Vivre n’est plus qu’un stratagème Le vent sait mal sécher les pleurs Il faut haïr tout ce que j’aime Ce que je n’ai plus donnez-leur Je reste roi de mes douleurs (Aragon, Richard II Quarante, à écouter chanté par Colette Magny,
sur http://victorugo.blogspot.fr/search/label/Aragon%20Louis)
Après
la rigolade, un peu de réflexion ! Ah ! Rester roi de ses
douleurs, comme le chante Aragon dans son recueil Le
crève-cœur, ce serait
idéal...
La
nuit a été douloureuse : 45 minutes de répit entre deux
passages rapides aux W-C, pour lâcher quoi, trois misérables et
terribles gouttes. Sous antibiotiques depuis hier, j'ai eu un petit
répit ce matin, réussi à pisser deux fois un fond de verre. Et, la
douleur persistant, je suis retourné aux urgences cet après-midi,
où cette fois on m'a placé une sonde permanente, car ce n'était
plus tenable, j'avais de nouveau une rétention de 0,8 l. Cette fois,
on me donne l'adresse d'une clinique avec urologie, pour que je m'y
rende demain en rendez-vous d'urgence. Je m'attends à casquer, car
les RV urgents avec les spécialistes, ça peut coûter bonbon.
On
verra, l'important est de ne plus souffrir. Le bon La Fontaine avait
beau proclamer "Plutôt
souffrir que mourir, c'est la devise des hommes"
(La mort et le
bûcheron),
j'avais forte envie d'avaler des tonnes de cachets pour en finir :
je ne suis pas assez courageux pour me jeter de mon huitième étage.
Je me croyais dur au mal, moi qui ai supporté les douleurs de
l'ulcère à l'estomac pendant douze ans, moi qui ai préféré
risquer de me faire amputer du pied plutôt que de montrer mon
dessous de pied dans lequel une énorme écharde de bois s'était
fichée en glissant sur la parquet à treize ans, moi qui ai refusé
la morphine lors de mes coliques néphrétiques, moi qui ai enduré
d'autres avanies. Il est vrai que j'étais plus jeune, et un peu plus entouré.
Mais
la solitude n'est pas la bonne conseillère de la douleur. On
ressasse, on tourne en rond. Que faire, en effet ? La lecture ne
m'apporte qu'un soulagement passager, et pourtant L'entourloupé
du Québécois Yves Beauchemin
est un régal qui, en d'autres temps, m'aurait fait mourir aussi,
mais de rire. L'écoute de disques aussi : j'ai écouté Jean
Genet parler de George Jackson hier (disque emprunté à la
Médiathèque du quartier), c'était formidable, ça m'a requinqué
et donné envie de lire Les
frères de Soledad. Mais la
nuit, c'est terriblement long quand on souffre, quand on commence à
douter de soi et de sa capacité à résister au mal. Et que le
sommeil reste vaguement épisodique.
Bon,
y a pire que moi. Dans mon box, on a amené cet après-midi une jeune
fille (20, 22 ans ?) souffrant le martyre après un séjour de trois
mois en Bolivie (infection de l'estomac, infection urinaire), je
l'entendais pleurer. Sa mère était là pour la réconforter. C'est
beau, les voyages, ça forme la jeunesse. Je pense à Lucile, de
nouveau en mission en brousse, à Mathieu sur les routes par cette
canicule (de compagnie, heureusement), à tous les isolés, à tous
les malades, à Igor, sidéen, que j'ai invité à m'accompagner à Venise : et pourrai-je seulement y aller ?...
Prochaines
nouvelles après l'urologue.
Et
avez-vous remarqué cette propension que l'on a à tomber malade le
week-end ?
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