dimanche 7 février 2021

7 février 2021 : poème du mois, Conceição Evaristo

 

On n’est poète que devant la page, quêtant l’appel des mots – le chasseur à l’affût, cartouchière et carnier – rentrant bredouille plus souvent qu’à son tour.

(Lionel-Édouard Martin, Cratyle pour mémoire, Publie-net, 2017)


        Aujourd’hui, c’est le double anniversaire de ma sœur Maryse et de ma belle-sœur Annie, mes deux neveux et ma nièce de Bordeaux ainsi qu’une amie de Maryse nous ont rejoints ; nous sommes six, nous avons rajouté une rallonge pour nous donner plus d’espace. Nous avons mangé et fêté ça. J’avais fait des crêpes-dessert ; chacun y a mis ce qu’il voulait : du sucre, du chocolat fondu, du miel, du sirop d’agave, de la confiture.

        Et j’ai pensé à la poésie, et à ce Poème de Noël de la grande poétesse afro-brésilienne Conceição Evaristo, que je souhaitais présenter comme poème du mois ce mois-ci, bien que c’eût été plus judicieux en décembre.



POÈME DE NOËL


Le froid dévaste

les enfants à Noël

dans les grottes, les ruelles,

les copropriétés...


Le froid à Noël dévaste

la vie d’un grand nombre.

Dans la solitude de l’assiette vide,

le gâchis du souper

amenuise le goût

de ceux qui ne mouillent qu’en rêver

la simple farine,

dans le vin rouge disparu

dans le renversement

du calice d’autrui.


Le froid à Noël

ne naît pas en décembre.

Depuis la nuit des temps

le froid dévaste

la bouche restée vide

toute l’année.


En décembre, pourtant,

un souvenir fait irruption

sur la peau de tous.

Le froid de l’autre enfant, le froid de l’autre...


Et alors, dans l’ardeur d’exterminer

notre froid, nous fabriquons

la chaleur d’un seul jour, oublieux

du fait que, à l’instar des dieux,

nous pouvons aussi faire de la vie un miracle.


Il suffit de prendre

le feu-éclat de l’étoile

et, avec la flamme du divin-humain

qui vit ne nous,

d’émerveiller le monde

avec l’étoile-guide de la justice.


(Conceição Evaristo, Poèmes de la mémoire et autres mouvements,

Des Femmes, 2019)


 

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