On n’est poète que devant la page, quêtant l’appel des mots – le chasseur à l’affût, cartouchière et carnier – rentrant bredouille plus souvent qu’à son tour.
(Lionel-Édouard Martin, Cratyle pour mémoire, Publie-net, 2017)
Aujourd’hui, c’est le double anniversaire de ma sœur Maryse et de ma belle-sœur Annie, mes deux neveux et ma nièce de Bordeaux ainsi qu’une amie de Maryse nous ont rejoints ; nous sommes six, nous avons rajouté une rallonge pour nous donner plus d’espace. Nous avons mangé et fêté ça. J’avais fait des crêpes-dessert ; chacun y a mis ce qu’il voulait : du sucre, du chocolat fondu, du miel, du sirop d’agave, de la confiture.
Et j’ai pensé à la poésie, et à ce Poème de Noël de la grande poétesse afro-brésilienne Conceição Evaristo, que je souhaitais présenter comme poème du mois ce mois-ci, bien que c’eût été plus judicieux en décembre.
POÈME DE NOËL
Le froid dévaste
les enfants à Noël
dans les grottes, les ruelles,
les copropriétés...
Le froid à Noël dévaste
la vie d’un grand nombre.
Dans la solitude de l’assiette vide,
le gâchis du souper
amenuise le goût
de ceux qui ne mouillent qu’en rêver
la simple farine,
dans le vin rouge disparu
dans le renversement
du calice d’autrui.
Le froid à Noël
ne naît pas en décembre.
Depuis la nuit des temps
le froid dévaste
la bouche restée vide
toute l’année.
En décembre, pourtant,
un souvenir fait irruption
sur la peau de tous.
Le froid de l’autre enfant, le froid de l’autre...
Et alors, dans l’ardeur d’exterminer
notre froid, nous fabriquons
la chaleur d’un seul jour, oublieux
du fait que, à l’instar des dieux,
nous pouvons aussi faire de la vie un miracle.
Il suffit de prendre
le feu-éclat de l’étoile
et, avec la flamme du divin-humain
qui vit ne nous,
d’émerveiller le monde
avec l’étoile-guide de la justice.
(Conceição Evaristo, Poèmes de la mémoire et autres mouvements,
Des Femmes, 2019)
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