Le
poème ne passe que par les mots
L’au-delà
des mots, seul l’homme peut le capter
(Shuntarô
Tanikawa, L’ignare,
trad. Dominique Palmé, Cheyne, 2014)
J’ai
donc passé deux journées et uns soirée éclatantes à Arçais,
dans les Deux-Sèvres, à l’invitation de l'ami Claude Andrzejewski, qui
organise chez lui des manifestations culturelles, petites par leur
dimension, la petite salle ne peut contenir qu’une quarantaine de
personnes, mais immenses par leur ambition : textes et musique
mêlés, lectures théâtralisées, chanson aussi... On en sort
ébloui, surpris, ému, plein
de ferveur envers les artistes et sans doute d’autant plus qu’on
est peu nombreux, ce genre de manifestation ne se prêtant d’ailleurs
pas à la foultitude. Car il faut être très près du ou des
artistes (lecteur, musicien ici), et se sentir partie prenante du
groupe, pour arriver à la ferveur communicative que signalait si
bien Marie Cosnay dans ma page d’hier.
Il
se trouve qu’en plus, il s’agissait de faire une petite soirée
autour de Danse
sur les flots,
mon petit recueil de poèmes paru l’an dernier. Claude, le lecteur,
a fait un choix, curieusement complètement différent de celui que
j’avais fait pour la nuit poétique de Reillanne. Ce qui n’a rien
de surprenant, le
recueil comprend plus de cent textes, il en a sélectionné une
vingtaine (moi, j’en avais pris dix) qu’il a classés dans une
sorte de continuité, comme si l’ensemble ne faisait qu’un seul
poème. Serge, le musicien a utilisé le saxophone, notamment pour
signaler l’entrée en lice du cargo (son de corne), un djembé
(qu’il a frotté pour donner l’impression de la mer), un
instrument à base de tiges métalliques dont le nom m’est inconnu
(et qui permet d’imiter le bruit de l’eau) et une cloche. Il a pu
ainsi donner une sorte de respiration à la lecture de Claude par un
contrepoint musical bienvenu.
Je
n’ai pas reconnu mes textes ; ou bien j’ai eu l’impression
de les découvrir, comme s’ils venaient d’un autre auteur. Loin
de me gêner, ça m’a donné une sensation toute nouvelle :
d’abord, je n’étais pas seul, comme dans le processus
d’écriture. Le lecteur s’appropriait les mots, et
peut-être même l’au-delà des mots, comme écrit le poète
japonais. Sa lecture était celle d’un homme aguerri à l’oralité,
ponctué de pauses, et qui semblait avoir à cœur de faire savourer
les mots. Par ailleurs, le groupe était extraordinairement attentif,
suspendu au mélange de paroles lues et de sonorités musicales. Et
je faisais partie de ce groupe, venu sans doute plus pour Claude que
pour moi, mais qui me découvrait aussi.
La
séance avait d’ailleurs débuté, après la présentation générale
par Virginie, l’hôtesse de maison, par ma lecture d’une partie
de la postface où j’explicite l’origine et les circonstances de
l’écriture. Bref, tout avait été calculé pour faire de cette
soirée une réussite : Claude m’a fait lever pour les
applaudissements, et c’est enlacé par les deux artistes que j’ai
atteint une détente totale. Car, bien sûr, on a toujours peur qu’il
y ait un raté, que le public ne suive pas. Non, là, il
y a eu véritablement une sorte de ferveur, l’émotion était
visible et, pour ma part, j’étais enchanté.
Le
pot qui a suivi a permis quelques discussions avec les uns ou les
autres, notamment sur les voyages en cargo, j’ai signé quelques
exemplaires du livre, mais évidemment la poésie ne se vend pas
aussi aisément que la prose. L’essentiel n’était d'ailleurs pas là. Mais
le principal y était : la joie, l’émotion, le plaisir
d’être ensemble autour de l’amitié tout autant qu’aux abords
de la littérature. Merci Claude (le maître d’œuvre), merci Serge
(tu t’es merveilleusement adapté à la situation), merci Virginie
d’avoir pris ton après-midi pour préparer la salle, et merci à
tous ceux qui sont venus écouter du texte... Bon vent à tous.
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