, ou apparaissent sur des écrans vidéo géants) ce qui actualise
le sujet en le transportant dans notre monde moderne : les
costumes sont modernes, sur la vidéo, des images de guerre d'Irak
sont censées montrer la guerre de Troie et ses horreurs. Donc quatre
acteurs seulement, les principaux : Oreste, qui aime Hermione,
qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque. Et puis l'enfant, Astyanax, le
fils de cette dernière et d'Hector, rôle muet, mais présent, alors
que chez Racine, il est en coulisse. Mise en scène au cordeau, avec
un Denis Lavant excellent en Pyrrhus, sorte de despote oriental, type
Kadhafi. Très belle soirée, avec un public inter-âges, de douze à
quatre-vingts ans, mais beaucoup de jeunes. Évidemment,
il valait mieux connaître ou avoir lu Andromaque avant de
venir. Mais j'ai été frappé par la clarté de la langue de Racine,
toujours très accessible, 347 ans après la première.
Même
chose pour l'opérette : il valait mieux la connaître – et
bien – avant de venir. C'était mon cas (je l'ai si souvent
entendue sur disque que je la connais quasiment par cœur), ainsi que
d'une large frange du public, cette fois très âgé : avec mes
68 ans, je faisais figure de petit jeunot. De très nombreux
octogénaires. Et quelques enfants égarés ici, et qui avaient
vraiment l'air égaré, ne comprenant pas grand-chose à l'action.
Car une bonne partie du chant n'était pas audible (pas de fosse
d'orchestre, et des micros et des baffles n'arrangeaient rien), les
chanteurs étant souvent couverts par la musique, et une part du
dialogue nous échappait aussi, d'autant plus que les
acteurs-chanteurs, en roue libre, improvisaient de temps à autre. Ça
donnait donc un spectacle plaisant, mais sans plus : décors
corrects, figuration indigente (six danseuses, huit choristes). La
dame à côté de moi m'a tiré du sac à mains son programme de
L'auberge du cheval blanc, dernière programmation au
Grand-Théâtre, en 1955 ! Avec Luc Barney (Léopold) et Jack
Claret (Célestin), comme sur le disque que nous avions dans notre
jeunesse. Ici, l'artiste qui interprétait Célestin, immense, plus
haut de 30 cm que sa partenaire, a chanté excellemment On a
l'béguin pour Célestin, une de mes chansons préférées
et que je fredonne souvent.
La troupe salue
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