Maintenant
que tu es mort ami bien-aimé
me
manque un peu la terre et un peu le toit
(Alda
Merini, Après tout même toi,
Oxybia, 2009)
Ce
mois-ci, ce ne sera pas un texte littéraire que je publie, mais un
extrait de textes d'Albert Jacquard. En effet, le grand scientifique,
dont j'ai longtemps écouté le billet quotidien sur France culture,
fait partie de ces intellectuels qui vont de plus en plus nous
manquer pour penser le monde, et non pas seulement le subir. Il vient
de mourir et on n'en a pas suffisamment parlé. Je tenais donc à lui
rendre hommage, notamment avec ces deux textes sur la décroissance :
"Le
mot croissance à lui seul est le signe d'une véritable supercherie,
contre laquelle l'enseignement prémunissait autrefois les
adolescents préparant le certificat d'études. Le programme scolaire
mettait alors en garde contre l'évolution exponentielle. Les élèves
comprenaient qu'un franc placé à 3% à l'époque de Hugues Capet
représentait, dix siècles plus tard, une fortune fabuleuse
supérieure à la totalité des avoirs des humains ! Ils
savaient donc qu'un tel processus ne pouvait être durable. […]
Ceux qui prêchent la croissance sont aussi néfastes que les dealers
répandant leurs drogues. [...] Reste à développer tout ce qui
n'affecte pas la Terre : il se trouve, quelle chance !, que
c'est le cas des activités qui nous apportent le plus de
satisfaction : la convivialité, la recherche, la création,
l'éducation, la lutte contre les maladies. Dans ces domaines, nous
pouvons sans limite exiger plus de notre commune humanité. Nous
pouvons l'imaginer consciente des contraintes que la nature lui
impose et capable d'une dynamique joyeuse. Pourquoi pas ? Cela
ne dépend que de nous."
(La
décroissance,
n° 29, décembre 2009)
"C'est
donc, dès maintenant, non pas seulement une « croissance
zéro » comme l'avait proposé le Club de Rome ["Le Club de Rome", groupe de réflexion international, avait publié en 1972 The limits to growth = Les limites de la croissance, traduit en français par Halte à la croissance ?, dans lequel les vertus de la croissance sont remises en cause au nom d'une prise de conscience d'une pénurie prévisible des sources
énergétiques et des conséquences du développement industriel sur
l'environnement, rapport qui succédait à la contestation de la société de consommation de 1968], mais une
décroissance de la consommation des plus riches qui est nécessaire.
Cette perspective n'a rien de sombre, à condition qu 'elle soit
accompagnée d'un développement des activités qui ne détruisent
pas les richesses de la planète, notamment toutes celles générées
par les rencontres entre humains."
(Mon
utopie,
Stock, 2006)
Commentaire - de moi : Ben oui, à quoi bon consommer plus et encore plus, changer tous les ans sa console de jeux, son smartphone, son ordinateur, son sac à main, etc. ?... Personnellement, chaque fois (et c'est de plus en plus rare, je me contente des supermarchés) que j'entre dans un hypermarché (généraliste ou spécialisé : jardinage, bricolage, mobilier, etc.), je suis effrayé devant cet excès d'abondance. Il y a de quoi... Quand je songe à mon enfance dans les années 50, où nous n'avions rien sinon le désir d'aimer ce que nous avions, et n'en étions pas plus malheureux, et celle des enfants d'aujourd'hui qui ont tout et ne désirent plus rien, car chaque nouvel objet devient si vite obsolète et les rend malheureux, car ils ne savent plus, justement, désirer ce qu'ils ont... À quoi bon cette accumulation de choses, d'objets, qui ne mène qu'à l'insatisfaction perpétuelle ? Une soirée et une matinée chez mon ami le berger remettent les choses en place. Même s'il reconnaît que sa vie est une suite de passages en paradis (quand il fait beau) et en enfer (quand il fait froid, qu'il pleut - et les averses peuvent être redoutables en Ardèche, ou quand il fait un alpage à 2500 m, avec l'extrême solitude qui est liée à la haute altitude - mais il y trouve aussi de jolis moments, avec ses bêtes), au moins il la vit, sa vie, loin des prétendues béatitudes de la société de consommation qu'il a du mal à comprendre. À sa manière, il est artiste, et sa vie même a un aspect artistique, dans sa sobriété : il la construit, il ne la subit pas.
Commentaire - de moi : Ben oui, à quoi bon consommer plus et encore plus, changer tous les ans sa console de jeux, son smartphone, son ordinateur, son sac à main, etc. ?... Personnellement, chaque fois (et c'est de plus en plus rare, je me contente des supermarchés) que j'entre dans un hypermarché (généraliste ou spécialisé : jardinage, bricolage, mobilier, etc.), je suis effrayé devant cet excès d'abondance. Il y a de quoi... Quand je songe à mon enfance dans les années 50, où nous n'avions rien sinon le désir d'aimer ce que nous avions, et n'en étions pas plus malheureux, et celle des enfants d'aujourd'hui qui ont tout et ne désirent plus rien, car chaque nouvel objet devient si vite obsolète et les rend malheureux, car ils ne savent plus, justement, désirer ce qu'ils ont... À quoi bon cette accumulation de choses, d'objets, qui ne mène qu'à l'insatisfaction perpétuelle ? Une soirée et une matinée chez mon ami le berger remettent les choses en place. Même s'il reconnaît que sa vie est une suite de passages en paradis (quand il fait beau) et en enfer (quand il fait froid, qu'il pleut - et les averses peuvent être redoutables en Ardèche, ou quand il fait un alpage à 2500 m, avec l'extrême solitude qui est liée à la haute altitude - mais il y trouve aussi de jolis moments, avec ses bêtes), au moins il la vit, sa vie, loin des prétendues béatitudes de la société de consommation qu'il a du mal à comprendre. À sa manière, il est artiste, et sa vie même a un aspect artistique, dans sa sobriété : il la construit, il ne la subit pas.
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