L’ignorant attend toujours le fruit de ses actions. Il pense : « Je fais ceci, la récompense m’en revient ». Tandis que le sage agit sans aucun attachement, animé du seul désir, naturel, de protéger les êtres ; car lui connaît le soi.
(Le Mahâbhârata conté selon la tradition orale par Serge Demetrian, Albin Michel, 2011)
Je viens d’achever la lecture du Mahâbhârata, l’une des deux grandes épopées indiennes, l’autre étant le Râmâyana, que j’avais lu il y a quelques années. Bien entendu dans une adaptation en langue française, et contée comme seuls les conteurs savent faire. Je n’oublie de lire régulièrement des contes, et depuis une quinzaine d’années, depuis que je suis entré dans cette antichambre de la mort qu’est la retraite, je me suis mis à lire de grands poèmes épiques, antiques (L’Énéide), médiévaux (La Chanson de Roland), ou renaissants (Roland furieux), en attendant de reprendre une lecture de L’Iliade et de L’Odyssée. J’ajouterai que j’ai lu aussi La Divine comédie, que je considère également comme une épopée.
Ça m’enchante, comme toutes les œuvres classiques et comme peu de livres récents arrivent à le faire. Donc, comme poème du mois, je vous propose des extraits à tonalité poético-philosophique de la version oralisée que propose Serge Demetrian, comme il avait fait aussi avec le Râmâyana que je vous recommande aussi.
Celui qui demeure satisfait dans le Soi
Et rejette les désirs qui affectent l’esprit,
Celui-là s’appelle établi-dans-la-Connaissance.
Il est dépourvu du moindre attachement,
Il ne se réjouit pas de ce qui est plaisant,
Il est établi-dans-la-Connaissance.
[…]
Si l’homme s’attarde aux objets des sens,
l’attachement à ceux-ci se fait jour d’ici peu ;
De cet attachement naît la convoitise ;
celle-ci, frustrée, engendre la colère.
De la colère provient l’égarement,
c’est-à-dire le manque de discernement.
L’égarement affaiblit le mémoire,
d’où l’oubli des enseignements qui aident
à suivre la voie de la Vertu.
Le déclin de la mémoire ruine la raison,
qui discerne entre bien et mal.
Si la raison défaille, l’homme se prive
de toute aspiration vers le divin :
Cet homme est perdu !
[…]
Celui-là connaît la paix,
Qui s’approche des objets
En se contrôlant lui-même,
Sans amour et sans haine.
Pour celui-là, la fin de ses maux
Réside toujours dans la paix ;
Car la raison, dominant sa pensée,
Devient vite établie-dans-la-Connaissance.
L’homme dépourvu de stabilité
Ignore la sagesse et la méditation ;
Et qui ne médite pas n’arrive pas à la paix.
Comment pourrait-il atteindre le bonheur ?
La pensée affaiblie et soumise aux sens
Qui sautillent d’un objet à l’autre,
Cette pensée égare le jugement de l’homme,
Comme le vent qui emporte un bateau mal conduit.
Il atteint la paix, au contraire,
Celui qui reçoit, sans se troubler, tous les désirs
Comme l’océan les rivières ;
L’océan accueille les eaux de toutes parts
Et cependant demeure inchangé.
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