Marcher
sur l'eau n'est certes pas facile
mais
escalader des épis
qui
brillent au soleil
c'est
encore autre chose.
Or,
pour y parvenir,
il
suffit de promener le regard
et
feindre d'être vent
ou
papillon.
(Harry
Martinson, Le livre des cent poèmes, Cénomane, 2013)
Sous
le magnifique titre Résidence terre, Odile Caradec vient de
publier, aux éditions Odile Verlag, une anthologie très
personnelle, en édition bilingue français-allemand. Eh oui, mon
amie Odile est plus connue en Allemagne qu'en France, c'est le
paradoxe de la poésie et des poètes, que personne ne lit en France.
Odile Caradec (Photo Lise Beaubeau)
Je
vous livre un florilège de quelques-uns des poèmes de ce recueil,
vraiment passionnant, concret, charnu, vif, pétillant...
Ne
rien rater par soleil rayonnant
se
fondre dans la splendeur de l’herbe
dans
la terre qui vibre et flamboie
Être
un humain complet
Réservoir
d’oxygène
pour
tout le sang du monde
Je
vais passer ce jour en compagnie d’une fleur
d’hibiscus
Inaudible
le bruit du sang dans une assemblée
d’hommes
* * *
Ô
LUNE
On
m’a permis de m’appeler Odile
de
commencer mon nom par un grand O
vide
Qu’aurais-je
mis dedans sinon des cerceaux
et
des ronds de chapeau?
On
m’a vue faisant partout des ronds dans l’eau
Ce
n’était pas photogénique
Je
retrouve tout dret les boniments
où
l’on parle de soi en versification prolunaire
et
s’endormant quasi
entre
les branches débonnaires
des
grands matous que sont les arbres cervicaux
Avec
le gros derrière de la lune
On
fait des voiles nuptiaux
Tant
pis si tout cela pète
Sur
la mer des tempêtes
* * *
LE
MAGNIFIQUE
J‘ai
traversé la rade de Brest avec Saint-Pol Roux1
Cape
et chapeau magnifiaient l’Atlantique
Je
n’étais qu’une petite fille sans cervelle
ne
savais de la poésie qu’un ou deux noms
Nous
avons pris le car du Fret à Camaret
mais
ne me souviens pas s’il m’a parlé
L’essentiel
c’est le manteau noir
de
ma mémoire
* * *
Je
voudrais voir des quantités de gros poèmes
bouger comme des lustres
Un
poème fait de cette sorte
n'a rien d'un encensoir
il ressemblerait plutôt
à une épée de feu
Et
moi qui ai mal aux articulations
à force de me rouler
dans l'herbe humide
j'ai besoin d'un poème acupuncteur
1 Saint-Pol-Roux,
poète breton (1861-1940).
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