C'est
tarte, les souvenirs, ce sont des bandelettes, ils vous momifient.
(Violette
Leduc, La femme au petit renard, Gallimard, 1965)
À
peine rentré à Bordeaux, le soleil a disparu, ce qui n'empêche pas
un pic de pollution terrible : transports en commun gratuits
jusqu'à demain inclus ! Je vais donc en profiter pour aller en ville
en tram, gratuité dont j'ai déjà pu bénéficier hier en revenant
de la gare. Finalement, j'ai préféré reprendre le vélo, prévoyant
que, comme hier, le tram serait surchargé.
Quel
petit bilan de ces six jours de Pézenas ? C'est vraiment un
festival sympa ; pas de prix à distribuer, mais quelques
thématiques. La principale cette année était le Mexique, avec des
cinéastes du patrimoine (Buñuel,
Emilio Fernández,
le russe S. M. Eisenstein et son extraordinaire film inachevé, Que
viva Mexico !,
que je n'avais jamais vu), mais aussi des contemporains : Carlos
Reygadas (nous avons vu, de cet esthète, ensemble Bataille
dans le ciel,
Mathieu seul Lumière
silencieuse) ;
Carlos carrera (Le
crime du père Amaro,
d'après un célèbre roman portugais) ; Nicolás
Echevarría
(Cabeza
de Vaca,
qui se passe au moment de l'invasion par les conquistadors) ;
José Luis Valle (Workers,
qui décrit la vengeance froide des exploités) ; Pedro
Gonzales-Rubio (Alamar,
très bel apprivoisement d'un jeune garçon de sept ans avec son père
et son grand-père) ; Rodrigo Plá
(La
zona,
terrifiante description des résidences ultra sécurisées, où les
riches se croient à l'abri des pauvres, mais vivent enfermés et
crèvent de peur) ; Claudia Sainte-Luce (Les
drôles de poissons-chats,
qui sortira bientôt, et que je recommande vivement : un film
sur le deuil et l'adoption de toute beauté et d'une grande
humanité), Michel Franco (Daniel
et Ana,
qui traite directement de la violence et de la sexualité
contrainte). Le cinéma mexicain est éblouissant, d'une très riche
description des tares de la société (violence, machisme, empreintes
de la religion, séparation des classes sociales), et d'une qualité
visuelle étonnante. Apparemment, ils ont des écoles de cinéma qui
forment tous les cinéastes d'Amérique latine...
Les
autres films étaient tout aussi intéressants, nous avons vu
Violette,
ce qui nous a donné envie de lire Violette Leduc : chose faite avec le seul de ses livres trouvé sur place, La femme au petit renard. Quant au film
pakistanais Noor,
qui sortira bientôt, il est stupéfiant à tous points de vue :
c'est l'histoire d'un eunuque (Khusra) élevé pour être un
transgenre efféminé, et qui voudrait bien devenir un homme et
trouver une femme qui l'acceptera tel qu'il est. J'ignorais qu'on
fabriquait encore des castrats dans le monde d'aujourd'hui (comme
chez nous en Italie du XVIe
au XVIIIe
siècle). Un film très humain aussi. Il y avait aussi les documentaires de Christian Rouaud et ceux de Régis Sauder, mais il fallait faire des choix et j'ai préféré assurer sur le Mexique.
le buste de Molière, dans le théâtre
Pézenas
(Pagnol disait : « si Jean-Baptiste Poquelin est né à
Paris, Molière est né à Pézenas ») garde les traces de son
prestigieux passé : plusieurs musées, beaux hôtels
particuliers, et un magnifique théâtre, restauré dans l'ancienne
chapelle des Pénitents noirs, qui était une des deux salles de
projection. On y a joué avant guerre des opéras et opérettes. J'ai même
rencontré une vieille dame dont le père était concierge du théâtre
et qui a participé à La
Bohème
de Puccini (qu'elle connaissait par cœur), les chanteurs locaux complétant, pour les petits rôles, les artistes venus de Paris ou de
Monte Carlo. À près de quatre-vingt-dix ans,
elle possédait encore un beau filet de voix, soprano.
Je
reviendrai à Pézenas... si je ne suis pas momifié par mes souvenirs !
Une des peintures mexicaines, sur papier d'amate, exposée à la Médiathèque
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