Les
livres sont la plus forte contradiction des barreaux. Ils ouvrent le
plafond de la cellule du prisonnier allongé sur son lit.
(Erri De Luca, Les poissons ne ferment pas les yeux, trad. Danièle Valin, Gallimard, 2008)
une des deux affiches de notre tour du Léman
Et
voilà qu’après avoir failli sombrer dans l’Enfer (qui aurait
été pire s’il avait plu comme ces jours derniers), et avoir vécu
dans les salles d’attente du Purgatoire, il me faut bien parler du
Paradis, car, tous comptes faits, ce fut quand même une semaine
paradisiaque. Je diviserai mon développement sur le Paradis en trois
volets : les êtres humains, les institutions visitées, le pays
traversé.
Cyclo-biblio
(la vélorution des bibliothécaires), c’est – d’abord – une
aventure humaine, des rencontres, de l’amitié (oserais-je dire de
l’amour, tant le mot, complètement connoté "sexe" aujourd'hui, paraît désuet au sens que je lui donne ?), des discussions, parfois des controverses, du
vivant, quoi ! Rassembler 70 personnes (75 avec les
accompagnateurs en voiture et camion), trouver à les loger, à les
nourrir, à ne pas les perdre en route, à les choyer (je crois avoir
été l’un des plus choyés, ayant entendu au moins cinq fois par
jour : « Ça va, Jean-Pierre », chaque fois que
l’un/e ou l’autre me dépassait dans la fournaise des montées),
à les rassembler pour le départ ou l’arrivée, ce ne fut pas un
mince travail. Bravo donc à Lara Jovignot, cheville ouvrière de
cette quatrième édition, aux étudiants de la Haute École de
Gestion de Genève qui se forment en information documentaire polyvalente en trois niveaux
(certificat de capacité en trois ans, bachelor avec deux ans de plus,
master, avec deux ans encore) et dont cinq ou six d’entre eux ont participé
à la randonnée à vélo, faisant parfois ce type de rando pour la première fois de leur vie
et qui ont aidé Lara dans l’organisation. Un vrai bain de jouvence
que cette jeunesse ardente ! Je me voyais revenu à mes années
de jeunesse, et aucun/e ne m’a fait sentir mon âge (je le sens bien tout seul !).
après l'effort, le réconfort : danse dans la bibliothèque
Mais
enfin, c’était aussi une équipée cosmopolite. J’ai
particulièrement sympathisé avec Carmen, l’Espagnole du groupe,
qui connaît bien Bordeaux, et dont un des fils va peut-être
poursuivre ses études à Bordeaux l’an prochain, avec les Flamands
(on m’a mis dans leur chambrée en AJ1)
dont j’aimais écouter le savoureux babil, avec le Zurichois
Herbert (alémanique donc) qui fut un camarade de qualité, avec le
couple de bibliothécaires d’Épinal,
avec Stéphane, Joson, Anne, Michel, Colette, Emmanuel, Jean-Luc, et tous les
autres [une liste par bibliothèques d’origine me serait bien
utile], Français, Suisses, Belges, sans oublier Vincent, notre
camionneur de choc, et sa compagne qui trimballaient nos sacs pour
soulager nos efforts sur la route... Et tou/tes nos capitaines de route, affublé/es d'un gilet fluo orange (le nôtre était jaune), qui se plaçaient en tête et en queue du peloton ou des mini-pelotons quand on se subdivisait ! Quand je vous dis qu c'était super organisé !
Vincent le camionneur (et aussi le papa de Lara)
Enfin,
il y eut aussi les rencontres dans les établissements : écoles
de formation de bibliothécaires, bibliothèques municipales et
scolaires, d’écoles
polytechniques,
universitaires, patrimoniales (Fondation Bodmer, Nations Unies,
Abbaye de Saint-Maurice), où chaque fois nous fûmes reçus comme
des rois, ou plutôt comme les délégués d’un
métier en voie de transformation profonde, plutôt qu’en voie de
disparition, et dont nous étions chargés de faire la promotion ("advocacy" en bon franglais) le
long des routes, à grands coups de "flyers", de badges, de
stylos, de sacs, de "goodies", de menus cadeaux, lors des
pauses prévues à cet effet.
arrivée à Morges
Lors
d'une de ces actions de promotion, à Morges, je me suis trouvé confronté
à un petit groupe de jeunes de 16 à 21 ans, deux garçons, trois
filles, avec qui j’ai papoté pendant un bon quart d’heure pour
savoir s’ils lisaient (les deux garçons : néant), s’ils
connaissaient la bibliothèque, s’ils la fréquentaient
(apparemment, seule une des filles, d’origine immigrée, en était
un pilier assidu) et qu’est-ce qu’il faudrait qu’on y trouve
pour qu’ils y viennent... Ça n’avait pas l’air gagné.
Accessoirement, je leur ai demandé s’ils faisaient du vélo ;
sans étonnement, j’ai vu que les deux garçons étaient plus
intéressés par les motos et les autos, mais
les filles, moins. J’ai distribué en outre deux des livres de
poche de ma bibliothèque, un dvd (Le
docteur Jivago,
ils connaissaient pas du tout !) et un cd du chanteur italien
Gianmaria Testa. Car on était censé avoir apporté chacun ce type
de cadeaux, pour montrer qu’on ne trouvait pas que des livres dans
une bibliothèque.
1 Auberge
de Jeunesse
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