vendredi 4 mars 2022

4 mars 2022 : un autre son de cloche ou "deux poids, deux mesures"

 

Sans le spectacle du crime, que serait l’existence des gens probes, sinon une morne plaine ?

(Franz Bartelt, Of course, L’arbre vengeur, 2021)



Depuis une dizaine de jours, on n’entend dans les médias que bruits de bottes, de tanks, de missiles, de bombes, avec, comme d’habitude, depuis les gilets jaunes et la pandémie, un seul et même son de cloche. On sait bien que tous nos médias (journaux et magazines, radios, télés) sont entre les mains de quatre ou cinq milliardaires (tiens, personne ne les traite d’oligarques, eux, ce qu’ils sont bien pourtant) et que leur doxa est unique (à de très faibles nuances près) et visent principalement à soutenir le capitalisme occidental dont ils sont "les chiens de garde". Quitte à mentir sciemment, bien souvent, et à vilipender tous ceux qui ne sont pas à suivre cette doxa : gilets jaunes, manifestants de toute sorte, ou qui ne sont pas prêts à les admirer béatement. Et ceci partout dans le monde.


La Russie n’y échappe pas, d’ailleurs. Mais croyait-on réellement, en haut lieu, qu’elle accepterait voir l’OTAN s’installer dans un pays voisin. Si la Mongolie demandait à entrer dans l’OTAN, la Chine laisserait-elle faire ? Il faut avoir une mentalité de vassaux pour accepter ça (de Gaulle ne l’avait pas, et nous avait dégagé de cette organisation américano-belliqueuse, on l’a bien vu avec les bombardements de Belgrade naguère, et plus tard Chirac a bien eu raison de ne pas vouloir entraîner la France dans la guerre d'Irak où les USA voulaient nous engluer). Poutine, pas très finaud et mal conseillé, est tombé dans un piège similaire.

Mais de là à admettre tous les bobards officiels et médiatiques ! Car l’Ukraine n’est pas si innocente non plus. On le voit bien avec le sort des Africains (le plus souvent étudiants) qui sont sur son sol, et qui sont éjectés des gares quand ils veulent fuir : "Les Africains voulant fuir l’Ukraine et la guerre en sont empêchés. Les Ukrainiens doivent tous passer avant eux quand il s’agit de monter dans les trains ou de franchir les frontières". D’ailleurs, la Pologne les admettrait-elle, elle qui a eu il y a peu un ignoble comportement avec les migrants syriens, soudanais, etc, contre qui elle a construit un mur pour les empêcher d’accéder en Europe ? Tiens, parlons un peu des murs : on n’avait pas eu de mots assez durs en Occident pour le mur de Berlin. A-t-on entendu la moindre protestation contre le Mur qu’a construit Israël en Cisjordanie ?


 

Et puis les "migrants" sont devenus des "réfugiés", dès lors qu’ils sont Ukrainiens. Ça ne vous dit rien, ce changement de sémantique ? On les présente comme des saints, venant d’un pays "civilisé", pas comme ceux venant de pays africains ou du Moyen-Orient (dixit un de nos brillants ministres macronistes, ce qui ne m’étonne guère). Orientaux et Africains peuvent crever noyés ou de faim et de froid, les Ukrainiens seront accueillis en héros, victimes d’un monstre barbare. Par contre, les Palestiniens peuvent être victimes d’exactions innombrables (éjections de leurs maisons pour implantation de "colonies", assassinats quasi quotidiens, enlèvements et mises en détention sans jugement, maisons et plantations détruites par l’armée d’occupation, mais chacun sait selon nos médias que ce sont tous des terroristes et que l'armée israélienne est la plus pure du monde) : critiquer l’état d’Israël montrerait que nous sommes des antisémites !


Par ailleurs, il ne faut pas croire que l’état ukrainien se soit montré tendre avec ses minorités russophones du Donbass ; cf le docu d’Anne-Laure Bonne, encore visible sur youtube avant qu’il en soit dégagé par nos censeurs de ce qui n’est pas le son de cloche officiel : https://www.youtube.com/watch?v=6Oh-IE2zmJc. Je parie qu'il va être interdit d'ici peu ! Quand on a vu ça, difficile de parler de fraternité et de solidarité de la part des certains Ukrainiens, et on peut comprendre que ces territoires fassent dissidence en faisant appel à leur grand frère russe.

Nos médias sont nettement moins complaisants envers les combattants kurdes qui ont lutté contre les Turcs (il est vrai que la Turquie fait partie de l’OTAN) et je n’ai pas l’impression qu’on ait accueilli les réfugiés kurdes à bras ouverts. Il est vrai que ces derniers sont des "migrants", pas des "réfugiés", nuance ! Je veux bien évidemment qu’on accueille des Ukrainiens comme on devrait accueillir des Kurdes et des Syriens ou des Afghans. Je ne me sens aucune affinité avec des Zemmour et des Le Pen criant haro sur les migrants, et le tri sélectif de ceux-ci me paraît inhumain. Il semble d’ailleurs que l’Ukraine a vendu à la Turquie des drones tueurs dont Erdogan se sert actuellement pour faire du nettoyage ethnique dans les le Kurdistan itakien. Je suis dans les plus de 85000 personnes qui ont signé la pétition qui stigmatise le traitement des Ukrainiens vis-à-vis des Africains : https://www.change.org/p/stop-%C3%A0-la-discrimination-des-africains-fuyant-l-ukraine-%C3%A0-la-fronti%C3%A8re.

Les médias européens et américains surfent à qui mieux mieux sur la résistance ukrainienne à l’invasion russe. Ils font l’éloge des mesures de boycott. Soit. Mais quand on sait que le boycott, non pas d’Israël, mais des produits provenant des colonies illégales des Territoires palestiniens occupés est désapprouvé ici (campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions), l’hypocrisie occidentale est totale ! Et je ne parle pas de la manière dont on traite dans nos médias la résistance des Palestiniens qui pourtant n’ont que des pierres à opposer à l’occupation militaire.

Beaucoup de journalistes peuvent soutenir à bon compte l’armée ukrainienne et qualifier de héros ceux qui résistent à l’invasion/aux attaques de la Russie. Que n’en font-ils autant pour honorer la résistance palestinienne ? Et pour clamer que les boycotts, désinvestissements et sanctions sont des actions légitimes contre une force d’occupation israélienne ? Au contraire, aujourd’hui, on voit nos gouvernants s’attaquer à des associations de soutien à la Palestine et les criminaliser ! Tout en restant proches des Ukrainiens, avec les réserves que j’ai signalées, n’oublions pas nos frères et sœurs palestiniens... ou kurdes, afghans, syriens, soudanais, ouïghours, tchétchènes (la liste est longue et prendrait encore plusieurs lignes).

 

La seule bonne chose de cette guerre est qu'elle nous a enfin débarrassé de la litanie covidienne quotidienne assénée par la radio et la télévision : nombre de vaccinés, nombre de contaminés, nombre de réanimés, nombre de morts...


 

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