Je
dois pourtant avouer que la pauvreté souvent observée en voyage
m'émeut, mais ne me déboussole pas. Elle me renvoie à un mode de
vie auquel ma famille a été confrontée, toute proportion gradée.
(Daniel
Herrero, Partir : éloge de la bougeotte)
Un
voyage en mer, c'est aussi l'occasion de dire : « Terre !
Terre ! » Je n'y allais pas spécialement pour ça, et
j'avoue que si j'avais été le seul passager, pas sûr que je serai
descendu à terre, sauf accompagné d'un membre d'équipage. Nous
avons donc eu au total neuf escales, lieux d'arrêt où le cargo
s'est fait décharger et a chargé de nouveaux conteneurs : six à l'aller,
Kingston (Jamaïque), Cartagena (Colombie), Manzanillo, Balboa
(Panama), Guayaquil (Équateur),
Callao (Pérou) ; cinq au retour, Paita (Pérou), Guayaquil de
nouveau, Balboa, Manzanillo (Panama), Cartagena de nouveau. Nous ne
sommes pas descendus à Manzanillo et Balboa, escales trop brèves et
sans intérêt touristique, ce qui nous intéressait à Panama,
c'était le canal ! Je suis descendu à Kingston, Cartagena et
Guayaquil en compagnie de Janet et Jean, à Callao avec Jean, qui
s'arrêtait là (Janet connaissait déjà Lima, et je confirme que
c'est d'un très modeste intérêt), puis à Paita avec Janet, enfin
à Cartagena, avec Janet et Jochen (monté à Guayaquil).
Dans
l'ordre d'intérêt, je classerai Cartagena, puis Paita, Guayaquil,
Kingston et Callao/Lima. Le fait est que je suis descendu les deux
fois à Carthagène, mais je n'ai pas jugé bon, non plus que Janet, de
redescendre à Guayaquil. Il faut savoir que descendre d'un cargo
suppose des formalités, être inscrit sur le rôle d'équipage,
obtenir un « quitus » de sortie validé par l'agent du
service d'immigration qui monte à bord, puis prendre le shuttle
(navette) qui nous amène vers les grilles de sortie, sévèrement
gardées, et montrer patte blanche. De là, on prend un taxi pour
aller en ville.
fresque murale devant la maison de Bob Marley
À
Kingston, nous sommes allés au Musée Bob Marley, qui est en fait sa
maison d'habitation.
la statue monumentale de Bob Marley ; au fond la maison-musée
Ça m'a juste donné envie d'écouter un disque
et de regarder un dvd le concernant. Nous ne sommes pas restés
longtemps car le taxi qui devait nous reprendre à la sortie du Musée
(on lui avait donné une heure) nous a fait faux bond, et on est donc
rentrés direct au cargo, avec un autre taxi, sans rien voir d'autre.
À
Carthagène, les formalités de sortie sont réduites au minimum, et
à 10 h 30, nous foulions le sol. Un taxi avec guide nous prend, on
s'entend sur 20 $ l'aller-retour. On arrive à la vieille
ville de Carthagène, entourée de fortifications.
les fortifs, à gauche la vieille ville, au fond la ville nouvelle
Le guide descend, nous ne donnons rien au taxi
qui s'en va. Jean, qui parle espagnol, fait le tour de la ville avec
le guide, tandis que Janet et moi décidons de le faire à notre
rythme. Rendez-vous pris pour 12 h 30 au Café del mar.
les belles maisons colorées de Cartagena
Nous nous y
retrouvons tous les quatre, nous nous disons qu'il y a encore pas mal
de choses à voir, et disons au guide qu'on le reverra avec le taxi à
20 h. Il veut être payé pour la totalité, je suis prêt à ne lui
donner que 10 $, le prix de l'aller, tandis que Jean, innocent, me
dit de donner les 20 $. J'étais sûr, et Janet comme moi, qu'on ne
le reverrait pas. Tant pis, je donne la totalité, et nous nous
dirigeons vers un restaurant. Celui dans lequel j'ai pu capter la
wi-fi pour envoyer un message en France, y compris à mes deux
Colombiens, un message de Colombie !
Puis
on veut aller prendre un café ailleurs. Justement, sur une place
voisine, il y a, à côté d'une statue de femme énorme, des tables
en plein air.
statue de Botero
Sur qui tombe-t-on, sur Lucian, l'officier roumain
enfin sorti de sa prison maritime, pour la première fois depuis
trois mois. Il nous invite à sa table, mais quand on veut passer
commande, on s'aperçoit que, bien que figurant sur la carte, il n'y
a plus d'expresso, que du café americano. Non, merci, on n'en veut
pas, on part ailleurs. Janet a du mal à suivre le pas alerte de
Lucian, un gamin pour elle ! Au bout de plusieurs détours dans
diverses rues, on ne trouve pas d'autre terrasse : or, Lucian
veut absolument boire son café en terrasse. Ce qui met Jean en
rogne, on se sépare, je reste avec Janet, Lucian va de son côté et
Jean du sien. RV avec Jean soit au Café del mar vers 18 h 30, soit à
la place des taxis à 20 h.
Et
donc, Janet et moi, nous nous baladons dans les rues que nous
n'avions pas parcourues le matin, admirant les maisons coloniales,
les fleurs (bougainvillées, tulipiers),
jolie rue de Carthagène
les oiseaux de mer (j'ai
reconnu des hérons et des aigrettes, mais il y en avait de très
grands, impossibles à voir de près et à identifier), les petits
métiers ambulants ou fixes (vendeurs de glaces sur leurs tricycles,
de fruits, de chapeaux, de colifichets de toute sorte, de boissons,
de peintures naïves) qui étalent leurs marchandises sur les
trottoirs ou dans les jardins publics,
les marchandes de fruits
les sculptures en fer forgé
superbe,
les joueurs de cartes, en fer forgé
les fortifications qui entourent la ville, dans le style de
Vauban, avec leurs canons, les statues des grands hommes (dont
Bolivar, Heredia et Colomb), les églises, le Teatro Heredia, la Bibliothèque,
JP devant la Bibliothèque (fermée, on était un dimanche)
le
bâtiment qui abrite le Festival international de cinéma de Carthagène,
pour l'amateur de festivals de cinéma que je suis
un
match de football très amateur sur un terrain bordé par le
boulevard de ceinture,
match de foot, au fond, la ville nouvelle, toute en gratte-ciel
avec les joueurs obligés de slalomer entre
les voitures pour aller chercher le ballon égaré.
en calèche
Nous nous
permettons un tour de la ville en calèche, pour un prix qui nous
paraissait très bas (60) et qui, à l'arrivée, s'est révélé
mille fois plus élevé (60 000 pesos), parce que nous ne savions pas
que, vu la faible valeur de leur monnaie, quand ils disent 60 ça
signifie 60 mil ! Bon, « it was very nice », a dit
Janet. Puis nous nous sommes dirigés sans nous presser vers le Café
del mar, vers 17 h. Nous y prenons une boisson, au prix exorbitant (le
café est situé sur les fortifs, avec vue sur la mer),
le café del mar, Janet assise dans le vent
mais décidons
à 18 h de ne pas attendre Jean, car le vent s'est levé, Janet,
épaules nues, a peur d'attraper froid.
Nous
déambulons de nouveau en ville, croisons deux autres Européens du
Lutetia, Volodymyr, l'ingénieur ukrainien et Dorin, l'électricien
stagiaire roumain, un grand échalas, mais Janet est fatiguée, et
avisant un banc sur la place Bolivar, décidons d'attendre, en se
disant, que Jean passera peut-être par là.
la statue équestre de Bolivar
Après tout, la vieille
ville de Carthagène n'est pas si grande. Si Janet est fatiguée,
c'est que nous avons marché, et qu'à 72 ans, elle est un peu (et
même un peu plus) en surpoids. Bingo, Jean passe vers 18 h 30. Il
s'assoit sur le banc, nous nous faisons part de nos observations,
puis vers 19 h, décidons d'aller dans un café proche du lieu de
rendez-vous. À 19 h 55, nous sommes à pied d’œuvre pour le rendez-vous avec le taxi. Mais peine
perdue, à 20 h 15, il n'y a toujours personne. Nous recroisons
entretemps nos deux marins qui nous disent qu'ils rentrent à pied,
car le port n'est pas aussi loin à pied qu'en voiture, selon eux
(mais ils sont jeunes, et en fait, ils vont mettre une heure). J'ai grande
envie de les suivre, mais mes co-passagers sont plus réservés,
surtout Janet, vraiment fatiguée.
Nous
hélons donc un taxi, nous entendant sur le prix de 10 $ – c'est
Jean, l'hispanisant qui négocie – sauf que l'espagnol de Jean doit
être peu compréhensible, car le taxi au lieu de nous emmener au
port, nous emmène à l'aéroport ! Janet et moi, derrière,
avions deviné tout de suite qu'il faisait fausse route, que ce
n'était pas du tout la bonne direction, mais après tout, qu'en
savions-nous ? Bénéfice du doute. Enfin, tout s'éclaire. Le
chauffeur a une conduite ultra-sportive, conscient en plus d'avoir
fait un énorme détour. Mais pas de supplément, il se contente de
10 $, Janet le paye 15 tout de même. Et tout est bien qui finit
bien. Nous réchauffons au micro-ondes les lasagnes du chef qui nous
attendaient sur la table. Janet et moi regrimpons non sans peine nos
six étages, et hop, au lit !
À
suivre : autres escales, le canal...
2 commentaires:
Bonjour,
J'ai lu avec intérêt votre récit sur le cargo, merci pour cette belle plume.
Je suis arrivée sur votre blog en faisant une recherche google, afin de trouver un transport maritime pour ralier Guayaquil au canal de Panama. Pourriez-vous m'indiquer comment vous avez trouvé votre cargo?
En vous remerciant d'avance...
Sarah, je suis passé par l'agence parisienne "Mer et voyages"...
Jean-Pierre
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