Est-ce étrange qu’on puisse rire, s’amuser, être joyeux avec cette éternelle certitude de la mort ?
(Sylvie Blotnikas, Maupassant, Octave et moi, L’Harmattan, 2022)
Hier a été inhumée Huguette K., ma voisine de la Tour Mozart, dont elle était partie en 2019 pour rejoindre un EHPAD tout proche. Depuis son départ, j'allais passer près d'elle un après-midi par semaine. Je lui racontais ma vie, mes rencontres, mes joies, mes peines, mes vagabondages et déplacements. Depuis notre rencontre, en 2013 je crois, on s'était peu à peu apprivoisés, et je ne me voyais pas l'abandonner comme ça, sous prétexte qu'elle était coincée dans son EHPAD.
De fait, les confinements de 2020 ont été très durs pour elle. Nous n'avions plus le droit d'entrer dans la maison de retraite où les mourants ne pouvaient même pas revoir leurs proches une dernière fois et s'éteignaient dans une solitude terrible Je donnais à Huguette des rendez-vus téléphoniques ; je lui disais qu'à 15 h je passerai sur le chemin derrière la clôture, et si elle pouvait sortir de sa chambre et se mettre côté parc où il y avait une table de camping et deux chaises, elle pourrait nous apercevoir et on pourrait se dire bonjour, voire papoter un peu à distance.
Ma sœur Maryse, qui a passé le confinement chez moi, est venue aussi et a fait sa connaissance. Une fois le confinement venu, elle a décidé de rencontrer Huguette et d'aller aussi la voir une fois par semaine. Ainsi, à nous deux, nous passions deux après-midis par semaine avec Huguette (sauf quand j'étais en vagabondage en France pour voir des amis ou de la famille), et ce jusqu'à la semaine dernière. Depuis deux mois déjà, sa santé avait beaucoup décliné. Je me demandais à chaque passage si je ne la voyais pas pour la dernière fois.
Repose en paix, Huguette ! Comme pour mes vieux amis de Poitiers, Georges et Odile, disparus en 2021 et 2022, dont on parlait beaucoup ensemble de leur vivant, tu as été quelqu'un de très important pour moi, et j'espère t'avoir apporté un peu de réconfort dans tes dernières années. Tu m"auras appris à me familiariser avec les EHPAD où, depuis quelque temps, je suis devenu bénévole, en tant que visiteur de personne isolée ou lecteur pour des petits groupes. Je n'ai plus peur de vieillir, on peut encore se rendre utile ! Apporter un peu de sourire, un peu de joie, un peu de souffle d'air venant de l'extérieur. Je ne m'en croyais pas capable, mais oui, et je dirais volontiers que nous le pouvons tous.
L'EHPAD qui hébergeait Huguette

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