Dès
lors, un homme tolérant ne serait-il qu'un homme arrangeant, qui
tâche de ne pas trop déranger ceux qui justement le dérangent ?
Pas si simple : la tolérance a pour limite l'intolérable.
Quelle part de contrariété suis-je prêt à accepter sans perdre
mon identité ou sans renier mes convictions ? Au nom de la
tolérance, les actes intolérants nous sont... intolérables. En
effet, en laissant dire et faire les ennemis de la liberté (en
tolérant discours et actions xénophobes, par exemple), mon
indulgence serait alors coupable de précipiter la ruine des valeurs
qu'elle prétend défendre.
(Étienne
Gruillot, Faut-il
tolérer toutes les idées ?, Milan,
2009)
C'est
un fait, je ne suis pas et ne serai jamais un homme arrangeant. J'ai eu quelques
réponses peu favorables avec mon papier sur le racisme, et sans
doute en aurai-je aussi avec celui sur la 3 D. Mais j'ai l'habitude.
Pour
ce qui concerne le racisme, chacun peut avoir ses idées sur la
question, je n'en disconviens pas, libre à chacun de se revendiquer
porteur d'idées racistes, ou du moins de les accepter : mais
que ceux-là ne viennent pas m'accuser de xénophobie, à moins
qu'ils ne pensent, avec une certaine perversion,
que je fais de la xénophobie anti-française. Pour ma part, je le
regrette, mais j'estime que nous n'avons pas à accueillir toutes les
idées sans prendre parti ; la puanteur nauséabonde des idées
racistes, je ne peux l'accepter, j'en ai trop souffert, des amis aussi, et je ne
trouve pour ma part ni raison ni pertinence dans les discours
raciste. Je n'ai pas à chercher à comprendre ceux qui profèrent ce genre
d'idées, sinon, il me faudrait comprendre aussi Adolf Hitler. Ce qu'ils
disent est très grave, on ne peut se taire et leur dire :
continuez. Je rappelle que Christiane Taubira n’a pas porté
plainte, malgré les insultes et les humiliations qu'elle a dû
encaisser. Ce sont des associations qui se mobilisent. Et j'irai
manifester samedi prochain à Bordeaux, à l'appel de la Ligue des Droits de l'Homme et de nombreuses associations : et j'espère qu'on
sera nombreux.
Quand
des journalistes, des politiciens croient bon d'exploiter la
souffrance des gens auxquels ils s'adressent en leur désignant des
boucs émissaires, ils savent ce qu'ils font, et ce n'est pas à nous
de les laisser dire
sans réagir devant leurs pires ignominies : ils ne peuvent que s'attendre
à ce qu'on leur fasse des reproches, si on a un tant soit peu de sens
moral. C'est à nous de séparer le bon grain de l’ivraie pour ne
pas risquer un jour, comme cela s’est déjà produit dans
l’histoire récente, de voir l’ivraie étouffer le bon grain ? Le
nazisme, la fascisme, et les fantoches à leur botte, comme notre
régime de Vichy, ont poussé leurs politiques discriminatoires
jusqu'à la négation et au final la suppression des « autres »
(Juifs d'abord, tziganes, nègres, slaves et autres "races" non-"aryennes", mais aussi homosexuels, malades mentaux, handicapés, et autres catégories), considérés
comme des sous-humains.
Un
ami immigré, à qui je posais la question : as-tu souffert du
racisme depuis que tu es en France (il y est depuis les années 90), m'a fait la réponse
suivante : « Pour te parler franchement, je me sens
doublement
discriminé:
1/ à cause de mon caractère
(fier, respectueux de moi-même et conscient de le mériter, et
indomptable, quoique pacifiste, aimable et respectueux des gens
et des lieux) ; 2/ à cause de mon origine :
cela je l'ai vécu de façon horrible dans le domaine
professionnel... En
ce qui concerne le racisme,
le plus criminel à mon sens, est celui qui prive des gens du
travail
(c'est-à-dire de leur ressource de vie). Pour le reste, c'est moins
dangereux, moins malheureux. On peut même y être indifférent sans
rien perdre. Quant
à la montée du racisme,
c'est cyclique et la crise qu'on ne cesse d'amplifier est passée par
là. Voilà pour cette question inquiétante. L'Europe a peur, elle
sent le déclin de sa domination, elle se barricade et se ferme sur
elle-même. Je pense que ce n'est pas la bonne solution. La bonne
attitude serait de profiter de tout son potentiel (métissage qu'elle
doit assumer), y compris du regard et des valeurs de
ceux qui viennent d'ailleurs, ceux qui ont tout quitté parce qu'ils
aiment la France, son mode de vie, ses principes, ses valeurs, et qui
ont eux aussi des choses à dire, des atouts à faire valoir. »
Personne
n'est coupable d'être né quelque part. À moins d'être coupable
d'être né tout court... Soyons honnêtes de le reconnaître. Et
donc de reconnaître la qualité d'être humain à tout homme et à
toute femme. N'est-ce pas un penseur latin qui disait : « Je
suis homme, et rien de ce qui est humain ne m'est étranger. »
J'en fais volontiers ma devise, aussi bien que celle de la Cimade : « Il n'y a pas d'étranger sur cette terre. »
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