lundi 17 janvier 2011

17 janvier 2011 : Jip et la technique

Apprendre est toujours amer, toujours à nos dépends. Je ne regrette pas cette amertume.
(Christian Bobin, La présence pure)

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais j'émaille volontiers mes textes de citations extraites de mes nombreuses lectures... Je ne sais presque plus écrire sans m'appuyer sur d'autres textes qui me servent de contrepoint, de relais, de pousse-à-écrire. Mais j'ai un illustre prédécesseur en la personne de Montaigne, dont Les Essais sont truffés de citations. Modestement, j'écris mes essais à moi, sans prétendre rivaliser avec lui. S'appuyer sur d'autres, qui ont écrit ou pensé ce que je ne saurai écrire mieux, me paraît bien. Il ne s'agit pas d'étaler une culture, de toute façon toujours insuffisante, car plus je vieillis et plus je me rends compte que je ne sais rien. Mais que, peut-être, je me connais mieux !
Parlons un peu de la technique. Comme Claire me manque aujourd'hui, elle qui m'a appris à tapisser, à effectuer de petites réparations, à ne pas avoir peur, à essayer... Cependant, je crois qu'elle serait comme moi désorientée maintenant par les nouvelles machines, de plus en plus sophistiquées, complexes, raffinées et qui nécessitent un apprentissage long et amer, pour reprendre l'adjectif de Christian Bobin. Autrefois, pour allumer un téléviseur, il suffisait d'appuyer sur un bouton, pour utiliser un téléphone, c'était ultra simple (il ne servait qu'à ça, maintenant c'est multi-fonctions et multi-emmerdements), pour faire des enregistrements audio ou vidéo, un bouton suffisait, et on retrouvait tout de suite sur les cassettes ce qu'on avait enregistré...
Mais c'était trop simple, la technique évolue, et tant qu'à faire, autant faire compliqué ! Je veux parler du nouvel enregistreur que j'ai acheté pour essayer d'enregistrer Georges Bonnet et Odile Caradec sur leur vie et sur leur œuvre. Comme toujours, la notice explicative est des plus sommaire, et si vous ne comprenez pas, tant pis pour vous ! J'ai essayé à Noël de me faire expliquer par Josué, j'ai vu tout de suite que pour lui ça ne posait aucun problème, il me semblait avoir compris ses explications, mais en voulant essayer tout seul, je n'y arrive pas. Pas du tout ! Je vais être obligé de revenir chez lui pour faire des travaux pratiques complets, avec exercices et vérification que je sais faire.
"C'était une journée si miraculeusement belle que, de peur de la gâcher, il s'efforça de la vivre comme une journée ordinaire", ai-je lu quelque part (Thierry Augé, Et pour l'éternité, in L'homme de trop). C'est très simple, moi aussi parfois je m'efforce surtout de ne pas me lancer dans une opération technique, quelle qu'elle soit, de peur de gâcher ma journée. Et des choses traînent, que je ne fais pas. Il me manque sûrement une case !
Suis-je encore utile à quelque chose ? Je pense alors à Gelsomina dans le film de Federico Fellini, La strada, et à ce que lui dit le fou (il matto) : "Et toi aussi... toi aussi, tu sers à quelque chose... avec ta tête d'artichaut..." Ou au petit dialogue que j'ai trouvé chez Maxime Gorki, dans Une confession : "– Tu sais lire et écrire ? – Je l'ai su, et puis j'ai oublié. Maintenant, je recommence à apprendre. J'y arrive, ça va ! S'il le faut, tu peux. Et il le faut..." Ou à cette personne de mon jardin associatif qui s'est mise en tête d'apprendre l'anglais, à presque mon âge, parce que sa fille va aller vivre aux USA : inscrite à Wall street institute (3000 € pour deux ans), son cours hebdomadaire lui réclame, m'a-t-elle dit au moins dix heures de travail préparatoire à base de multimédia et d'internet. Existe-t-il des cours pour inaptitude à la technique ? Car il faut que j'arrive à utiliser cette foutue machine ! Il le faut, vingt Dieux !

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