vendredi 1 novembre 2013

1er novembre 2013 : diversité du cinéma

               tu passes ton chemin : tu es inaccessible.
               (Georges Perec, Un homme qui dort)



            Ben voilà, je vais quitter Montpellier pour rejoindre l'homme des bois, mon ami des années 70, le berger de l'Ardèche, ses cabanes, ses bêtes (chèvres, chiens, chats, lamas, vaches, poules, chevaux...) sa vie simple (titre du film documentaire qui lui est consacré et qui va sortir l'an prochain), et le plein air après quelques jours en ville... Le festival Cinéméd s'est terminé pour moi en apothéose, avec trois excellents films. 



               C'est eux les chiens, du Marocain Hicham Lasri (qui devrait être distribué en France en février prochain) raconte l'histoire d'un homme de soixante ans qui sort de trente ans (oui, 30, vous avez bien lu, on l'y avait oublié !) de prison : il avait été raflé en 1981, lors des grandes grèves. Tout le monde le croit mort et il a d'ailleurs sa tombe au cimetière des martyrs ! Mais il veut revoir sa femme et ses enfants. Il est pris en charge par une équipe de télévision, lasse de faire du micro-trottoir pendant les manifestations de 2011 à Casablanca. Le malheureux, qui a oublié son nom, et ne répond qu'au matricule 404, va peu à peu se dévoiler pour faire l'objet d'un reportage télé un peu plus consistant que des flashes de trente secondes. Mais le Maroc a changé en trente ans. Ses anciens amis "révolutionnaires" sont morts ou ont tourné leur veste... Quant à sa famille, je vous laisse le soin de voir le film pour savoir comment il sera reçu ! Il m'a profondément ému, l'acteur est prodigieux.



            Tante Hilda ! de Jean-Rémy Girerd (celui de La prophétie des grenouilles) et Benoît Chieux, est un dessin animé intelligent (oui, oui, ça existe, il n'y a pas que les Turbo et Cie), original : une sorte de conte écologique qui m'a enchanté, d'une causticité féroce, mais dénoncer les multinationales qui sont en train d'assassiner la terre de notre planète semble tellement nécessaire, autant que de dénoncer les marchands d'armes. Bien sûr, les auteurs ne visent pas un public infantilisé, et donc il aura un succès bien moindre que les disneyeries et autres pixareries auxquels nos chers petits sont addicts. Mais ici, puisque je lis la biographie de Méliès, nous sommes dans l'artisanat, dans la fantaisie et dans l'art. C'est très beau, à cent lieues des laideurs habituelles. Un régal pour les yeux ! Pour les oreilles (belle musique, voix de Sabine Azéma et de Josiane Balasko). Et pour l'esprit...

                Quant à Mohammad sauvé des eaux, de l'Égyptienne Safaa Fatty, documentaire tourné sur sept ans de 2004 à 2010, et complété (manifs de la place Tahrir en 2011) après la mort de Mohammad en juin 2010, c'est une sorte de biographie familiale sur le frère de la réalisatrice, victime d'une insuffisance rénale grave, dialysé et qui n'a pu bénéficier d'une greffe. On le suit donc, très affaibli déjà par les dialyses et leurs effets secondaires (ostéoporose, fatigue...), dans des promenades sur le Nil ou en ville, dans des conversations familiales, à l'hôpital. 



 Une image du film, promenade sur le Nil

                Mohammad, formidable, sait qu'il va mourir (il ne veut pas qu'on lui raconte des mensonges ou qu'on lui cache des choses), et il prépare ses proches, notamment son fils Mahmoud, adolescent fragile, à son départ. Chemin faisant, la réalisatrice fait le procès de l'Égypte de Moubarak, de la pollution responsable de la hausse vertigineuse des personnes en insuffisance rénale, du système médical obsolète et de la bureaucratie. C'est passionnant, et bien sûr, ça a évoqué pour moi des souvenirs encore proches. J'ai bien peur que ce film ne sorte pas en salle en France, mais il passera un jour à la télévision : ne le ratez pas !

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