Tous
ceux qui ont perdu quelqu'un sont, si peu que ce soit, engagés dans
la mort. Mais nous n'avons rien perdu. Ils sont là ; ils nous
attendent, là où il n'y a plus d'attente.
(Marguerite
Yourcenar, Suite
d'estampes pour Kou-Kou-Haï,
in En
pèlerin et en étranger,
Gallimard, 1989)
Je
viens de recevoir un nombre d'exemplaires assez important de mon
livre. Mon recueil est une suite de textes poétiques sur le deuil,
c'est pourquoi j'ai mis en exergue la citation de Marguerite
Yourcenar ci-dessus, qui me semble refléter à la fois mon mode de
pensée en général et le contenu assez exact du livre en
particulier.
Je
vous en offre un autre texte, en espérant que vous serez nombreux à
souhaiter l'acquérir, justement pour aider
d'autres
personnes endeuillées. Ceci étant, ce n'est pas un livre triste, je
ne crois pas du moins. J'ai simplement eu besoin, dans l'absence
déchirante qui s'est produite tout à coup, d'une part de faire ces
voyages en cargo et d'écrire de ce lieu de nulle part, au milieu des
océans, pour essayer
d'y voir plus clair.
Voici
donc un des poèmes de la fin du livre :
un
jour, tu as quitté mon orbite
je
n'étais pas pourtant un astre terrifiant
tes
dents voulaient croquer une joie inconnue
ton
rire soulever la routine en poussière
ton
haleine chasser les branches de l'ennui
un
jour, tu as coupé toutes les chaînes
je
n'étais pas pourtant une prison terrible
tes
yeux ne voulaient plus qu'on les retienne
tu
voyais dans mes pleurs un crocodile
et
dans mon souffle un éventail troué
un
jour, tu es partie à la dérive
ivre
comme un bateau sur les mers effarées
tu
m'as laissé creuser ton absence en désert
tu
n'acceptais plus le mensonge du destin
tu
m'as abandonné, chien perdu sur un quai
voilà :
je te poursuis sur les mers insolites
croyant
te retrouver dans les soirs aveuglants
dans
les fruits de la nuit quand la mer est étale
dans
les rides fanées des vagues vieillissantes
jusque
dans les abris des rades du silence
je
te retrouverai, tenace et téméraire
car
les mots veillent la nuit dans mon sommeil
j'essorerai
la mer, la prendrai au lasso
j'épongerai
le sel de sa prison humide
et
un jour, tu referas escale dedans moi
J'espère
que ça vous vous donne une envie d'en lire plus, merci.
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