La poésie indispensable. Je conçois cependant qu’on puisse l’ignorer absolument. N’est-ce pas le cas d’une majorité écrasante ? Cette singularité, cet anachronisme, ce ridicule (ce mauvais goût), c’est le tribut à payer à l’opinion générale.
(Jacques Morin, Quelques éditos un peu rigolos ou pas trop sur cent numéros, Rhubarbe, 2018)
En ce temps de dureté générale (je viens d’écouter à 9 h un reportage sur le traitement de la pandémie par Bolsonaro au Brésil), et je songe à ma grand-mère qui avait vécu des temps difficiles avec les deux guerres mondiales, et qui aurait reculé d’horreur devant tout ce qu’on voit depuis trente ou quarante ans. Elle m’aurait dit : « Tu vois, au fond, moralement, c’est Hitler qui a gagné la guerre. Les civils sont en première ligne contre les soudards de toute sorte. »
Dans ces moments, je me plonge dans la poésie, peut-être pas la plus grande, mais celle qui fait du bien. C’est pourquoi je propose pour ce mois-ci (Gabriel Péri fut arrêté le 18 mai 1941) un poème de Paul Éluard paru Dans Au rendez-vous allemand (Minuit, 1944) ; j’ai mis en caractères gras la strophe 3, qui m'aide quand je pense toujours à mes amis migrants :
« Gabriel Péri »
Un
homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses
bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait
d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un
homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre
l’oubli
Car
tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous
le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la
lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et
la justice sur la terre
Il
y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots
innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour
justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot
gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de
fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et
le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays
de villages
Et certains noms de femmes et d’amis
Ajoutons-y
Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait
vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais
grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous
son espoir est vivant.
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