« Je pense depuis longtemps déjà que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui sera la cause de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l’indignation qu’éveille la cruauté, ni même les représailles de la vengeance qu’elle s’attire… mais la docilité, l’absence de responsabilité de l’homme moderne, son acceptation vile et servile du moindre décret public. »
(Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne, Flammarion, 2019)
Me voilà enfin un peu plus libre, puisqu’il a bien fallu accepter toutes les contraintes de cette dernière année : confinement, attestations pour se placer, interdictions de ceci ou de cela, obligations diverses (dont de se faire vacciner, alors qu’il n’y avait nul endroit pour ce faire), fermetures de tous les lieux culturels ou de réunion. On nous a rendus dociles, comme disait Bernanos. Autrefois, c’était les religions qui nous faisaient cet effet-là ; aujourd’hui, c’est la démocratie associée aux dictatures ! Et pendant ce temps-là, marchands d’armes, pollueurs d’océans, de rivières, de lacs et de terres cultivables, déforestateurs et massacreurs de populations réfractaires au déboisement, fabricants de réchauffement climatique et milliardaires de tous bords ont doublé leurs fortunes, et aucune contrainte ne leur est appliquée.
J’ai quand même pu étrenner les salles obscures et y aller à vélo, en privilégiant le chemin des écoliers, mercredi et jeudi ayant été de belles journées. J’ai pu retrouver à nouveau les Amis de l’Utopia 33 et partager un pot. J’ai donc vu à l’Utopia mes quatre premiers films depuis sept mois.
Passons rapidement sur Slalom, un film qui narre l’emprise d’un coach sportif sur une ado de quinze ans abandonnée par sa famille à ce pervers qui va jusqu’à la violer. Ce film, au demeurant bien fait et parfois beau, m’a mis extrêmement mal à l’aise, et je le déconseille aux âmes sensibles.
À l’opposé, Josep, tout aussi tragique, puisqu’il raconte l’arrivée en France en février 1939 des réfugiés espagnols - et précisément catalans. La IIIème République ne sort pas grandie du triste accueil qu’elle leur a fait. Le comportement de la police française, raciste, haineuse, est fustigé. Un gendarme, toutefois, se révèle humain, et aidera Josep à fuir. Ils se retrouveront après la guerre au Mexique, où Josep Bartoli a trouvé refuge et s’est lié à Frida Kahlo. C’est un film d’animation que j’avais raté l’an dernier, et une réussite merveilleuse, à la fois humaine et artistique. Je n’en dis plus, mais courez le voir.
Un
pays qui se tient sage,
documentaire choc de David Dufresne,
rend
compte
d’une actualité longtemps ignorée,
sous-estimée,
celle de la brutalité policière envers les gilets jaunes.
C’est
tout bonnement
sidérant.
On
y voit des images de violence projetés sur grand écran et des
personnes les regarder, les commentant éventuellement : des
éborgnés,
des
femmes
gilets
jaunes en colère,
des
philosophes, des sociologues, des policiers, des avocats, des
juristes, etc.
C'est impressionnant, ça abasourdit, dans un premier temps. Ce
qu’on voit ce sont des images captées par des manifestants
eux-mêmes, avec
les
smartphones (pour
une fois que ces engins servent à quelque chose),
mais
aussi par la police qui semble fière de son travail (la scène des lycéens humiliés, mis à genoux pendant trois heures et demie, filmée par un policier goguenard, qui n'arrête pas de dire : "Au moins, voilà une classe qui se tient sage) :
tabassages en règle de manifestants projetés à terre et recevant
des coups d’une barbarie,
d’une férocité, d’une cruauté, d’une sauvagerie à peine
croyables. Il s’agit clairement, en termes de maintien de l’ordre,
de faire peur à de futurs manifestants pour qu'ils ne viennent plus !
Cette
irruption du réel au cinéma (habituellement réservé au factice),
nous
permet de
mieux saisir les
mensonges des politiques, la
désinformation constante
et immuable des
chaînes d'infos en continu et
des télés,
ça m’avait frappé dès les premiers reportages biaisés qu’elles
nous donnaient et les commentaires des fameux "experts". Un documentaire
nécessaire et essentiel (mot à la mode, je sais).
Quant à Mandibules, la nouvelle comédie de Quentin Dupieux, elle m’a fait bidonner, ce qui est rare et inhabituel. On nage dans l’absurde avec ses deux anti-héros Manu et Jean-Gab, deux amis un peu idiots du village, à la diction traînante, qui se trouvent aux prises avec un insecte géant qui leur fait louper un coup qui devait leur rapporter 500 €. Certes, on peut trouver les deux loufdingues un peu épais (les acteurs David Marsais et Gregoire Ludig, épatants), un peu lourdauds et demeurés. Mais quand ils débarquent (à la suite d’une erreur de ressemblance) dans la villa bourgeoise occupée par de jeunes amis en vacances, où ils paraissent incongrus (mais les jeunes, trois filles et un garçon, semblent tout aussi déjantés), les deux compères sont pris au piège. La mouche géante va pouvoir jouer son rôle, que je ne révélerai pas. Les dialogues deviennent plus vifs, le personnage d’Adèle Exarchopulos, hilarante, aide les scènes de la villa à dynamiter le film : ça devient encore plus dément. Le cinéma comique gagne à être court : 1 h 15 ici. Ceci étant, je pense que ça ne plaira pas à tout le monde : tant pis pour les pisse-froid, j’ai passé un bon moment.
derrière le guichet, l'homme à la casquette rouge, c'est moi !
(photo Michel Ibanez)
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