ne pas regarder les informations télévisées est une condition de l’hygiène mentale et intellectuelle.
(Bernard Legros, La Décroissance, N° 177, mars 2021)
Je reçois ce jour le communiqué de l’Association France Palestine Solidarité. Cette association organisait hier une manifestation de soutien à la population palestinienne emprisonnée (rappelons qu’on ne peut pas sortir de Gaza), humiliée quotidiennement par la soldatesque extrêmement violente, obligée de passer par des check points qui la bloquent chaque jour, qui voit ses enfants mineurs arrêtés, violentés et torturés en prison, et désormais chassée de chez elle, de ses maisons (qui sont régulièrement détruites), de ses champs (envahis et confisqués par des colons), qui voit ses champs d’oliviers arrachés, à qui on rend la vie impossible, et qui se défend comme elle peut, les résistants étant immédiatement criminalisés et classés comme terroristes.
La France sous la botte allemande aurait-elle accepté d’être occupée plus de soixante-dix ans ? On peut en douter. Encore que, quand on voit la dictature de la peur qui s’est installée par une propagande effrénée depuis deux ans, et qui fait que la population dans son ensemble se confine, accepte masques, couvre-feu, gestes barrière (je dois être un redoutable criminel de ne pas m’écarter systématiquement quand je croise un pékin sur le trottoir : il ou elle me lance un regard furibard neuf fois sir dix), lois liberticides et confiscation de presque toutes les libertés, on n’en doute plus tellement. L’interdiction de manifester pour toute autre chose que d’approuver les béni-oui-oui du système médiatique en est un signe.
Le président de l’AFPS a donc été arrêté, menotté et placé en garde à vue une nuit entière. Le gouvernement pourtant et le médias mainstream n’ont pas de mots assez durs pour dire le mal qu’ils pensent du traitement infligé aux opposants en Chine, en Russie, au Venezuela ou ailleurs, mais quand il s’agit d’Israël qui, depuis plus de trois semaines, essayaient de chasser les Palestiniens de leurs maisons de Jérusalem-Est, on n’en soufflait mot ni à l’Élysée, ni dans la presse. Et maintenant que les Palestiniens se rebellent, on considère en haut lieu que ce sont eux les coupables, à entendre les sons de cloche de la radio, de la télé et du gouvernement. Pardi, ils n’ont qu’à se laisser faire, c’est la raison du plus fort qui "est toujours la meilleure", on le sait bien depuis La Fontaine.
On sait pourtant depuis pas mal de temps que la colonisation est dégueulasse : pourquoi ne le serait-elle pas en Palestine ? Les colons israéliens seraient-ils meilleurs que les autres ? Ils sont tout aussi racistes, prédateurs, massacreurs, voleurs de terres, destructeurs de sociétés que le furent les Américains, les Anglais, les Espagnols, les Portugais, les Néerlandais, les Italiens, les Allemands et les Français (et sans doute d’autres encore) en leur temps, le joli temps des colonies. On croyait ce temps fini. On avait tort. La puissance des armées, des forces de police et des capitalistes s’est tellement accrue que c’est devenu plus facile aujourd’hui. La FrançAfrique ou les USA avec leurs républiques bananières ont bien démontré qu’on peut continuer la domination coloniale sous d’autres formes : toujours "la raison du plus fort" !
Enfin, voici le texte publié par l’AFPS :
Ce mercredi 12 mai peu avant 19 heures, le président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), Bertrand Heilbronn, 71 ans, a été arrêté à la sortie du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères où il avait été reçu par un conseiller du Ministre au sein d’une délégation comprenant des parlementaires, des représentants associatifs et syndicaux.
Ironie de l’histoire : ce sont les policiers qui ont escorté la délégation jusqu’au lieu du rendez-vous, qui ont ensuite arrêté Bertrand Heilbronn à la sortie de l’entretien.
Nous exigeons sa remise en liberté immédiate !
L’AFPS avait fait une déclaration de manifestation appelant, dans le cadre du Collectif pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, à un rassemblement de soutien au peuple palestinien.
La préfecture de Paris, de manière totalement inédite, avait interdit ce rassemblement alors que jamais il n’y a eu le moindre problème pour les manifestations que nous avons toujours organisées en lien avec les autorités.
L’AFPS avait informé par tous moyens de l’interdiction. Bertrand Heilbronn et les responsables d’associations étaient présents pour informer ceux qui se présentaient de l’interdiction et faire en sorte que les choses se passent le mieux possible.
De fait, à part la restriction de la liberté d’expression, les choses se sont passées sans aucun problème : aucun trouble à l’ordre public.
Quel est ce pouvoir qui cueille à la sortie d’un ministère le président d’une association défendant le droit et les droits humains, juste après l’avoir reçu, lui signifie sa garde à vue, le menotte à un banc à son arrivée au commissariat ?
L’interdiction de cette manifestation nous amenait à dire – ce que nous savions déjà – que la liberté d’expression et les libertés publiques sont en danger dans notre pays, mais cette arrestation nous amène à dire qu’un seuil a été franchi.
Demain, dans la semaine, la semaine prochaine, les groupes locaux de l’Association France Palestine Solidarité, aux côtés de leurs partenaires, organisent des rassemblements de solidarité avec les Palestiniens de Jérusalem, de Gaza qui sont sous le feu de l’armée d’occupation israélienne. Ce ne sont pas des méthodes dictatoriales qui nous empêcheront de le faire.
Si les inconditionnels du gouvernement israélien pensent nous faire taire et nous intimider avec de tels procédés, ils se trompent.
Nous sommes du côté du droit, ils le savent et c’est ce qui fait notre force. Nous exigeons la remise en liberté immédiate du président de notre association.
Le
bureau national de l’AFPS
Le 12 mai 2020
Vive le droit de manifester ! Sinon, "nous ne sommes plus maîtres de nos vies. Nous sommes prêts à tout accepter, tout le temps. Nous ne devrions pas admettre cela. [...] Bon, voyons quand même le côté sympathique : braver un peu les interdits – on ne risque quand même pas grand-chose – a un côté agréable". (La décroissance, avrll 2021, n°178, Sous la dictature sanitaire).
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