Il
ne faut pas attendre que les écrivains soient morts pour leur jeter
des fleurs.
(Ray
Lorega, introd. à Rodrigo Fresán, Histoire argentine, trad.
Isabelle Gugnon, Seuil, 2012)
Je
crois bien qu'il ne faut pas attendre non plus que les professeurs
soient morts « pour leur jeter des fleurs ». Certes,
depuis une bonne vingtaine d'années, les divers ministres qui
passent cherchent à leur faire faire de plus en plus mal leur métier – dans
l'espérance, selon moi, d'une privatisation définitive de
l'enseignement, car là aussi, comme dans la santé ou les
transports, il y a des profits juteux attendus par d'avides actionnaires. Et tant pis si sont
laissés sur le carreau des tas de jeunes, non seulement sans la
moindre instruction, mais même sans les simples bases de la lecture,
de l'écriture et du calcul. Un retour au XIXe
siècle et même à l'Ancien Régime, me semble programmé.
En
attendant, il y a encore des profs extraordinaires. Mme Cervoni, celle qui
enseigne le français dans une classe d'accueil à Paris, et que l'on
peut voir dans La cour de
Babel, le beau
documentaire de Julie Bertuccelli, est de la trempe des « hussards »
de la IIIe
République. Dans cette classe qui accueille des nouveaux arrivants
venus d'une vingtaine de pays des quatre continents, il faut être
inventif, attentif au plus haut point ; car chaque élève a sa
particularité. Les uns sont venus pour échapper aux néo-nazis de
Serbie, d'autres pour fuir un pays où règne l'excision pour les
jeunes filles, certains pour rejoindre des membres de la famille déjà
là, ou pour trouver un bon maestro au Conservatoire de musique. Les
uns sont en famille, d'autres seulement avec le père ou la mère ou
une tante. Bref, tout ce monde étant réuni, comment faire
fonctionner le groupe, assurer l'apprentissage nécessaire de la
langue dans ce qui va être leur nouveau pays ?
Ici,
aucun manichéisme, aucun angélisme non plus. On montre bien les
difficultés d'intégration, les peurs, la solitude, les joies aussi ou les
contradictions de ces jeunes partagés entre deux mondes. Mais au
bout d'une heure et demi, on est convaincu que oui, il faut des
classes de ce genre, et oui, il y faut des enseignants exceptionnels,
capables d'une empathie formidable pour s'adapter au formidable défi
qui se présente devant eux : croire en l'avenir, alors que tant
d'entre nous sont défaitistes. Moi le premier parfois !!! Le
film marche bien, a du succès, et je m'en réjouis ; certes, il
n'atteindra pas les cimes de Supercondriaque
ou de Fiston.
Mais au moins, on n'a pas l'impression d'avoir jeté l'argent par la
fenêtre.
Il
faut voir ces jeunes s'embrasser et pleurer à la fin de l'année
scolaire qui restera, pour beaucoup d'entre eux, une des plus belles
de leur vie.
Comment, vous ne l'avez pas encore vu ? Qu'est-ce que vous attendez ?
Comment, vous ne l'avez pas encore vu ? Qu'est-ce que vous attendez ?
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